Le plan tant redouté d’une vaste offensive sur Rafah a franchi, hier, un cap opérationnel inquiétant : l’armée sioniste a entamé l’évacuation de la population civile de la région en commençant par les quartiers est de la ville. Cette première évacuation concernerait quelque 100 000 personnes.
L’occupant sioniste a commencé à faire évacuer hier la ville de Rafah en prévision de la vaste offensive terrestre qu’il s’apprête à lancer dans la région. Malgré les pressions internationales, y compris américaines, appelant l’Etat hébreu à renoncer à cette opération qui met en danger des centaines de milliers de civils palestiniens, et malgré le fait que des discussions sont toujours en cours en vue d’aboutir à une trêve, Netanyahu et son cabinet de guerre semblent bien décidés à mener cette attaque jusqu’au bout.
Selon Al Jazeera, l’armée israélienne «a entamé l’opération d’évacuation en commençant par les quartiers est de la ville de Rafah». Cette première évacuation concernerait quelque 100 000 personnes, précise la même source. L’aviation israélienne a largué des tracts appelant les habitants de l’est de Rafah à quitter immédiatement cette zone.
«Tsahal appelle les Palestiniens à évacuer l’est de Rafah avant l’offensive prévue», titrait hier le site Times Of Israël. «Les civils ont été appelés à se déplacer vers une zone humanitaire élargie dans les régions d'Al Mawasi et de Khan Younès, au sud de Ghaza», indique le site israélien, avant d’ajouter : «A 8 heures du matin, les forces de défense israéliennes ont commencé à larguer des tracts dans l’est de Rafah, à envoyer des SMS et à passer des appels téléphoniques aux Palestiniens pour leur donner des instructions sur les secteurs qui doivent être évacués et les itinéraires à emprunter pour se rendre vers une zone humanitaire désignée.»
Et de préciser : «L’ordre d’évacuation ne s’applique qu’à certains quartiers de Rafah et pas à l’ensemble de la ville pour l’instant, bien qu’Israël se soit engagé à opérer dans toute la région, considérée comme le dernier refuge majeur du Hamas.»
Les forces d’occupation sionistes sont persuadées, à en croire le média israélien, que le Hamas disposerait encore de «six bataillons dans la bande de Ghaza, dont quatre à Rafah : Yabna (sud), Shaboura (nord), Tell Al Sultan (ouest) et Rafah est. Deux autres bataillons du Hamas restent dans le centre de Ghaza, dans les camps de Nusseirat et Deir Al Balah».
«Les habitants évacuent dans la terreur et la panique»
Oussama Al Kahlout, un responsable du Croissant-Rouge palestinien dans l'est de Rafah, déclare à L’AFP : «Le processus d'évacuation a commencé sur le terrain, de façon limitée. Les habitants évacuent dans la terreur et la panique.» Selon lui, 250 000 personnes sont massées dans le secteur oriental de la ville, touché par ces déplacements forcés.
L’armée israélienne a tenté de rassurer en disant qu’elle a «commencé une opération d'ampleur limitée» pour «évacuer temporairement les personnes résidant dans l'est de Rafah», rapporte l’AFP. Les forces d’occupation confirment qu’«environ 100 000» Palestiniens sont concernés par cette évacuation.
Les tracts largués par voie aérienne préviennent que «quiconque reste dans la zone (concernée par l’évacuation, ndlr) met en danger sa vie et celle de sa famille». «Pour votre sécurité, l'armée israélienne vous demande d'évacuer immédiatement vers la zone humanitaire élargie d'Al Mawasi», préconise le tract. Al Mawasi est à une dizaine de kilomètres de Rafah. Aux civils palestiniens qui acceptent de s’y établir, l’occupant promet «des hôpitaux de campagne, des tentes et un volume croissant de nourriture, d'eau, de médicaments» et «autres commodités».
Abdul Rahman Abu Jazar, un habitant de Rafah, ne cache pas son inquiétude à un reporter de l’AFP. «Ma famille et moi, 13 personnes, ne savons pas où aller», confie-t-il. «Les "zones humanitaires" indiquées par l'armée sont déjà surpeuplées», a-t-il affirmé. Réagissant à ces manœuvres, le Hamas a prévenu, selon Al Jazeera, que «l’opération militaire à Rafah ne sera pas une promenade de santé pour l’armée de l’occupant, et la résistance est fin prête pour défendre notre peuple».
