Ouverture hier des audiences à la CIJ sur les conséquences de la colonisation en Palestine : Israël accusé d’apartheid, de génocide et de déportation forcée

20/02/2024 mis à jour: 06:22
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L’entité sioniste a commis d’effroyables massacres à Rafah - Photo : D. R.

La voix de la Palestine a résonné durant trois heures au Palais de la Paix, à La Haye (Pays-Bas), siège de la Cour internationale de justice (CIJ), où des audiences publiques consacrées aux conséquences juridiques de la pratique coloniale d’Israël sur les Territoires palestiniens, y compris Jérusalem-Est, ont été ouvertes hier.

Ouvertes hier, les premières auditions publiques devant la Cour internationale de justice (CIJ) sur les conséquences juridiques des pratiques coloniales d’Israël sur les territoires occupés, ont commencé avec les plaidoiries de la partie palestinienne devant les quinze magistrats de cette haute juridiction onusienne et se poursuivront jusqu’au 26 du mois en cours pour entendre l’exposé oral de 52 Etats et 3 organisations internationales.

Six experts juridiques et deux hauts fonctionnaires de l’Etat de la Palestine, Ryad Al Maliki, ministre des Affaires étrangères, et Ryad Mansour, représentant permanent de la Palestine à l’Onu, se sont succédé à la barre pour dévoiler avec des arguments juridiques, la «politique d’apartheid» utilisée par l’entité sioniste, contre le peuple palestinien, et visible à travers ses actes, son comportement et les déclarations de ses dirigeants.

Il commence par décrire la situation actuelle : «Au moment où je vous parle, 2,3 millions de Palestiniens à Ghaza, dont la moitié est composée d’enfants, sont assiégés, bombardés, affamés, mutilés et déplacés. Plus de 3,3 millions de Palestiniens de Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, sont soumis à la colonisation de leur territoire et à la violence raciste qui la favorise.

Plus de 1,7 million de Palestiniens sont traités comme des êtres de second rang, comme des intrus malvenus sur leur terre ancestrale. Plus de 7 millions de Palestiniens continuent d’être privés du retour à leurs terres et leurs foyers. En ce moment, le peuple palestinien continue d’être privé de ses droits fondamentaux, de son existence niée.»

Al Maliki rappelle que «pendant plus d’un siècle le droit des Palestiniens à l’autodétermination a été bafoué», alors que la Palestine, dit-il, «n’était pas une terre sans peuple ou une zone de friche. Il y avait de la vie, une vie politique, sociale, culturelle et religieuse. Il y avait des écoles, des salles de cinéma, des centres culturels, avant que cette vie ne soit disloquée par une promesse d’un Etat, faite à des milliers de kilomètres, mais qui n’a pas été respectée. Ce fut la rupture de confiance sacrée».

Le chef de la diplomatie déclare que depuis des décennies «les Palestiniens sont privés de leurs droits, subissent l’apartheid et le colonialisme». Pour lui, «tous les Palestiniens de génération en génération, ont vécu cette réalité. Ils ont connu l’expulsion de leurs terres qui continue à ce jour, auxquelles s’ajoutent les massacres, les mutilations aveugles et l’interdiction de retourner chez eux.

La discrimination est partout où la justice est nulle part». Al Maliki affirme qu’«un million d’enfants sont affamés, traumatisés, amputés, handicapés, orphelins du père, de la mère ou des deux», avant d’ajouter : «Le génocide est le fruit de décennies de l’impunité. Les gouvernements successifs d’Israël n’ont laissé que la mort, l’apartheid et le génocide.

Mais le peuple restera. Il ne quittera pas sa terre. Il n’a pas d’autres choix.» Le ministre «implore» la Cour de «ne pas oublier ce peuple qui lutte quotidiennement pour survivre». Il rappelle aux magistrats les décisions prises contre Israël par la même juridiction, pour des actes de génocide, «foulées aux pieds».

Selon lui, «l’occupation et l’annexion suprématiste sont illégales et la seule solution, réside dans l’arrêt de ces annexions, parce que le droit à l’autodétermination, comme vous l’avez affirmé il y a 20 ans, est non négociable». Pour mieux convaincre la cour, Al Maliki exhibe quatre cartes de la région du Moyen-Orient, qui montrent comment le territoire palestinien a été amputé d’une grande partie de sa surface.

