Aides humanitaires et administration de Ghaza : Les chefs des clans palestiniens déjouent les plans de Netanyahu

16/03/2024 mis à jour: 15:30
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Les notables ghazaouis ont exprimé leur rejet du plan présenté par Netanyahu - Photo : D. R.

Le stratagème repose sur un chantage qui tire profit de la situation de détresse humanitaire dans laquelle sont enfoncés près de deux millions de civils et de l’absence de toute autorité pouvant assurer un minimum d’ordre public, pour forcer la main aux notables de Ghaza.

Le Premier ministre israélien essuie un nouveau revers politique dans sa gestion de la guerre contre Ghaza. Son projet d’entraîner les chefs des clans familiaux palestiniens dans la reprise en main du territoire, avec comme double objectif de substituer un ersatz d’autorité aux institutions du Hamas, et de barrer la route au scénario conférant à l’Autorité palestinienne de nouvelles responsabilités dans l’enclave,  ne passe pas auprès des concernés.

Mercredi dernier, des émissaires de Tel-Aviv ont rencontré une douzaine de notables ghazaouis, en présence de quelques représentants des organisations onusiennes chargées de l’humanitaire, pour tenter de les convaincre de prendre en charge la distribution d’aide aux populations.

Le stratagème est tout simple et repose sur un chantage qui tire profit de la situation de détresse humanitaire dans laquelle sont enfoncés près de deux millions de Palestiniens  exposés à une famine de plus en plus grave et à l’absence de toute autorité pouvant assurer un minimum d’ordre public nécessaire à la distribution des aides.

La rencontre ne s’est pas déroulée comme l’auraient souhaité les représentants du gouvernement israélien dans la mesure où leur proposition a été sèchement rejetée par les chefs des clans palestiniens. Ceux-ci ont ainsi signifié que même si leur autorité morale sur la communauté était reconnue, ils ne pouvaient en aucun  cas se substituer aux moyens institutionnels, la police notamment, pour prendre une telle responsabilité.

Or, la seule police qui existe sur le territoire depuis sa reprise intégrale par le Hamas en 2007– après un divorce tumultueux avec l’Autorité palestinienne et le mouvement Fatah – est celle mise en place par le  mouvement de résistance que l’Etat hébreu s’emploie à anéantir depuis plus de cinq mois.

Les responsables de cette structure sociale traditionnelle ont néanmoins laissé ouvertes les portes de la coopération sous l’égide des instances de l’ONU pour atténuer les souffrances des populations et participer donc à l’opération de la distribution des aides alimentaires promises, en tant qu’auxiliaires sociaux, prenant en charge l’organisation dans les localités.

Nourriture contre compromission ?

Dans une déclaration émise à la fin de la rencontre et reprise par des médias arabes, l’assemblée de notables a par ailleurs ajouté qu’elle s’opposait à toute forme d’usurpation qui ferait d’elle un conglomérat de sous-fifres  suppléant indûment des institutions élues.

Une position qui, bien entendu, agrée les autorités politiques du Hamas qui ont salué une autre démonstration de la mobilisation populaire derrière le mot d’ordre de résistance à l’occupant, et de l’unité des rangs palestiniens, du moins dans l’enclave de Ghaza, face au «stratagème vicieux du gouvernement israélien».

Le mouvement avait diffusé auparavant une mise en garde à l’adresse de toute «tentation de collaboration avec l’occupant sioniste», avertissant que ceci sera simplement considéré comme de la trahison.

L’Autorité palestinienne a pour sa part lancé une mise en garde de même nature la veille de ces tractations, estimant que les structures sociales sollicitées par Israël n’avaient pas de vocation politique et ne devaient pas tomber dans le piège tendu pour diviser les rangs et imposer une feuille de route israélienne.

Ces avertissements sont intervenus au moment où des échos médiatiques avaient fait état de démarches secrètes entreprises par un responsable sécuritaire au sein de l’Autorité présidée par Mahmoud Abbas pour préparer un embryon de  corps de police dans la bande de Ghaza censé parer à la vacance que va laisser le démantèlement de celui mis en place par le gouvernement du Hamas.

Ces informations n’ont pas été démenties. Il y a quelques semaines et au moment où les discussions et les projections sur «le jour d’après» occupaient le devant de la scène internationale, Benyamin Netanyahu avait, pour la première fois, fait état de ses plans pour la bande de Ghaza : réoccupation du territoire sur le plan militaire et sécuritaire, et engagement d’autorités civiles constituées des réseaux de notabilité et alliances claniques locales «sans obédiences politiques», pour assurer un pouvoir administratif restreint. En somme, une autorité alibi.

Le Premier ministre israélien balayait ainsi du revers de la main le consensus international, fortement relancé dans le contexte du conflit, sur la nécessité de mettre sérieusement les bases d’une solution politique fondée sur la constitution d’un Etat palestinien souverain, tel qu’esquissé par les Accords d’Oslo il y a plus de trente années.

Recette éculée du colonialisme

La Maison-Blanche, premier allié de l’Etat hébreu, avait fait sienne l’option en avançant l’idée d’une Autorité palestinienne «redynamisée», en décodé re-légitimée par un processus d’ouverture sur d’autres forces politiques palestiniennes, pour assurer la transition vers l’établissement d’un Etat souverain.

Or, Tel-Aviv ne veut plus entendre parler de Palestiniens détenteurs de pouvoir à Ghaza et partout ailleurs, en Cisjordanie ou en territoires occupés.

Netanyahu et son assemblage gouvernemental puisant dans l’extrême droite religieuse israélienne n’ont jamais reconnu les Accords d’Oslo, et dans le contexte de la guerre meurtrière qui dure depuis près de 6 mois, ils ont répété plusieurs fois qu’aucun Etat palestinien ne sera édifié.

Solliciter la collaboration des chefs des clans palestiniens, selon une recette déjà mise en pratique à travers l’histoire, par des forces coloniales cherchant à couper les populations des mouvements de résistance, semer la division et les graines des confrontations fratricides sanglantes, s’avère être le seul plan de Netanyahu pour le territoire meurtri de Ghaza.

A travers  les massacres à grande échelle perpétrés sur les civils, la destruction massive de l’infrastructure de base, les déplacements forcés et les affres de la famine provoquée et entretenue, l’on a donc cherché à vulnérabiliser la population  et fragiliser ses ressorts pour l’acculer à accepter n’importe quelle solution, ou compromission, qui allégerait ses souffrances.

Dans sa furie meurtrière, Tel-Aviv a ciblé les organisations humanitaires et représentations onusiennes qui auraient pu amortir les affres de la guerre. On connaît l’hostilité déclenchée contre l’Unrwa et les mauvais procès qui lui sont intentés. La réponse des représentants des chefs tribaux palestiniens vient signifier que le plan Netanyahu ne passera pas.

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