Le Premier ministre libanais, Najib Mikati, a appelé jeudi à faire pression sur l’entité sioniste pour l’obliger à arrêter ses violations de l’accord de cessez-le-feu. De fait, alors que cet accord est entré en vigueur le 27 novembre à l’aube, l’armée israélienne a mené plusieurs frappes dans le Sud.
Après plus de 13 mois de conflit, dont deux mois absolument atroces, un cessez-le-feu est observé depuis mercredi 27 novembre, à l’aube, entre le Hezbollah et Israël. Selon un bilan rendu public avant-hier par le ministère libanais de la Santé à travers un communiqué, la guerre menée par Israël contre le Liban a fait près de 4000 morts (exactement 3961 victimes). La campagne militaire israélienne a fait en outre 16 520 blessés, selon la même source.
Côté israélien, 82 militaires et 47 civils ont trouvé la mort durant ces 13 mois de combats, indique l’AFP. La majorité des victimes libanaises, convient-il de le souligner, ont été enregistrées après l’intensification des attaques israéliennes contre le Liban dans la foulée de la grande offensive déclenchée par les forces sionistes le 23 septembre, et qui s’est poursuivie sans relâche jusqu’à la conclusion de cet accord de cessez-le-feu.
Mais le conflit entre le Hezbollah et Israël couvre une période plus longue. Il remonte au lendemain de l’opération «Tofane El Aqsa». De fait, dès le 8 octobre 2023, le mouvement de résistance chiite libanais a ouvert un front aux frontières avec Israël, en solidarité avec Ghaza. Ce conflit transfrontalier a transformé tout le sud du Liban en zone de guerre, obligeant des centaines de villageois à quitter leurs foyers.
De l’autre côté de la frontière, au nord d’Israël, un exode massif de population a également été observé. Plus de 60 000 Israéliens ont été contraints de quitter leurs maisons pour se mettre à l’abri des roquettes et des drones du Hezbollah.
Le retour de cette population a été décrété comme l’un des principaux objectifs assignés par Netanyahu à l’armée israélienne, lorsqu’il a décidé d’intensifier et d’élargir ses attaques contre le Liban en ciblant notamment les fiefs du Hezbollah dans le sud, mais également dans la plaine de la Bekaa et surtout dans la capitale, Beyrouth. Le Premier ministre israélien avait également fixé comme objectif à cette campagne militaire la destruction du Hezbollah après avoir considérablement affaibli le Hamas.
Une marée de voitures sur les routes du Sud
Cependant, malgré les coups durs assénés au parti chiite libanais en éliminant un grand nombre de ses hauts cadres militaires et autres membres éminents de son leadership, à commencer par son chef charismatique, Hassan Nasrallah, assassiné le 27 septembre à Beyrouth, de même que son successeur Hachem Safieddine, tué le 3 octobre, et malgré la destruction d’une partie importante de son infrastructure, le «Hezb» a conservé sa capacité de riposte et continué à harceler le nord d’Israël avec des salves de missiles et à livrer des combats féroces contre les troupes israéliennes au sud du Liban.
Cette formidable résilience et le harcèlement continu des villes israéliennes, atteignant même Tel-Aviv, ont poussé Netanyahu et l’establishment militaire israélien soutenu par les Etats-Unis à accepter le cessez-le-feu. L’annonce de la cessation des hostilités a été accueillie par une grande liesse populaire à Beyrouth et dans les villes libanaises meurtries.
C’est que les images de Ghaza et le cauchemar d’une guerre sans répit étaient dans toutes les têtes. En voyant le conflit s’éterniser, la majorité écrasante des Libanais redoutaient un scénario similaire. Le visage de Beyrouth défigurée une nouvelle fois par la guerre a réveillé les vieux traumatismes des tragédies précédentes.
D’où le soulagement unanime partagé par tous les Libanais à l’annonce du cessez-le-feu, soulagement que les Algériens ont également partagé avec eux.
D’un autre côté, il y a comme un sentiment de fierté de voir la résistance libanaise tenir tête aussi farouchement à l’une des armées les mieux équipées au monde, soutenue qu’elle est par la première puissance mondiale, mais aussi par plusieurs puissances militaires, industrielles et technologiques occidentales
Autre image forte : ces dizaines de milliers de déplacés prenant le chemin du retour depuis mercredi.
La guerre a fait, il faut le rappeler, plus de 1,2 million de déplacés. On a suivi sur les chaînes de télévision et les réseaux sociaux les marées de voitures envahissant les routes du Sud, provoquant des bouchons interminables sur des dizaines de kilomètres.