«Le génocide que notre peuple subit est le résultat de décennies d’impunité»

«Les Palestiniens vivaient en paix avant la décision de partition de leurs territoires en 1948. Après la Nakba, plus des deux tiers de nos concitoyens ont été expulsés de manière forcée par Israël et les trois quarts des territoires annexés par les Israéliens.

En 1967, Israël a occupé le reste de la Palestine dans le but de rendre cette occupation irréversible. Israël voulait la géographie de la Palestine, mais sans sa démographie. Il a continué à expulser les Palestiniens de leurs foyers». Al Maliki sort une autre carte «qu’Israël, a exhibé en septembre dernier qui montre le nouveau Moyen-Orient, avec un Israël qui va du fleuve jusqu’à la Méditerranée.

Ce qui démontre la disparition totale de la Palestine et le peuple palestinien. Les laisser perdurer est inacceptable et inexcusable. Il y a une obligation légale et morale à faire cesser rapidement la colonisation. Le droit doit primer sur la force. Nous demandons à la Cour de confirmer notre droit au retour et nos droits humains».

Al Maliki souligne en outre que «certains s’indignent de ces paroles, mais ils devraient s’indigner de la réalité qui est la nôtre. Le moment est venu de mettre fin aux deux poids, deux mesures et d’appliquer les lois internationales à tous les pays sans exception. Le génocide auquel notre peuple est exposé est le résultat de décennies d’impunité. Il est temps de mettre fin aux pratiques d’occupation».

Selon lui, Israël «n’a laissé que trois options aux Palestiniens : le déplacement, l’arrestation ou la mort». «Les trois se traduisent en nettoyage ethnique, en apartheid et en extermination.» Il appelle et exhorte la CIJ à déclarer l’occupation israélienne «illégale», en rappelant que depuis «plus d’un siècle, le droit du peuple palestinien à l’autodétermination qui ne se prescrit pas et n’est pas sujet à négociation a été nié».

Les six experts juridiques vont lui succéder pour évoquer «les graves violations commises par Israël, telles que les discriminations raciales, l’apartheid, la déportation forcée, les exécutions et autres violations du droit humains (…) la discrimination fait autant partie de l’occupation par Israël que par l’annexion et la colonisation. Dans le territoire occupé, les droits ne concernent que les colons illégaux, alors que des lois militaires draconiennes sont appliquées aux Palestiniens, à travers des restrictions.

Durant toute leur vie jusqu’à leur mort, ils font l’objet de persécutions délibérées et sont soumis à une vie inhumaine. Pour les Israéliens, par définition, les Palestiniens sont tous coupables. Ils font peser sur chacun d’eux la menace d’être emprisonné. La violence des Israéliens n’est jamais punie. Ils jouissent d’une impunité flagrante.

Les Palestiniens sont soumis à des niveaux de punition incroyable. En dépit des mises en garde contre les peines collectives, Israël continue à maintenir une population sous sa domination, en lui faisant payer le prix fort face à sa résistance à une puissance coloniale étrangère».

Les experts évoquent Ghaza, «assiégée et bombardée depuis quatre mois», et rappellent le blocus aérien, maritime et terrestre qui lui est imposé depuis 16 ans, avant de qualifier ces actes de «châtiment collectif» à la population, par «régime répressif qui tend à déshumaniser les Palestiniens les privant d’exister». Pour certains experts, «il ne s’agit pas d’actes isolés ou individuels, mais plutôt de fait cumulé de pratiques systématiques assimilées à de la ségrégation».

La volonté d’Israël à maintenir un régime basé sur l’apartheid

D’autres intervenants parlent de ségrégations et d’apartheid, «que la CIJ a déjà qualifiés de violation flagrante. Même les routes sont faites de manière discriminée. Les Palestiniens n’ont pas le droit d’emprunter celles par où passent les Israéliens. Israël soumet les Palestiniens à des actes inhumains, comme les meurtres, le transfert forcé, la détention et la torture.

Tant que la colonisation perdure ces actes perdurent, dans le but de maintenir le régime d’apartheid et de l’occupation illégale». Les intervenants rappellent les déclarations des dirigeants israéliens qualifiant les enfants palestiniens de serpents et les adultes d’animaux qui, selon eux, «démontrent la volonté d’Israël à maintenir un régime basé sur l’apartheid de façon permanente.