Parallèlement à ces préparatifs de guerre, les forces d’occupation ont intensifié depuis dimanche leurs frappes sur Rafah, notamment le secteur est, ce qui explique l’instance de l’armée israélienne sur son évacuation. Selon l’agence Wafa, 26 personnes ont péri dans des bombardements dans la région entre hier et avant-hier.
Selon Al Jazeera, le bilan de ces raids s’est aggravé à 28 morts. Parmi les victimes, on dénombre 11 enfants. Wafa précise que ces frappes ont ciblé 11 habitations situées dans les quartiers Al Salam, Al Janina et la rue George à l’est, ainsi que Kharbate El Adass au nord-est de Rafah.
La Défense civile de Ghaza a déclaré, de son côté hier, que l'armée israélienne a intensifié ses bombardements à Rafah, mêlant raids aériens et tirs d’artillerie. «Cela dure depuis la nuit dernière et les bombardements se sont intensifiés depuis ce matin», a signalé à la presse Ahmed Redwan, un porte-parole de la Défense civile palestinienne.
D’après lui, deux des quartiers visés, à savoir Al Shuka et Al Salam, «figuraient parmi ceux que l'armée israélienne a demandé aux habitants d'évacuer». Parmi les 28 morts enregistrés à Rafah, les secouristes palestiniens «ont fait état de neuf morts dans la famille Al Attar et sept autres dans la famille Keshta», nous apprend l’AFP.
Selon le ministère de la Santé à Ghaza, les forces sionistes ont commis 5 massacres suite à une série de frappes nocturnes, entre dimanche et hier, faisant 52 morts et 90 blessés en 24 heures. Le bilan global des victimes des attaques israéliennes s’est ainsi alourdi pour atteindre 34 735 morts et 78 108 blessés.
Devant l’imminence de l’invasion terrestre de Rafah, la présidence de l’Autorité palestinienne multiplie les contacts pour essayer de stopper un véritable bain de sang annoncé. «Nous appelons l'administration américaine à intervenir immédiatement pour empêcher ce massacre», a déclaré la présidence palestinienne, rapporte l’agence Wafa. «L'invasion de Rafah signifie qu'un million et demi de citoyens palestiniens seront exposés à un massacre génocidaire ainsi que des tentatives de déplacement contre lesquelles nous avions précédemment mis en garde», souligne la même instance.
La France a exprimé sa «ferme opposition» à cette opération. Paris a rappelé que «le déplacement forcé d'une population civile constitue un crime de guerre au sens du droit international», a fait savoir le Quai d’Orsay via un communiqué. Josep Borrell, le chef de la diplomatie européenne, a critiqué à son tour l'ordre d'évacuation israélien.
Pour lui, cela «laisse présager le pire : davantage de guerre et de famine», a-t-il posté hier sur la plateforme X. «C'est inacceptable. Israël doit renoncer à une offensive terrestre» à Rafah, a-t-il protesté. «L'UE, de concert avec la communauté internationale, peut et doit agir pour empêcher un tel scénario», a-t-il encore plaidé. La Maison-Blanche a annoncé que Joe Biden allait s’entretenir avec Netanyahu afin de discuter de ces développements alarmants.
Et l’Unrwa a prévenu, à travers une publication sur le réseau X : «Une offensive israélienne à Rafah entraînerait davantage de souffrances et de morts parmi les civils. Les conséquences seraient dévastatrices pour 1,4 million de personnes.» Et d’affirmer sur un ton de défiance que «l’Unrwa n'évacue pas (Rafah)», assurant que l’agence onusienne «maintiendra sa présence» sur place «aussi longtemps que possible et continuera à fournir une aide vitale à la population».
Philippe Lazzarini, le chef de l’agence onusienne pour les réfugiés palestiniens, s’est fendu de ce message : «Une offensive militaire israélienne entraînera une couche supplémentaire d’une tragédie déjà insupportable pour la population de Ghaza. Il sera alors encore plus difficile d’inverser l’expansion de la famine déjà provoquée par l’homme. Ce qu’il faut, c’est un cessez-le-feu maintenant, pas de nouveaux déplacements forcés et l’angoisse d’une souffrance sans fin. Avec nos partenaires, nous resterons et nous fournirons une assistance essentielle à Rafah aussi longtemps que possible.»
