Une première. L’ONU a rendu, hier, un hommage mondial à ses nombreux collaborateurs tués depuis le début de l’expédition meurtrière de l’armée israélienne à Ghaza. Sobre et discrète, l’initiative a consisté en l’observation d’une minute de silence «en privé», hier matin, à l’appel d’Antonio Guterres, dans tous les pays où l’Organisation dispose de représentations.
Habitué à s’effacer, par vocation éthique et conformément aux principes de neutralité et d’impartialité qui fondent son action, le très pointilleux système des Nations unies (SNU) s’oblige, en l’occurrence, à une exception, certes entourée de toutes les précautions formelles, dont la portée politique et diplomatique n’est pas anodine.
Les pertes humaines dans les rangs des personnels des agences onusiennes, à des seuils jamais atteints auparavant dans un conflit armé, confortent symboliquement et matériellement le caractère particulièrement criminel de l’enfer abattu par l’armée israélienne sur la population de Ghaza. Le raisonnement est simple : si les agents onusiens tombent comme des mouches, c'est que le permis de tuer délivré à Tsahal depuis plus d’un mois est bien sans limites concernant les Palestiniens.
L’hommage-recueillement a été décidé il y a une semaine, à la suite de la frappe aérienne qui a touché le siège du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) dans l’enclave. Le fait n’est pas isolé. L’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), dont les structures sont le principal abri pour les civils sur place, a fait état, il y a quelques jours, de la mort d’une centaine de ses agents depuis le début du conflit.
Bâtiments, écoles, centres sociaux et de santé… les locaux affectés aux représentations humanitaires de l’ONU sur place, censés bénéficier du bouclier immunitaire garanti par leur statut, n’échappent pas à l’aveugle vindicte de Tel-Aviv et à l’étendue ouverte de sa marge de «dégâts collatéraux».
La tactique de tout réduire en décombres dans l’enclave, tuer en masse et sans distinction, pour pousser les populations à l’exode en dehors du cimetière fumant programmé, semble manifestement fonctionner, également, s’agissant des institutions locales de l’humanitaire onusien. Et puis l’ONU, à commencer par son secrétaire général, se rend «coupable», depuis des semaines, de contester les crimes de guerre d’Israël, de documenter la catastrophe humanitaire sur place et d’appeler à un cessez-le-feu. Il y a quinze jours, le représentant israélien à l’ONU, Gilad Erdan, avait, pour rappel, piqué une crise, menacé de reconsidérer les relations de l’Etat hébreu avec l’institution internationale et invité Antonio Guterres à démissionner «immédiatement» pour avoir déclaré que l’attaque du Hamas n’était pas venue de nulle part.
Le même représentant a récidivé, il y a quelques jours, en mettant violemment en doute l’impartialité des agences onusiennes et le bien-fondé de leurs rapports sur la situation humanitaire critique à Ghaza. «Trop, c’est trop !» avaient dénoncé, le 6 novembre, les principaux responsables des organisations, fonds et programmes du SNU, dans une déclaration commune consacrée à la détérioration continue de la situation dans l’enclave. «Toute une population est assiégée et attaquée, privée de l'accès à l'essentiel pour survivre, bombardée dans ses maisons, ses abris, ses hôpitaux et ses lieux de culte.
C'est inacceptable !» s’emporte la déclaration, en évoquant «les meurtres horribles des civils» et «le fait de couper 2,2 millions de Palestiniens de nourriture, d'eau, de médicaments, d'électricité et de carburant». Tout ce dont Israël ne veut pas entendre parler qui plus est porté par des entités internationales neutres et peu connues pour leurs épanchements publics.
L’hommage aux personnels opérationnels de l’ONU, se basant sur les rapports circonstanciés de leur sacrifice, est une autre forme de réquisition contre la barbarie de l’armée israélienne et ses sanguinaires commanditaires politiques à Tel-Aviv et Washington.