Il a demande a l’Égypte et à la Jordanie d’accueillir les Ghazaouis : Le plan d’une nouvelle «Nakba» de Donald Trump

27/01/2025 mis à jour: 20:26
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Les Ghazaouis attendent le feu vert de l’armée israélienne pour rentrer chez eux - Photo : D. R.

 Donald Trump a déclaré s’être entretenu avec le roi Abdallah II de Jordanie et avec le président égyptien Abdel Fattah Al Sissi au sujet de l’avenir de Ghaza, les exhortant à accueillir une partie de la population de l’enclave martyrisée. «Je préférerais m’impliquer avec certaines nations arabes et construire des logements dans un endroit différent, où ils pourraient peut-être vivre en paix pour une fois», a assuré le président américain.

C’est la dernière sortie du fantasque Donald Trump. Samedi, le président américain fraîchement investi a suggéré de transférer une partie de la population de Ghaza vers l’Egypte, la Jordanie et d’autres pays arabes, à titre temporaire ou même définitif, a-t-il laissé entendre. Le prétexte avancé est de permettre de «faire le ménage», comme il dit, et de «nettoyer» Ghaza, au sens littéral du terme, c’est-à-dire déblayer et reconstruire l’enclave dévastée par quinze mois de bombardements sans relâche.

Mais connaissant Trump et son soutien sans réserve à l’entité sioniste, on ne peut s’empêcher de songer aux conséquences démographiques de ce plan improbable qui appelle en réalité à provoquer une nouvelle Nakba, comme en 1948, à l’encontre du peuple palestinien, en faisant déplacer massivement les Palestiniens de Ghaza. Auquel cas, «nettoyer» ce territoire ravagé,  comme le proclame Trump, sous-entend commettre un nouveau «nettoyage ethnique», sous une autre forme, purement et simplement.

D’après Associated Press, c’est «au cours d’une séance de questions-réponses de 20 minutes avec les journalistes à bord d’Air Force One» que Trump a fait part de son étrange plan pour Ghaza. «Le président Donald Trump a déclaré samedi qu’il aimerait voir la Jordanie, l’Egypte et d’autres pays arabes augmenter le nombre de réfugiés palestiniens qu’ils accueillent, issus de la bande de Ghaza, ce qui pourrait permettre de déplacer suffisamment de population pour ‘’nettoyer’’ la région déchirée par la guerre et faire table rase du passé», rapportait hier l’agence AP.

Ghaza «est un chantier de démolition»

Le président des Etats-Unis a indiqué qu’il s’était entretenu plus tôt dans la journée, ce samedi, avec le roi Abdallah II de Jordanie et qu’il s’entretiendrait ensuite avec le président égyptien Abdel Fattah Al-Sissi. « J’aimerais que l’Egypte prenne des gens», a lancé le leader US, selon AP. «Il s’agit d’un million et demi de personnes pour nettoyer tout le territoire. Vous savez, au cours des siècles, cette région a connu de nombreux conflits.

Je ne sais pas, mais il faut que quelque chose se passe», a-t-il affirmé. Trump a confié avoir félicité la Jordanie pour avoir accueilli des réfugiés palestiniens, avant de lancer à l’adresse du roi Abdallah II : «J’aimerais que vous en acceptiez davantage, parce que je regarde toute la bande de Ghaza en ce moment, et c’est un vrai gâchis.

C’est un vrai gâchis.» Pour le président américain, le transfert des habitants de Ghaza «pourrait être temporaire ou à long terme». A ses yeux, Ghaza «c’est littéralement un chantier de démolition à l’heure actuelle. Presque tout a été démoli, et les gens meurent là-bas ».

Et de souligner : «Je préférerais donc m’impliquer avec certaines nations arabes et construire des logements dans un endroit différent, où ils pourraient peut-être vivre en paix pour une fois». Lors de son investiture le 20 janvier, le successeur de Joe Biden avait estimé que Ghaza «doit vraiment être reconstruite d’une manière différente».

Trump parlait comme un businessman, un cynique magnat de l’immobilier, sans un mot pour l’horreur génocidaire subie par la population palestinienne de l’enclave sauvagement pilonnée durant quinze mois. Il lâche : «Ghaza est intéressante. C’est un endroit phénoménal, au bord de la mer. Il y fait très beau, vous savez, tout va bien.

On pourrait en faire de belles choses, mais c’est très intéressant». Réagissant à cette déclaration, Sami Abou Zuhri, un porte-parole du Hamas, a répliqué à Trump en disant, selon des propos rapportés par RT Arabic : «Les habitants de Ghaza ont enduré la mort pour ne pas quitter leur patrie et ils ne la quitteront pas.

Il n’est donc pas nécessaire de perdre du temps avec des projets que M. Biden a essayés et qui ont été une raison de prolonger les combats». Et d’ajouter : «La mise en œuvre de l’accord (de cessez-le-feu) résoudra tous les problèmes dans la bande de Ghaza, et les tentatives de contournement de l’accord n’ont aucune valeur.»

