La Sous-secrétaire d’Etat américaine pour la Sécurité civile, la Démocratie et les Droits de l’homme, Uzra Zeya, a achevé, hier, sa visite en Algérie entamée dimanche dernier.
La responsable américaine et sa collègue, Barbara Leaf, Sous-secrétaire d’Etat américaine adjointe pour les affaires du Moyen-Orient, ont été reçues, lundi, en audience par le président Abdelmadjid Tebboune. Uzra Zeya a eu également des entretiens avec le ministre des Affaires étrangères, Ahmed Attaf. Dans cette interview, elle revient sur le contenu de ses échanges avec le chef de l’Etat. La sous-secrétaire d’Etat américaine explique aussi la vision des Etats-Unis sur la question des libertés, de la pratique religieuse et des droits de l’homme en Algérie. La diplomate américaine revient, dans ce sens, sur le dernier rapport du Département d’Etat américain sur les libertés religieuses en Algérie. La même responsable défend aussi le rôle de son pays concernant l’agression israélienne contre Ghaza et la situation humanitaire catastrophique.
Propos recueillis par Madjid Makedhi
Vous avez effectué plusieurs visites dans des pays africains ces dernières années. Cette fois, vous étiez attendue en Algérie. Pouvez-vous nous donner des détails sur cette visite ?
Je suis ravie d’être à Alger pour ma première visite en tant que sous-secrétaire d’Etat chargée de la Sécurité civile, de la Démocratie et des Droits de l’homme. Au cours de ces trois jours, j’ai discuté avec nos proches partenaires de la précieuse relation bilatérale entre les Etats-Unis et l’Algérie et, ainsi que sur les enjeux liés à la stabilité, la sécurité et la prospérité en Afrique du Nord et au Sahel. Les Etats-Unis apprécient leur partenariat durable et constant avec l’Algérie pour promouvoir la stabilité régionale. L’importance que l’Algérie accorde à la bonne gouvernance comme condition essentielle à la stabilité est une vision que nous partageons.
Vous avez rencontré le président Tebboune et de hauts responsables. Quels sont les sujets que vous avez abordés lors de ces échanges ?
J’ai beaucoup apprécié les échanges que j’ai eus avec le président Tebboune et le ministre des Affaires étrangères Attaf. Durant ces échanges, j’ai souligné le soutien des Etats-Unis en faveur des libertés fondamentales, y compris de la liberté de religion ou de croyance et d’expression ; de la sécurité des frontières et de la gestion migratoire de manière sûre, ordonnée et humaine et la coopération en matière de sécurité pour lutter contre le trafic d’êtres humains et la drogue en Algérie et dans la région. Les Etats-Unis et l’Algérie entretiennent un partenariat qui repose sur de solides liens économiques et des échanges entre les deux peuples.
Quelle est justement la position des Etats-Unis sur le rôle de l’Algérie dans la région et sa situation politique, ainsi que sur les questions des droits de l’homme et des libertés en Algérie ?
Les Etats-Unis sont reconnaissants des efforts importants et continus de l’Algérie pour promouvoir la paix et la sécurité dans la région. C’est un leader régional qui a fait ses preuves dans la lutte contre le terrorisme et le crime organisé, tout en collaborant avec les pays voisins pour développer leurs capacités sécuritaires. En matière de droits de l’homme, les Etats-Unis abordent ces questions avec un niveau d’humilité et de confiance qui reflète le cours de notre histoire de près de 250 ans. Ce n’est qu’en reconnaissant ces expériences – bonnes et mauvaises – que nous pourrons travailler ensemble, à l’échelle mondiale, en vue d’un avenir plus libre et plus équitable. Les journalistes, les militants, les défenseurs des droits de l’homme et les organisations de la société civile jouent un rôle fondamental dans la préservation de la démocratie et la promotion des droits de l’homme. Une société civile forte favorise le progrès économique, la participation politique et renforce la stabilité régionale. Le leadership multilatéral de l’Algérie est essentiel à la paix en Afrique du Nord. Son soutien à une société civile active est de plus en plus primordial. Nous devons travailler ensemble pour garantir que les libertés d’expression et d’association soient respectées et protégées dans le monde entier, et nous saluons le partenariat de l’Algérie dans ces efforts.
