Aboutissement d’un long processus. Le 1er Novembre 1954, correspondant à la date du déclenchement de la Guerre de libération nationale, dont nous célébrons cette année le 70e anniversaire, n’était pas une idée venue du néant. Il est le fruit de plusieurs décennies de luttes multiformes contre un système colonial inique. Comment ces luttes ont-elles débouché sur une révolution armée ? Quel est le rôle de la classe politique algérienne de l’époque ? Des historiens nous en parlent.
Une multitude de sigles pour une même cause. Le nationalisme algérien n’est pas porté par une seule voix. Au contraire, les voies étaient multiples. Divers courants y étaient représentés, en dépit de la répression du colonialisme. Un véritable multipartisme a, en effet, vu le jour en Algérie bien avant l’indépendance. Le Mouvement national avait plusieurs facettes.
Dans cet entretien, Amar Mohand-Amer évoque les évolutions du camp indépendantiste. Pour lui, pendant toute la durée de la guerre et même avant le 1er Novembre 1954, les «tensions, clivages et oppositions sont légion». «Ce furent des confrontations objectives imposées par la guerre et ses nombreux enjeux et défis», souligne-t-il. Le jeune historien, qui est l’un des plus persévérant de sa génération, a une appréhension : «Le risque ou le danger est que notre histoire nationale ne soit plus à l’avenir du ressort de nos jeunes collègues.»
Notre mémoire est un monde plus parfait que l’univers : elle rend la vie à ce qui n’existe plus.» Cette citation, attribuée à l’auteur français Guy de Maupassant, résume le travail de Cherif Chikhi. Son livre témoignage, Guerre de libération nationale 1954-1962, Souvenirs d’un village martyr (Dahlab, 2024), nous parle avec des mots bien sentis de ces vies simples prises dans la tourmente de la guerre.
Une autre tache noire dans l’histoire du colonialisme français en Algérie. Le 6 novembre 1959, l’armée coloniale avait commis un crime «atroce et impardonnable» resté gravé à ce jour dans la mémoire de nombreux habitants des Issers, à 25 km de Boumerdès.
Il faut dire que la Kabylie, particulièrement la région de Tizi Ouzou, était prête pour l’action armée avant même le déclenchement de la guerre de Libération nationale, le 1er novembre 1954, même si elle n’était pas représentée dans la première réunion du Comité révolutionnaire d’unité et d’action (CRUA) créé en mars 1954. Beaucoup de gens de la région, les émigrés surtout, ont rejoint l’Etoile nord-africaine dès 1926, puis le PPA-MTLD
Si l’on devait résumer ce qu’est le premier Novembre dans notre histoire moderne, on dirait que c’est le point de confluence de toutes les colères contenues depuis 124 ans, de domination coloniale. Sid-Ali Abdelhamid, aujourd’hui disparu depuis le 6 mars 2022, témoin, acteur et animateur dans le Mouvement national dans son courant indépendantiste, a relaté pour El Watan les faits desquels il a été à la fois témoin et acteur, des faits que l’histoire retient comme ayant grandement concouru au déclenchement de la lutte armée.
«La guerre elle est fini Je rentre dans le gourbi Le père, la mère c’est la folie Les enfants il est mouri la femme elle est partie Et moi je suis assis Je pleuri, je pleuri»
Pendant que la guerre faisait rage et que les armées européennes et en leur sein des dizaines de milliers de colonisés, dont la majorité des Algériens, dans le secret des casbahs, dans les masures, les gourbis se chuchotait, comme une prière nouvelle loin des oreilles des policiers et gendarmes qui quadrillaient le pays, ce mot aussi doux que le lait maternel : «El Istiqlal». Clé du rêve ancestral. Le mot le plus interdit d’entre tous !
Dans l’entretien accordé à El Watan, Ouanassa Siari Tengour, historienne au long cours, revient sur le déclenchement de la Guerre d'Algérie le 1er Novembre 1954 dans l'Aurès. Elle évoque, avec force détails, la genèse du mouvement dans cette partie du pays.
