Proposition de loi Criminalisant la colonisation française : «La mémoire ne peut être un instrument de pression ou de chantage»

24/03/2025 mis à jour: 01:02
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Le président de l’APN, Brahim Boughali, et les membres de la commission chargée d'élaborer une proposition de loi criminalisant le colonialisme français en Algérie

C'est officiel, la commission parlementaire ad hoc chargée d'élaborer une proposition de loi criminalisant le colonialisme français en Algérie a été installée hier par Brahim Boughali, président de la Chambre basse du Parlement. 

Composée de sept députés représentant les différents groupes parlementaires, cette commission, selon M. Boughali, aura «tous les moyens» à sa disposition pour mener à bien sa mission et pourra recourir à l’assistance des spécialistes et des juristes. 

Pour les députés, il s'agit de Djouzi Meziane, dont les parents sont des martyrs au nom du Front de libération nationale (FLN), Baida Fatima pour les indépendants, le Mouvement de la société pour la paix (MSP) est représenté par l'élu Belkheir Zakaria, alors que c'est Ismail Mira, fils de Abderrahmane Mira commandant de l'Armée de libération nationale (ALN), qui représente le Rassemblement national démocratique (RND) au sein de cette commission ad hoc. Le Front El Moustakbal, le mouvement El Bina  et les non-affiliés à un groupe sont respectivement représentés par les parlementaires Fateh Brikat, Kamel Ben Khlouf et Kadri Abdelrahman. Cette instance sera renforcée par des experts en droit. 

Dans son discours à l'issue de l'installation de cette commission qui intervient après plusieurs initiatives lancées ces dernières années, toutes restées sans suite, M. Boughali a affirmé que tous les moyes nécessaires seront mis à la disposition de cette commission pour accomplir ses missions. Elle pourra faire, selon lui, appel à toutes les compétences, notamment aux experts et aux juristes intéressés par les questions mémorielles et les crimes commis contre l'Algérie durant la période allant de 1830 à 1962. 

Avec cette initiative, l'Algérie entend, précise-t-il, inscrire la mémoire nationale dans une dynamique de «reconnaissance» et «de justice» en refusant toute tentative «d'oubli ou d'instrumentalisation» de son passé colonial. Dans son intervention, le président de l'Assemblée a nié toute intention de l’Algérie d’utiliser la question de la mémoire, comme le prétendent certaines parties en France, «comme un instrument de pression et de marchandage». 

Tout ce que l’Algérie fait c’est «par fidélité aux sacrifices de notre peuple» et par «devoir moral et historique de faire éclater la vérité et d’arracher la reconnaissance des crimes commis», a-t-il souligné, précisant que le but est d'obtenir la reconnaissance des crimes contre l'homme, l'environnement et le patrimoine bâti. 

Hommage aux «plumes libres» en France

Le colonialisme, tonne M. Boughali, ne «se glorifie pas». Il a rappelé, à cet effet, que ces crimes, perpétrés avec une «impunité révoltante», ont été consignés par leurs propres auteurs dans leurs mémoires, sans le moindre remords, et ont été dénoncés par la presse européenne de l’époque en raison de leur atrocité.
 

Dans ce sens, il a listé quelques crimes du colonialisme français en Algérie, comme les enfumades de Dahra en 1845, le massacre de Laghouat où des armes biologiques ont été utilisées en 1852, les massacres du 8 Mai 1945, les essais chimiques à Oued Namous, les explosions nucléaires à Reggane et In Ecker, les mines antipersonnel, le confinement des restes des martyrs dans des musées français…

M. Boughali a rappelé qu’une telle loi criminalisant la colonialisme a fait l’objet d’une proposition au moins à cinq reprises depuis la quatrième législature (1997-2002). La question a fait également l’objet d’intérêt au niveau africain, avec l’adoption par le 38e sommet (février 2025) des chefs d’Etat de l’Union africaine (UA) d’une résolution classant l’esclavage, la déportation et le colonialisme comme crimes contre l’humanité et crimes de génocide à l’encontre des peuples africains, a-t-il soutenu. 

Aussi à l'échelle interne, il a réitéré la position exprimée par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, à ce sujet, à savoir que «le dossier de la mémoire ne s’érode pas avec le temps ou l’oubli et n’accepte aucune concession ou compromis, et il restera au cœur de nos préoccupations jusqu’à ce qu’il soit traité de manière objective et équitable envers la vérité historique». 

L’installation de cette commission a coïncidé avec la commémoration de l’assassinat de l’avocat Ali Boumendjel, né à Relizane le 24 mai 1919 et mort sous la torture des soldats français le 23 mars 1957. Les autorités françaises, a rappelé le président de l’APN, ont continué à soutenir que le militant nationaliste algérien s’est suicidé, jusqu’en 2 mars 2021, lorsque la France a reconnu officiellement qu’il a été torturé et tué. 

Le président de la Chambre basse du Parlement a tenu, par ailleurs, à rendre hommage à certaines «plumes libres» en France qui tentent de documenter les crimes du colonialisme et qui font face à des entraves. Nabila Amir

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