600 000 enfants palestiniens en danger
L’Unicef a averti que quelque 600 000 enfants entassés à Rafah sont menacés d'une «nouvelle catastrophe imminente». «En raison de la concentration élevée d'enfants à Rafah, parmi lesquels beaucoup sont extrêmement vulnérables et au seuil de la survie, ainsi que de l'ampleur prévisible des violences, avec des couloirs d'évacuation potentiellement minés ou parsemés de munitions non explosées, et les installations et services dans les zones de relogement étant limités, l'Unicef lance un avertissement concernant une nouvelle catastrophe imminente pour les enfants», a mis en garde l’organisation de protection de l’enfance via un communiqué.
«Les opérations militaires risquent d'entraîner un nombre considérable de victimes civiles et de provoquer la destruction totale des services et infrastructures de base dont ils dépendent encore pour leur survie», a-t-elle ajouté. «Rafah est aujourd'hui une ville d'enfants qui n'ont aucun endroit sûr où aller à Ghaza.
Si des opérations militaires de grande envergure sont lancées, les enfants ne seront pas seulement menacés par la violence, mais aussi par le chaos et la panique, à un moment où leur état physique et mental est déjà très fragilisé», martèle la cheffe de l'agence onusienne, Catherine Russell.
L’ONG Save the Children s’alarme elle aussi, rapporte l’APS, de l’imminence de l’offensive tant redoutée : «Le temps est compté pour protéger les enfants de Rafah, dernier refuge pour environ 1.2 million de personnes, selon l'OMS.»
«L'incursion annoncée mettra non seulement en danger la vie de plus de 600 000 enfants, mais provoquera l'effondrement de l'aide humanitaire qui lutte actuellement pour maintenir en vie la population de Ghaza», estime l’ONG. Bushra Khalidi, directrice du plaidoyer pour Oxfam dans les Territoires palestiniens, a averti pour sa part que «du point de vue humanitaire, il n'existe aucun plan crédible» pour mettre à l’abri les civils à Rafah.
La représentante d’Oxfam dit ne pas pouvoir «imaginer que l'attaque contre Rafah puisse avoir lieu» en se demandant où iront les Palestiniens déplacés «alors que la plupart de leurs environs auront été réduits en morts et en décombres». Pour le secrétaire général du Conseil norvégien pour les réfugiés, Jan Egeland, l'assaut contre Rafah «pourrait conduire à la phase la plus meurtrière de ce conflit, infligeant d'horribles souffrances aux civils déplacés dans la région».
Le Hamas accepte une proposition de trêve à Ghaza
Le Hamas dit avoir accepté, hier, une proposition de trêve, quelques heures après le début d’une opération israélienne d’évacuation de dizaines de milliers de personnes de Rafah, à la lisière sud de la bande de Ghaza assiégée. L’évacuation doit être le prélude à une vaste opération militaire terrestre israélienne dans la ville surpeuplée de Rafah, à laquelle s’opposent de nombreux pays, dont les Etats-Unis, principal allié d’Israël, et organisations internationales.
Ismaïl Haniyeh, chef du bureau politique du Hamas, s’est entretenu par téléphone avec le Premier ministre qatari, cheikh Mohammed ben Abdelrahmane Al Thani, et le chef durenseignement égyptien, Abbas Kamel, les informant que «le Hamas avait approuvé leur proposition d’accord de cessez-le-feu», selon un communiqué publié sur le site du mouvement palestinien, sans plus de détails.
«La balle est désormais dans le camp» d’Israël, a déclaré à l’AFP un responsable du mouvement sous le couvert de l’anonymat. Un haut responsable israélien a indiqué à l’AFP qu’Israël était en train d’examiner la proposition de cessez-le-feu dans la bande de Ghaza, soumise par l’Egypte et le Qatar. Néanmoins, l’armée israélienne a réitéré, hier soir, son appel aux habitants des quartiers est de Rafah à évacuer la zone.