Une livraison de bombes débloquée

De son côté, Bassem Naïm, membre du bureau politique du Hamas, a indiqué hier à l’AFP que «les Palestiniens feront échouer la proposition de Trump comme ils ont fait échouer tous les projets de déplacement pendant des décennies».

Le Jihad Islamique a également répliqué à la proposition de Trump via un communiqué où on peut lire : «Ces déclarations déplorables s’alignent sur les pires facettes de l’agenda de l’extrême droite sioniste et poursuivent la politique de déni de l’existence du peuple palestinien». Pour le Jihad Islamique, ce genre de sorties ne fait qu’encourager «la perpétration continue de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité ».

Côté israélien, on ne pouvait qu’applaudir la dernière trouvaille de Donald Trump comme l’a fait le ministre d’extrême-droite Bezalel Smotrich pour qui la proposition du président US « est une excellente idée», selon des propos repris par Al Jazeera. «Aider les habitants de Ghaza à trouver d’autres endroits pour commencer une nouvelle vie est une excellente idée».

Les Palestiniens «pourront établir une nouvelle et belle vie ailleurs», s’est réjoui l’extrémiste ministre israélien des Finances. Smotrich a ajouté qu’il travaillerait volontiers avec le cabinet de Netanyahou «pour s’assurer que l’idée qu’un grand nombre d’habitants puissent quitter Ghaza pour les pays voisins soit mise en œuvre».

Pour sa part, son acolyte dans la coalition d’extrême-droite israélienne, le ministre de la Sécurité nationale sortant, Itamar Ben-Gvir, a également accueilli avec ferveur le plan de Trump visant à «nettoyer» Ghaza, en déclarant, selon Al Jazeera : «Je félicite le président Trump pour son initiative visant à transférer la population de Ghaza vers la Jordanie et l’Egypte.»

Il a fait savoir dans la foulée qu’une de ses demandes «au Premier ministre Benjamin Netanyahu est d’encourager la migration volontaire». Ben-Gvir renchérit en disant que lorsque «le président de la plus grande puissance mondiale propose une migration volontaire des Palestiniens, il est sage pour notre gouvernement de l’encourager et de la mettre en œuvre».

Par ailleurs, Donald Trump a déclaré durant son échange avec les journalistes à bord du Air Force One ce samedi qu’il a ordonné de « débloquer une livraison de bombes de 2000 livres (907 kg)» au profit d’Israël. «M. Trump a déclaré qu’il a mis fin à la suspension par son prédécesseur de l’envoi de bombes de 2000 livres à Israël » indique Associated Press. «Nous les avons libérées aujourd›hui. Ils (les Israéliens) les attendaient depuis longtemps»,  a annoncé le président américain.

A la question de savoir pourquoi avoir débloqué ces bombes particulièrement dévastatrices, il a répondu : «Parce qu’ils les ont achetées». Joe Biden avait interrompu la livraison des bombes de ce calibre en mai 2024 «afin d’empêcher Israël de lancer un assaut généralisé sur la ville de Rafah, au sud de la bande de Ghaza», précise AP. «Des civils ont été tués à Ghaza à cause de ces bombes et d’autres moyens utilisés pour s’attaquer aux centres de population», avait alors déploré Biden dans une interview à CNN, rappelle AP.

La Jordanie rejette tout projet de déplacement de Palestiniens

La Jordanie a réitéré, hier, son rejet de la réinstallation des Palestiniens hors de leur terre, après l’appel du président Trump à «nettoyer» la bande de Ghaza. «Nos principes sont clairs, et la position inébranlable de la Jordanie en faveur du maintien des Palestiniens sur leur terre reste inchangée et ne changera jamais », a déclaré le ministre jordanien des Affaires étrangères, Ayman Safadi, cité par Anadulu lors d’une conférence de presse conjointe à Amman avec Sigrid Kaag, coordinatrice principale des Nations unies pour l’aide humanitaire et la reconstruction à Ghaza.

Le rejet par la Jordanie du déplacement des palestiniens « est inébranlable et essentiel pour parvenir à la stabilité et à la paix que nous appelons tous de nos vœux », a-t-il ajouté. «La solution à la question palestinienne se trouve en Palestine ; la Jordanie est pour les Jordaniens et la Palestine est pour les Palestiniens», a encore affirmé Safadi. Décrivant Ghaza comme un «chantier de démolition», Donald Trump a appelé, samedi, à «vider» l’enclave sinistrée et à réinstaller les Palestiniens en Jordanie et en Égypte.

Une proposition qui intervient une semaine après l’entrée en vigueur, le 19 janvier, d’un accord de cessez-le-feu dans la Bande de Gaza, suspendant la guerre génocidaire qu’Israël mène depuis le 7 octobre 2023 et qui a tué plus de 47 300 Palestiniens, dont une majorité de femmes et d’enfants, et en a blessé plus de 111 400 autres.

 

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