On a vu également des blindés de l’armée libanaise se déployer le long de la «ligne bleue» qui sépare le Liban de l’Etat hébreu, tandis que le Hezbollah a reculé derrière le fleuve Litani. Cependant, dans plusieurs villages, l’armée israélienne a prévenu les habitants qu’ils n’étaient pas autorisés à réinvestir leurs maisons.
C’est notamment le cas pour les localités proches de cette «ligne bleue». «Jusqu’à nouvel ordre, il vous est interdit de vous déplacer au sud des villages suivants et de leurs environs : Chebaa, El Habbariyeh, Marjeyoun, Arnoun, Yahmar, El Qantara, Shaqra, Baraashit, Yater, El Mansouri», a annoncé hier un porte-parole de l’armée sioniste sur la plateforme X.
Par ailleurs, l’armée israélienne a imposé «un couvre-feu nocturne dans le sud du Liban», d’après l’AFP. «Il est strictement interdit de se déplacer ou de voyager au sud du fleuve Litani à partir de 17h jusqu’à 7h demain (vendredi, ndlr)», a fait savoir l’armée sioniste dans un message sur X. Mais ce qui agace par-dessus tout le gouvernement libanais, ce sont les violations répétées de l’accord de cessez-le-feu par Israël.
Raids aériens et couvre-feu nocturne
L’armée libanaise déplore notamment une «frappe aérienne contre une installation du Hezbollah» dans le sud du pays. Un avion de chasse a visé «une zone forestière non accessible aux civils» dans la ville de Baïssariyé, a déclaré à l’AFP Nazih Eid, le maire de cette ville.
L’armée israélienne a justifié cette attaque en déclarant, selon l’AFP, avoir identifié «une installation utilisée par le Hezbollah pour stocker des roquettes de moyenne portée». Elle a précisé en outre que ses forces «restent dans le sud du Liban et agissent pour faire respecter l’accord de trêve». Avant-hier, vers midi, elles ont «ouvert le feu en direction de suspects (..) arrivant avec des véhicules dans un certain nombre de zones du sud du Liban, ne respectant pas les conditions du cessez-le-feu», indique un communiqué officiel.
Deux personnes ont été blessées ce même jour suite à «des tirs israéliens sur un village frontalier du sud du Liban, où l’armée libanaise poursuit son déploiement», rapporte l’AFP en citant un média libanais. «Attaques israéliennes au Liban-Sud : le cessez-le-feu déjà fragilisé ?», s’interroge L’Orient-Le-Jour dans un article consacré aux tensions qui persistent au lendemain du cessez-le-feu.
«Israël a mené ces deux jours plusieurs attaques contre des cibles au Liban, et cela, malgré l’entrée en vigueur, le 27 novembre, d’un accord de cessez-le-feu entre l’Etat hébreu et le Hezbollah», constate le journal libanais. Le Premier ministre Najib Mikati a été obligé de réagir, appelant la communauté internationale à faire pression sur l'entité sioniste pour mettre un terme à ces violations de l’accord de cessez-le-feu.
Il faisait notamment référence aux attaques signalées ce jeudi et qui «avaient fait des blessés et causé d’importants dégâts». «La première violation a été une frappe aérienne sioniste sur une voiture dans le village de Markaba, dans le sud-est du pays, qui a blessé deux Libanais», affirme l’ANI, l’agence de presse libanaise.
Il y a eu également une autre attaque, au drone, ayant visé un rassemblement de citoyens dans le village de Taybeh, blessant quatre personnes, selon des sources militaires libanaises. L’accord de cessez-le-feu parrainé par les Etats-Unis et la France précise que «l’armée israélienne dispose de 60 jours pour se retirer progressivement du Liban». «Le Hezbollah doit aussi se replier jusqu’au nord du fleuve Litani, à une trentaine de kilomètres de la frontière, et démanteler son infrastructure militaire dans le sud du Liban», détaille l’AFP.
L’armée libanaise a assuré qu’elle a commencé, «en coordination avec la Finul (la Force de maintien de la paix de l’ONU)» le renforcement de sa présence dans le Sud. A noter que Washington et Paris ont réactivé la résolution 1701 du Conseil de sécurité de l’ONU qui avait mis fin à la guerre de 2006 entre Israël et le Hezbollah. Cette résolution dispose que seules l’armée régulière libanaise et la Finul peuvent déployer leurs forces dans les zones frontalières au sud du Liban.