Le guerre menée contre la bande de Ghaza depuis plus d’un an semble avoir franchi un nouveau seuil d’intensité tragique et de souffrance humaine. Depuis plusieurs semaines, l’armée d’occupation israélienne intensifie ses opérations militaires dans cette région densément peuplée, multipliant les évacuations forcées, les frappes aériennes et les blocus. Au cœur de cette guerre, une population piégée entre les lignes de front, l'absence d'infrastructures essentielles et un accès humanitaire limité.
Hier encore, des ordres d’évacuation successifs ont été émis par l’armée d’occupation israélienne, visant encore des quartiers du nord de la bande de Ghaza, tels que Beit Lahiya, Jabaliya et Beit Hanoon. Ces quartiers seraient prétendument, selon la rhétorique employée par Israël, des zones d’où des combattants palestiniens du Hamas lanceraient des roquettes vers le territoire israélien, justifiant ainsi les ordres d’évacuation.
Mais pour les habitants et des analystes internationaux, il s'agit surtout d'une stratégie visant à vider le nord de Ghaza de ses habitants, avant l’arrivée de l'administration Trump aux Etats-Unis. De nombreux témoignages font état de conditions de vie effroyables dans ces zones de Ghaza, où la population doit choisir entre rester sous le feu des bombardements ou entreprendre un dangereux exode vers le sud du territoire, souvent à pied sous la menace de snipers israéliens et sans accès à des abris sécurisés.
La situation pour les Palestiniens du nord de Ghaza en fuite est aggravée par des frappes directes sur des centres d’évacuation. Les Nations unies rapportent que deux écoles de l’UNRWA, où des familles s’étaient réfugiées, ont été touchées par des frappes. Dix-sept personnes y ont trouvé la mort, et plusieurs dizaines ont été blessées. A cela s’ajoute la destruction d’infrastructures critiques : l’armée d’occupation israélienne vise non seulement des bâtiments résidentiels, mais aussi des espaces vitaux comme les centres de distribution alimentaire, laissant la population sans secours. L’ampleur des destructions se mesure également en chiffres : plus de 42 millions de tonnes de débris jonchent le sol, rendant impossible l’accès des équipes de déminage et d’aide médicale.
Structures hospitalières à bout de souffle
L’interruption des chaînes d'approvisionnement menace également la survie de la population. A Ghaza, plus de cent cuisines communautaires, responsables de la distribution de 400 000 repas par jour, sont à court de ressources et risquent de fermer. Aux frontières égyptienne et jordanienne, environ 40 camions contenant des fournitures médicales, hygiéniques et des produits de santé reproductive attendent désespérément l’autorisation d’entrer dans la bande de Ghaza. Ce blocus humanitaire prend une dimension cruelle dans le Nord, où aucun convoi de nourriture n’a pu atteindre les habitants depuis un mois et où la rareté de l'eau est devenue une menace immédiate pour la vie.
Les efforts pour sauver des vies et porter secours aux blessés se heurtent à un danger omniprésent. Les ambulanciers et le personnel de défense civile risquent leur vie pour atteindre les sites des frappes israéliennes et sortir les survivants des décombres. Mais les attaques ciblées et continues rendent leur mission presque impossible. A Jabalia et Beit Lahiya, les structures hospitalières sont à bout de souffle, et les fournitures médicales se sont épuisées au fil des jours.
Dans un dénuement absolu, les hôpitaux du nord de Ghaza manquent même de linceuls, et les corps des victimes sont désormais couverts avec des couvertures de fortune. Un rapport publié par le Bureau des droits de l'homme des Nations unies a révélé une statistique glaçante : près de 70% des morts à Ghaza sont des femmes et des enfants, qualifiant la situation de «violation systématique des principes fondamentaux du droit humanitaire international». Entre novembre 2023 et avril 2024, la majorité des décès recensés concerne des enfants âgés de cinq à neuf ans.
Le document souligne que la plupart des victimes ont été tuées dans leurs habitations, démontrant, selon les Nations unies, une «indifférence apparente à la vie des civils». Outre le blocage de l’aide humanitaire, les journalistes subissent également des pressions. Depuis octobre 2023, environ 10% des journalistes locaux ont été tués dans l’exercice de leur fonction, et les autorités d’occupation israéliennes continuent d’interdire l’entrée de la presse internationale dans Ghaza. Les témoignages qui nous parviennent sont recueillis dans des conditions de danger extrême, et les images de la destruction sont souvent diffusées par les quelques témoins ayant réussi à échapper aux frappes.
Parallèlement, dans la Cisjordanie occupée, la situation reste alarmante. Ces derniers jours, plusieurs attaques de colons israéliens ont visé des agriculteurs palestiniens. A Nahalin, près de Bethléem, environ 70 arbres d’oliviers et d’amandiers ont été saccagés. A Deir Jarir, les cueilleurs d’olives palestiniens sont soumis à des assauts quasi quotidiens depuis le début de la saison de récolte.
Ces actes de violence, fréquemment impunis, ont pour but de déposséder les Palestiniens de leurs terres et d’instiller un climat de peur et de résignation. Le monde reste impuissant – et souvent indifférent- face à la tragèdie des Palestniens. Volker Turk, haut-commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, a souligné hier qu’«il est essentiel qu’une justice soit rendue de manière impartiale» pour que les violations du droit humanitaire fassent l’objet d’enquêtes crédibles. Mais au-delà des procédures judiciaires, c’est une réponse humanitaire immédiate qui s’impose.