Alors que l’agence onusienne est interdite d’activité par Israël, Lazzarini riposte : «Tous les Palestiniens de Ghaza se tournent vers l’UNRWA»

30/01/2025 mis à jour: 12:15
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Photo : D. R.

L’accusant de «complicité» avec Hamas, Israël a mis fin aux activités de l’UNRWA dans les territoires palestiniens occupés. Deux lois qui entreront en vigueur ce jeudi 30 janvier ont été votées dans ce sens. La première, à l’origine de l’ordre d’expulsion de l’Agence, interdit les activités de l’UNRWA en Israël, y compris à Jérusalem-Est, que l’entité sioniste occupe depuis 1967. Le second texte, adopté dans la foulée par la Knesset, interdit aux responsables israéliens de collaborer avec l’UNRWA.

Apartir d’aujourd’hui, l’UNRWA ne sera plus autorisée à poursuivre son action en Palestine occupée. Danny Danon, représentant permanent d’Israël auprès des Nations unies, a déclaré mardi que son pays «mettrait fin à toute collaboration, communication et contact avec l’UNRWA et quiconque agissant en son nom», à compter de ce 30 janvier, rapporte l’AFP.

Les Etats-Unis ont dit soutenir la décision israélienne tandis que l’ONU estime qu’elle met en danger «l’avenir des Palestiniens». Israël n’a eu de cesse d’accuser l’UNRWA d’employer des militants de Hamas et de compter parmi les membres de son personnel à Ghaza des combattants palestiniens qui auraient participé aux attaques du 7 octobre 2023. L’agence onusienne avait dû se séparer de 12 de ses collaborateurs en 2024 tandis que l’ONU avait diligenté une enquête en interne et mandaté également des experts indépendants pour établir la vérité sur la «neutralité» de l’UNRWA.

Un document des Nations unies publié mardi sur ONU-Info revient largement sur cette expulsion de l’UNRWA des territoires palestiniens et sur ses graves conséquences. Le document reprend de larges extraits de l’intervention du chef de l’Agence onusienne pour les réfugiés palestiniens, Philippe Lazzarini, devant le Conseil de sécurité, mardi, une réunion consacrée à la situation au Moyen-Orient.

«Limiter nos opérations maintenant, en l’absence d’un processus politique et alors que la confiance dans la communauté internationale demeure très faible, mettrait en péril le cessez-le-feu», a d’emblée averti le chef de l’UNRWA. «Alors que des dizaines de milliers de personnes retournent dans le nord de l’enclave après 15 mois de guerre, à la recherche des vivants et pour enterrer les morts, M. Lazzarini a indiqué que «tous les Palestiniens de Ghaza se tournent désormais vers l’UNRWA, l’Agence qu’ils ont connue toute leur vie, pour obtenir de l’aide».

13 000 employés de l’UNRWA en Palestine

La réunion du Conseil de sécurité qui s’est tenue avant-hier a été convoquée «suite à l’envoi, le 24 janvier, d’une lettre par le représentant permanent de la mission israélienne au secrétaire général de l’ONU, dans laquelle il somme l’UNRWA d’évacuer ses locaux à Jérusalem-Est et de cesser toute activité dans ce secteur de la ville sainte d’ici le 30 janvier», précise Onu-Info.

Et de poursuivre : «Ce courrier fait suite à deux lois visant l’UNRWA, votées en octobre dernier par le Parlement israélien et censées entrer en vigueur à la fin du mois de janvier. La première, à l’origine de l’ordre d’expulsion de l’Agence, interdit les activités de l’UNRWA en Israël, y compris à Jérusalem-Est, que les Israéliens occupent depuis 1967.

Le second texte, adopté dans la foulée par la Knesset, interdit aux responsables israéliens de travailler avec l’UNRWA et ses employés.» «Si elle entrait en vigueur, cette loi compliquerait considérablement les activités de l’Agence à Ghaza, dans la mesure où Israël contrôle toutes les entrées de livraison d’aide humanitaire dans l’enclave», alerte l’ONU.

«L’agence a livré les deux tiers de toute l’aide alimentaire»

Dans son plaidoyer devant les membres du Conseil de sécurité, Philippe Lazzarini a indiqué que l’UNRWA compte 13 000 employés répartis sur 300 locaux. Des chiffres qui en font «la plus grande présence de l’ONU à Ghaza», soutient-il. De ce fait, chasser l’UNRWA de la Palestine occupée ou entraver son activité «saboterait le redressement et la transition politique à Ghaza», fera-t-il remarquer.

