Plusieurs pays mettent en garde contre les risques d’un génocide à Rafah : «L’opération en cours pourrait avoir des conséquences dévastatrices»

14/02/2024 mis à jour: 02:48
1098
Au cours de la journée d’hier, plusieurs morts ont été enregistrés dès l’aube dans divers secteurs de la Bande de Ghaza - Photo : D. R.

Alors que les appels à la retenue se multiplient, incitant Israël à renoncer à son opération terrestre à Rafah, les forces sionistes continuent à semer sauvagement la mort. L’occupant a commis 16 nouvelles tueries en 24 heures dans la Bande de Ghaza qui ont fait 133 morts. A Rafah, une attaque de drones a failli coûter la vie à deux journalistes d’Al Jazeera. L’un d’eux a perdu sa jambe.

Au 130e jour de l’offensive militaire israélienne contre Ghaza, tous les regards sont rivés sur Rafah, à la pointe sud de l’enclave assiégée.

Et alors qu’un carnage a été commis dans la nuit de dimanche à lundi dans la ville frontalière, faisant une centaine de morts, plusieurs capitales et ONG mettent en garde Israël contre les risques d’une escalade d’une ampleur génocidaire dans ce territoire-refuge où sont massés plus de 1,3 million de déplacés.

Malgré ces appels insistants à la retenue, les forces d’occupation sionistes persistent dans leurs crimes.

Selon le ministère palestinien de la Santé à Ghaza, l’armée israélienne a commis 16 tueries qui ont fait au total 133 morts et 162 blessés en 24 heures, entre lundi soir et hier matin. Ces nouveaux cortèges de victimes portent le bilan global provisoire des massacres israéliens à 28 473 morts et 68 146 blessés recensés jusqu’à hier. 

Au cours de la journée d’hier, plusieurs morts ont été enregistrés dès l’aube dans divers secteurs de la Bande de Ghaza.

«Des sources médicales ont indiqué que 5 citoyens sont tombés en martyrs et d’autres ont été blessés suite à un bombardement aérien qui a ciblé une maison appartenant à la famille Qadouheh au camp d’Al Nusseirat, au centre de la Bande de Ghaza», rapporte l’agence Wafa.

La même source ajoute que deux civils ont été tués et des dizaines d’autres blessés dans des bombardements sur Khan Younès.

Parmi les deux victimes arrachées à la vie, figure un enfant qui a été directement pris pour cible par des tirs de soldats israéliens à l’entrée de l’hôpital Nasser, à Khan Younès. Cet hôpital subit depuis 22 jours un siège des plus effroyables.

Des snipers sont postés sur les toits du complexe médical, signale l’agence palestinienne, faisant de chacun de ses 150 employés, 450 blessés qui s’y font soigner, auxquels s’ajoutent quelques 3000 déplacés qui s’y sont réfugiés des cibles potentielles.

Une équipe d’Al Jazeera ciblée

Autre attaque meurtrière : à Sheikh Radhwan, au nord de la ville de Ghaza, 4 personnes qui se trouvaient à l’intérieur d’un véhicule ont péri suite à un raid qui a ciblé leur voiture, rapporte Al Jazeera. Et à Rafah, une fillette a été tuée et quatre personnes au moins ont été blessées dans une frappe sur le quartier dit Brésil, d’après Wafa.

La journée d’hier a été marquée également par une attaque contre une équipe d’Al Jazeera : le journaliste Ismaïl Abou Omar, qui est un des correspondants de la chaîne qatarie à Ghaza, et le cameraman Ahmed Matar.

D’après Al Jazeera, nos confrères «ont été grièvement blessés par des tirs de drone au nord de Rafah». Ahmed et Ismaïl ont été évacués vers l’hôpital européen de Rafah. Un médecin urgentiste a déclaré que la jambe droite d’Ismaïl Abou Omar «a été amputée» et que l’équipe médicale se démenait pour sauver sa jambe gauche.

Quant au cameraman Ahmed Matar, «il a fait une hémorragie». Le Bureau gouvernemental des médias à Ghaza a vivement condamné cet attentat, en soulignant que «c’est le cinquième contre une équipe d’Al Jazeera». La même instance fait savoir que 126 journalistes sont tombés en martyrs depuis le 7 octobre après la mort, ce lundi, de deux autres journalistes palestiniennes dans des bombardements, l’une à Rafah, l’autre à Djabaliya.

Il s’agit de Alaa Hassan Al Hams, journaliste à l’agence de presse Sanad, et de Angham Ahmed Adwan, correspondante de la chaîne libyenne Febrayer.Les risques de tueries de grande ampleur à Rafah ont suscité, comme nous le disions, de vives réactions internationales, prévenant Israël contre les conséquences de cette offensive.

«Une catastrophe humanitaire plus grave»

Directement concernée par cette opération du fait de sa proximité géographique avec Rafah, l’Egypte vit très mal cette escalade.

Les tensions entre Le Caire et Tel-Aviv sont d’autant plus exacerbées qu’Israël manœuvre pour faire main basse sur le Corridor de Philadelphie, un couloir de 14 km de long sur 100 m de large qui sert de zone tampon entre Ghaza et le Sinaï, et dans lequel les civils palestiniens pourraient se voir massivement précipités.

