Au mois de janvier prochain, cela fera 70 ans que Didouche Mourad, l’une des figures emblématiques de la Révolution algérienne, est mort, à peine quelques semaines après le déclenchement de la guerre de Libération nationale.
Faisant parti du groupe des six chefs historiques, en compagnie de Rabah Bitat, Mostafa Ben Boulaïd, Krim Belkacem, Mohamed Boudiaf et Larbi Ben M’hidi, la mobilisation de Didouche Mourad à la cause nationale est considérée comme une preuve patente, contrairement à ce que disaient certaines mauvaises langues, que la conscience libératrice, qui s’était emparée des esprits de cette époque, ne se réduisait pas à de simples revendications sociales, de se sortir quelque peu de la misère ou d’améliorer un tant soit peu son cadre de vie, mais puisait sa source dans une logique révolutionnaire, pleinement émancipatrice, métaphysique même, celle de la volonté farouche d’un peuple, avec ses différentes composantes, de mettre fin aux injustices et aux spoliations et recouvrer enfin son indépendance.
Car il faut savoir que Didouche Mourad était issu d'une famille pour le moins aisée, originaire du village Iveskriyen, dans la wilaya de Tizi Ouzou. S’il a passé sa prime jeunesse à Alger, dans le quartier huppé de la Redoute, qui deviendra après l’indépendance El Mouradia, il n’a pas été pour autant corrompu par les biens matériels ni par le confort qu’une vie bourgeoise lui promettait. Didouche Mourad n’a, en effet, pas hésité une seconde à prendre fait et cause pour la Révolution algérienne, quitte à tout perdre, quitte même à perdre la vie à la fleur de l’âge.
C’est déjà en 1947, alors âgé de 20 ans, qu’il s’éveille à la conscience politique en allant organiser des élections municipales dans son département ou même en participant aux élections à l’Assemblée algérienne. A cette époque, il travaillait en qualité de cheminot, dans la gare d’Alger, et avait même sa carte de syndicaliste. Il fut cependant arrêté par la police coloniale alors qu’il se rendait dans la région de l’Oranie, mais parvint, cependant qu’on était sur le point de le condamner, à s’enfuir in extremis.
Toujours en 1947, il participe à la fondation de l’OS (Organisation spéciale), le bras armé du MTLD de Messali El Hadj et trois années plus tard, au démantèlement de cette organisation par la police française, il parvient à se faufiler des mailles de la répression coloniale (130 personnes avaient alors été arrêtées), ce qui le fait condamner, par contumace, à dix ans de prison ferme.
De cette période jusqu’à novembre 1954, Didouche Mourad ne reste pas les bras croisés, constituant, en 1952, avec Mostafa Ben Boulaïd, une association clandestine missionnée pour confectionner des bombes et récupérer le stock des armes américaines laissées après la fin de la Seconde Guerre mondiale, puis, après un bref séjour en France, où il s’approche de la Fédération de France du MTLD en devenant l’adjoint de Mohamed Boudiaf, il revient à son pays natal pour participer au Comité révolutionnaire d’unité et d’action (CRUA) où, lors de la réunion des 22, on le désigne comme responsable de la Zone 2 (celle du Constantinois).
A la fondation du FLN, en octobre 1954, il fait partie des rédacteurs de la déclaration du 1er Novembre 1954 puis à l’éclatement de la guerre, il se rend, avec son adjoint Zighout Youcef, à Constantine où il établit les bases de sa stratégie militaire en vue de libérer le pays. Il tombe malheureusement au champ d’honneur le 18 janvier 1955, dans la commune appelée alors Condée-Smendou (qui deviendra, après l’indépendance, la ville Zighout Youcef) lors de la célèbre bataille du douar Souadek, laissant son adjoint Zighout Youcef lui succéder à la tête de la Zone 2.
De l’avis de celles et ceux qui l’ont côtoyé, et dont les témoignages sont monnaie courante sur internet et dans les livres d’histoire, il serait injuste de réduire Didouche Mourad à un simple stratège militaire tant l’homme était un fin politicien, tribun à ses heures et ayant une force de persuasion, confortée par une élocution sans faille qui forçait le respect à tout un chacun. Mort pour une Algérie libre et indépendante, Didouche Mourad n’avait alors que 27 ans.