«Cela compromettrait les capacités des Nations unies au moment même où l’aide humanitaire doit être considérablement renforcée et ne ferait qu’aggraver les conditions de vie déjà catastrophiques de millions de Palestiniens», souligne le document de l’ONU. Philippe Lazzarini a tenu à riposter aux arguties israéliennes selon lesquelles les services accomplis par l’UNRWA en Palestine peuvent être assurés par d’autres organisations humanitaires.

Il a notamment mis l’accent sur le fait que «les capacités de l’Agence à fournir directement des soins de santé à des millions de Palestiniens et à assurer l’éducation de centaines de milliers d’enfants dépassent de loin celles de toute autre entité», rapporte ONU-Info. «Ces services ne peuvent être transférés qu’à un Etat fonctionnel», a-t-il appuyé.

Le responsable onusien a également apporté des clarifications concernant les «affirmations du gouvernement israélien selon lesquelles l’Agence ne jouerait qu’un rôle négligeable dans l’acheminement de l’aide humanitaire à Ghaza». «L’UNRWA représente la moitié de la réponse d’urgence (à Ghaza) et toutes les autres entités fournissent l’autre moitié», a-t-il répliqué.

Depuis octobre 2023, «l’Agence a livré les deux tiers de toute l’aide alimentaire à Ghaza, fourni un abri à plus d’un million de personnes déplacées et vacciné un quart de million d’enfants contre la polio», détaille le site d’information de l’ONU. «Depuis le début du cessez-le-feu, précise la même source, l’UNRWA a fait entrer 60% de la nourriture acheminée dans l’enclave, au profit de plus d’un demi-million de personnes.» De plus, l’Agence «réalise environ 17 000 consultations médicales chaque jour».

«Campagne de désinformation»

Le patron de l’Agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens a également attiré l’attention sur les conséquences désastreuses de l’expulsion de l’UNRWA en Cisjordanie occupée. «La fin des opérations de l’UNRWA privera les réfugiés palestiniens d’éducation et de soins de santé» dans ce territoire, a-t-il averti. «L’Autorité palestinienne a clairement fait savoir qu’elle n’avait pas les ressources financières ni la capacité de compenser la perte des services de l’UNRWA», a insisté M. Lazzarini. «La cessation des activités de l’Agence et la fermeture de ses locaux à Jérusalem-Est affecteraient environ 70 000 patients et plus d’un millier d’élèves», a-t-il ajouté.

Le chef de l’UNRWA a mis l’accent par ailleurs sur l’illégalité des deux lois adoptées par le Parlement israélien au regard du droit international. Les lois votées par la Knesset «défient les résolutions du Conseil de sécurité, de l’Assemblée générale de l’ONU et de la Cour internationale de justice», explique Lazzarini.

C’est que les mesures d’expulsion israéliennes «ne tiennent pas compte du fait que l’UNRWA est le mécanisme établi par l’Assemblée générale de l’ONU pour fournir une assistance aux réfugiés palestiniens, en attendant une réponse politique à la question palestinienne». Le commissaire général de l’UNRWA a dénoncé au passage la violente «campagne de désinformation» menée par les autorités israéliennes.

Celles-ci se sont acharnées, dit-il, à salir l’image de son Agence «en la présentant comme une organisation terroriste». «Des panneaux d’affichage et des publicités accusant l’UNRWA de terrorisme sont récemment apparus dans les principales villes du monde», a-t-il déploré, affirmant que ces derniers «étaient financés par le ministère israélien des Affaires étrangères».

«L’absurdité de la propagande anti-UNRWA ne diminue pas la menace qu’elle représente pour notre personnel, en particulier pour ceux qui se trouvent en Cisjordanie occupée et à Ghaza, où 273 de nos collègues ont été tués», a mis en garde Philippe Lazzarini. Mais malgré toutes ces entraves, malgré cette campagne calomnieuse et malgré le danger, l’infatigable combattant humanitaire se dit déterminé à poursuivre sa mission en Palestine «jusqu’à ce qu’il ne soit plus possible de le faire».
 

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