«Le ciblage de Rafah en plus de la politique continue d’Israël visant à entraver l’accès à l’aide humanitaire constituent une véritable contribution à la mise en œuvre de la politique de déplacement du peuple palestinien et de la liquidation de sa cause», a réagi dimanche le ministère égyptien des Affaires étrangères à travers un communiqué.

La Chine a également mis en garde Israël contre les retombées d’un tel assaut. «La Chine suit de près l’évolution de la situation dans la région de Rafah, s’oppose et condamne les actions qui portent atteinte aux civils et violent le droit international», a déclaré hier un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères.

Et d’appeler Israël «à mettre fin à son opération militaire au plus vite, à faire tout son possible pour éviter les victimes civiles innocentes, afin d’empêcher une catastrophe humanitaire plus grave encore dans la région de Rafah».

Le président cubain, Miguel Díaz-Canel, s’est exprimé lundi à travers un post virulent sur le réseau X. «Israël, auteur d’un génocide, a attaqué brutalement la ville où se sont réfugiés plus d’un million de Palestiniens», a-t-il écrit, affirmant que «220 civils palestiniens ont été tués» dans la Bande de Ghaza en 24 heures, entre dimanche et lundi.

Le Venezuela a condamné de son côté aussi des «actes cruels et inhumains (qui) contribuent à exacerber la détérioration des conditions de vie de la population de la Bande de Ghaza, et empêchent l’accès à l’aide humanitaire de base pour survivre».

Reprise des pourparlers au Caire

La cheffe de la diplomatie canadienne, Mélanie Joly, s’est dite elle aussi horrifiée par l’évolution de la situation à Rafah, et juge le plan de Netanyahu «inacceptable».

«L’opération en cours est extrêmement préoccupante et pourrait être sincèrement dévastatrice pour tous ceux et celles qui cherchent à se réfugier», a-t-elle déclaré avant-hier devant la presse, avant d’ajouter : «Ce sont des mères, des enfants, ce sont des gens qui ont des noms, qui ont leurs propres histoires ; bref, ce sont des êtres humains. Ils existent.» 
Pour Nadia Hardman, de Human Rights Watch, «forcer plus d’un million de Palestiniens déplacés qui se trouvent à Rafah à évacuer cette zone, en l’absence d’un endroit sûr où aller, serait illégal et aurait des conséquences catastrophiques».

«Il n’y a aucun lieu sûr à Ghaza. La communauté internationale devrait prendre des mesures pour prévenir de nouvelles atrocités», a-t-elle insisté. Sur le front diplomatique, les discussions ont repris au Caire entre la partie israélienne et les médiateurs américain, égyptien et qatari sans le Hamas.

De fait, une délégation israélienne s’est rendue hier dans la capitale égyptienne «pour de nouveaux pourparlers avec des responsables américains, qataris et égyptiens sur un accord de trêve dans la Bande de Ghaza portant notamment sur la libération d’otages israéliens détenus par le Hamas», indique l’AFP.

«Le chef du Mossad (les services de renseignement extérieurs israéliens), David Barnea, et le chef du Shin Bet (service de sécurité intérieure), Ronen Bar, y rencontreront notamment le directeur de la CIA, l’agence centrale de renseignements américaine, Richard Burns», précise la même source sur la foi de déclarations de responsables israéliens sous couvert d’anonymat.

Comme lors des rounds précédents, le Premier ministre et chef de la diplomatie du Qatar, Mohammed ben Abderrahmane Al Thani, assistera à ces pourparlers. Les Etats-Unis ont incité Israël à reprendre les négociations alors que Netanyahu avait jugé «délirantes» les conditions du Hamas. A en croire l’agence américaine Associated Press, «Israël et le Hamas progressent vers un nouvel accord de cessez-le-feu et de libération des otages». 
 

ONU : «Une catastrophe humanitaire est à nos portes»

Le président de l’Assemblée générale des Nations Unies, Dennis Francis, a exprimé sa profonde préoccupation face à l’attaque de l’armée d’occupation israélienne contre la ville de Rafah, dans le sud de la Bande de Ghaza, affirmant qu’une autre catastrophe humanitaire «était à nos portes».

«Je suis profondément bouleversé par l’escalade militaire à Rafah, où plus d’un million de civils se réfugient déjà dans des conditions des plus désastreuses», a déclaré cette semaine Dennis Francis sur la plateforme X. «Une autre phase de cette catastrophe humanitaire est à nos portes», a-t-il ajouté.

Au nom de l’humanité, il a promis de continuer d’«appeler tous ceux qui ont de l’influence à faire tout leur possible pour aider à mettre fin à l’effusion de sang et à initier un dialogue significatif pour une paix durable».

La guerre génocidaire en cours a provoqué le déplacement de 85% de la population de Ghaza, en raison de graves pénuries de nourriture, d’eau potable et de médicaments, tandis que 60% des infrastructures de l’enclave ont été endommagées ou détruites, selon l’ONU.

 

Copyright 2024 . All Rights Reserved.