La colonisation doit être vue dans sa globalité. En droit israélien, les citoyens juifs peuvent obtenir la nationalité sans aucune entrave alors que les Palestiniens nés sur cette terre n’ont jamais la possibilité d’entrer dans leur patrie».

Certains relèvent, en outre, que parmi les 53 Etats qui ont déposé des observations écrites à la Cour, aucun, y compris Israël, n’a été contre le droit du peuple palestinien à l’autodétermination et rappelé qu’il y a deux décennies, la CIJ a déclaré que l’exercice de ce droit n’était pas sujet à négociation.

Le droit à l’intégrité territoriale a été violé par Israël, qui a annexé Jérusalem, divisant celle-ci en deux, et transformé la Bande de Ghaza en une enclave appauvrie. Les intervenants exhortent la Cour à déclarer ces annexions «illégales» mais aussi à déclarer, ajoutant plus loin que «le contrôle et l’annexion des territoires occupés s’accompagnent de l’appropriation des ressources naturelles, notamment les eaux souterraines vitales».

Israël, disent-ils, interdit aux Palestiniens toute exploitation des hydrocarbures, terrestre ou maritime. Israël s’est arrogé le droit de décider à qui appartient le territoire palestinien, qui exploite les ressources, comment travailler, éduquer, aimer et vivre, mais aussi le droit le construire des colonies en territoire palestinien.

Israël célèbre la violation du droit international et c’est tragique. Il s’oppose tragiquement au droit international. Aucune dérogation à ce droit n’est permise. L’existence d’un Etat palestinien ne dépend pas de l’approbation d’Israël. La puissante occupation ne dispose pas du droit de veto sur l’expression de l’autodétermination. L’occupation est illicite, il faut y mettre fin immédiate.

Aucune aide, aucune assistance, aucune complicité. Certains intervenants se sont offusqués de l’opposition des Etats-Unis et du Royaume-Uni à la demande de cet avis, sous prétexte qu’elle pourrait impacter négativement les négociations autour de la solution à deux Etats. «Le droit à l’autodétermination peut passer par des négociations. Le contexte politique est entièrement hors propos.

La Cour a déjà statué sur des cas similaires, un contexte spécifique, et sa décision a été la consécration de ce droit. Un avis consultatif ne peut qu’aboutir à une solution probable et non pas peu probable. Les actions d’Israël constituent des violations manifestes et graves et nous invitons la Cour à le dire afin de permettre aux Palestiniens de jouir de leurs droits, de leurs conditions de vie et de leur territoire de manière pleine.»

Pour eux, «même si l’Etat palestinien a dit qu’il faut des négociations, cela n’enlève en rien la responsabilité d’Israël. Il a l’obligation de mettre fin à l’occupation, y compris à Jérusalem-Est, de démanteler les colonies de peuplement pour permettre aux Palestiniens déportés et leurs descendants de jouir de leur droit de retour, de rechercher et poursuivre les auteurs de crimes de guerre, apartheid, génocide, etc.»

Le représentant permanent de la Palestine à l’Onu, le ministre Riyad Mansour, abonde dans le même sens : «Les dirigeants israéliens ne se gênent plus pour exprimer leur intention d’exterminer le peuple palestinien.» Israël, dit-il «n’a pas protégé les enfants, ni leurs familles, leurs vies, leurs espoirs et leurs foyers.

C’est si douloureux d’être Palestinien aujourd’hui. Des millions de personnes déportées, des milliers tués et cela continue. Israël a reconnu ces droits consacrés par l’Onu, avant de les renier sitôt devenu membre. Sans obligation de rendre des comptes, il n’y a pas de justice. Après 75 ans, la justice ne peut attendre qu’Israël décide subitement de respecter le droit».

Il demande à la Cour de rendre la présence israélienne et ses colons illicites et faire en sorte qu’elle cesse immédiatement, complètement et sans conditions. «Cette occupation a servi de couverture aux desseins israéliens, à savoir l’annexion de Jérusalem.

On ne peut admettre que le peuple palestinien soit privé de ses droits.» Les audiences reprendront aujourd’hui avec 11 intervenants, dont l’Afrique du Sud, l’Algérie, l’Arabie Saoudite, le Brésil, le Canada, les Pays-Bas, la Belgique, le Chili. 

 

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