«Tant que les lions n’auront pas leur historien, les récits de chasse tourneront à la gloire du chasseur.»
Pour tenter de comprendre plus et mieux ce qui s’est passé en ce premier du mois de novembre 1954, et comment cela est-il arrivé, nous avons interrogé Sid Ali Abdelhamid, un témoin du temps, qui a poussé ses premiers vagissements à l’aube des éruptions des fièvres patriotiques des années 20 et qui, depuis n’a plus quitté le terrain politique national jusqu’à 1955, année où les forces d’occupation l’ont embastillé pour qu’il aille grossir le peuple des prisons colonialistes.
Vous publiez aux éditions La Découverte un livre richement documenté sur «la première guerre d’Algérie», celle de 1830, début des terrifiantes années de l’invasion française jusqu’en 1852. Pourquoi cet angle de recherches ?
L’historien et chercheur algérien Fouad Soufi estime que «le 1er Novembre est le marqueur fondamental de l’Algérie». «C’est cette date qui nous distingue de notre environnement géographique et culturel. C’est cette date qui fait ce que nous sommes.
A vous qui êtes appelés à nous juger (le premier de façon générale, les seconds tout particulièrement), notre souci en diffusant la présente proclamation est de vous éclairer sur les raisons profondes qui nous ont poussés à agir en vous exposant notre programme, le sens de notre action, le bien-fondé de nos vues, dont le but demeure l’indépendance nationale dans le cadre nord-africain.
C’est l’une des images les plus émouvantes de « l’album photo » de la Révolution : celle des six chefs nationalistes posant pour l’histoire dans un studio photo avenue de la Marne, aujourd’hui Mohamed Boubella, à Bab El Oued. Debout de gauche à droite : Rabah Bitat, Mostefa Ben Boulaïd, Didouche Mourad et Mohammed Boudiaf. Assis : Krim Belkacem à gauche et Mohamed Larbi Ben M’hidi à droite.
«Nous tînmes une réunion, Ben Boulaïd, Didouche et moi-même, pour examiner la nouvelle situation, à la suite de quoi, nous décidâmes de convoquer les anciens cadres de l’OS, d’une part, pour clarifier nos positions par rapport aux Centralistes, et, d’autre part, pour poser les problèmes de l’action à mener et de la structure à lui donner. Cette décision nous amena à la réunion des 22 qui se tint à Alger, au Clos Salembier, dans la deuxième quinzaine du mois de juin 1954, sans que je puisse en fixer la date avec précision. Y assistaient : Ben Boulaïd, Ben M’hidi, Didouche, Bitat et moi-même en notre qualité d’organisateurs de la réunion. Yves Courrière donne la date du 25 juillet, ce qui ne concorde pas avec les autres événements. C’est plutôt du 25 juin qu’il faudrait parler.» Mohamed Boudiaf.
Larbi Ben M’hidi. Ce nom est l’une des figures emblématiques de la résistance armée pour la décolonisation de l’Algérie. Ce nom a marqué la lutte pour la libération de l’Algérie dans l’honneur et pour la victoire. Ce nom fut l’un des cofondateurs du Front de libération nationale (FLN) et de l’Armée de libération nationale (ALN) en 1954.
Au mois de janvier prochain, cela fera 70 ans que Didouche Mourad, l’une des figures emblématiques de la Révolution algérienne, est mort, à peine quelques semaines après le déclenchement de la guerre de Libération nationale.
Dans la nuit du 21 au 22 mars 1956, Mostefa Ben Boulaïd, chef historique de la Zone I des Aurès Nememchas, était allongé dans son refuge de la région de Nara (dans l’actuelle commune de Menaâ, à 77 km de Batna), en train d’examiner le poste radio largué dans un colis en parachute par un avion français, quelques jours auparavant.