Au début de cette année, le Département d’Etat américain a critiqué l’Algérie sur la question des libertés religieuses. Que reprochent exactement les Etats-Unis aux autorités algériennes dans ce domaine ?
La liberté religieuse est un droit humain universel et nous apprécions les déclarations des responsables algériens en faveur de la coexistence religieuse et de la liberté de culte. Nos inquiétudes concernant la liberté religieuse en Algérie découlent de la fermeture des institutions religieuses, des obstacles juridiques à l’enregistrement des groupes religieux minoritaires et de l’emprisonnement de citoyens algériens pour des accusations liées à la pratique de leur foi. Il est essentiel d’offrir des possibilités légales à toutes les confessions de pratiquer librement et en toute sécurité pour promouvoir ces idéaux et célébrer la riche diversité de l’Algérie.
Plusieurs questions régionales ont été une source de préoccupation pour l’Algérie et la communauté internationale ces dernières années, notamment la Libye, le Sahel et le Sahara occidental. Quelle est l’approche des Etats-Unis pour résoudre ces problèmes ?
Comme le souligne votre question, la communauté internationale, en particulier les acteurs de la région, comme l’Algérie, seront des acteurs clés pour parvenir à des résolutions sur ces questions. Sur le premier point, nous sommes déterminés à aider les Libyens à préserver leur souveraineté, à réunifier leurs institutions militaires, à sécuriser leurs frontières et à contrer les menaces terroristes. Nous restons engagés aux côtés de nos partenaires libyens et internationaux et soutenons leurs aspirations en matière de stabilité et de gouvernance réactive. En ce qui concerne le Sahel, nous nous concentrons intensément sur le défi que les extrémismes violents posent à la sécurité dans cette région. Nous pensons que la seule solution à long terme réside dans l’expansion des autorités étatiques légitimes grâce à la bonne gouvernance – un point de vue que partage l’Algérie. Cela comprend le fait de veiller à ce que les services de sécurité respectent les droits de l’homme, de favoriser un dialogue politique inclusif et de promouvoir une justice fondée sur l’Etat de droit. Les Etats-Unis continuent de soutenir les initiatives bilatérales et régionales de renforcement des capacités pour contrer la menace du terrorisme et de l’extrémisme violent avec des partenaires de la société civile, des forces de l’ordre et des systèmes judiciaires. Concernant la région du Sahara occidental, les Etats-Unis soutiennent un processus politique crédible qui mène à une solution durable, digne et mutuellement acceptable. De plus, nous soutenons fortement les efforts de l’envoyé personnel du secrétaire général des Nations unies, Staffan de Mistura, pour diriger le processus politique de l’ONU. Nous consultons également en privé les parties, les Etats voisins et les partenaires internationaux sur la meilleure façon de prévenir de nouvelles violences et de parvenir à une résolution durable.
La situation à Ghaza, cible d’une offensive israélienne qui dure depuis plus d’un an, est inquiétante. Aux yeux de l’opinion publique algérienne, les Etats-Unis n’ont rien fait pour mettre un terme à cette tragédie. Qu’en pensez-vous ?
La douleur et les conséquences de ce conflit, en particulier pour les Palestiniens innocents pris au milieu, sont inconcevables et cela est resté une priorité absolue au cours de l’année écoulée. Les Etats-Unis travaillent sans relâche pour mettre fin à cette guerre, ce qui permettrait la libération des otages et l’envoi d’une aide humanitaire durable aux civils palestiniens. Nous sommes profondément préoccupés par le bilan humanitaire à Ghaza et par le nombre élevé de victimes civiles. Nous avons été extrêmement impliqués dans la réponse humanitaire, en fournissant plus de 1,2 milliard de dollars au cours de l’année dernière, mais nous savons qu’il faut faire beaucoup plus pour répondre aux besoins urgents et aux souffrances considérables des Palestiniens innocents. Nous, ainsi que nos partenaires, ne cesserons pas nos efforts pour obtenir un cessez-le-feu, ramener chaque otage chez lui, y compris nos sept citoyens américains et surmonter les obstacles à l’acheminement de l’aide. En ce qui concerne les victimes civiles, nous avons toujours clairement indiqué, et continuerons d’exiger, qu’Israël respecte ses obligations en vertu du droit international humanitaire.