Les dernières 48 heures qui ont suivi l’annonce d’un accord pour un cessez-le-feu à Ghaza ont été particulièrement meurtrières pour les Ghazaouis, parmi lesquels près d’une centaine ont été tués et des dizaines autres blessés par des raids sionistes, mais aussi très tendues au sein du gouvernement israélien, menacé de dissolution par une coalition de l’extrême droite opposée à la fin de la guerre.
Hier, alors que le Hamas a annoncé «la levée de toutes les entraves» qui bloquaient la première étape de l’accord de cessez-le-feu, Israël a maintenu le suspense jusqu’en fin de journée, avant que les 11 membres du cabinet de sécurité, élargi à 33 membres, ne l’entérinent par un vote, afin qu’il soit mis à exécution dès demain après-midi. Seuls Smotrich et Ben-Gvir s’y sont opposés.
Plus d’une centaine de Palestiniens ont été tués, durant les 48 heures qui ont suivi l’annonce d’un cessez-le-feu à Ghaza, par des raids des avions de chasse et de drones, mais aussi par des tirs d’artillerie lourde parmi lesquels une trentaine d’enfants et autant de femmes.
Alors que les négociateurs israéliens avaient rejoint Tel-Aviv aprés avoir finalisé et signé l’accord avec le Hamas, le Premier ministre israélien s’est retrouvé face à d’énormes pressions exercées par une coalition extrémiste qui rejette catégoriquement l’arrêt de la guerre contre la libération des otages israéliens, d’une part, et les familles de ces derniers qui réclament un accord global qui permet le retour de tous leurs proches détenus à Ghaza.
Dans la matinée d’hier, le Hamas a annoncé dans un communiqué : «Toutes les entraves liées au non-respect par l’occupation de certains points de l’accord ont été levées», rejoignant ainsi les déclarations des responsables américains selon lesquels «l’accord était sur la bonne voie et que sa mise en œuvre commencerait dès demain, dimanche. A Tel-Aviv, le Premierr ministre israélien, Benyamin Netanyahu, s’est attelé à contenir la crise de la coalition afin d’éviter la perte de la majorité sur laquelle il compte, au sein du Parlement.
Si le ministre des Finances, le messianiste Bezalel Smotrich, a fini par revenir sur sa décision de démission, son allié l’extrémiste Itamar Ben Gvir, ministre de la Sécurité, a annoncé le retrait de son parti Otzma Yehudit (Pouvoir juif), du gouvernement, s’il n’y a pas un retour à la guerre et l’annexion de la Cisjordanie occupée, après la libération des otages. Il a même appelé les militants du parti religieux extrémiste de Smotrich à le rejoindre dans le cas où l’armée ne reprendrait pas ses opérations militaires après la première étape de l’accord. Au sein même de son parti, le Likoud, Netanyahu fait aussi face au risque de démissions.
Son ministre de la diaspora et de l’antisémitisme a menacé de jeter l’éponge, en raison de l’abandon du corridor Philadelphie, qui relie la frontière égyptienne à Ghaza. Pour les analystes israéliens, aucune des deux parties messianiques n’a le nombre suffisant de députés pour faire voler en éclats le gouvernement à lui seul, sauf s’ils décident de s’unir pour quitter en même temps.
Netanyahu entre les menaces des extrémistes et la perche de l’opposition
Netanyahu n’a pas hésité à rencontrer individuellement ses deux ministres extrémistes, pour les convaincre et les faire revenir sur leur décision. Si Smotrich a mi de l’eau dans son vin, en déclarant qu’il ne démissionnera que si la guerre ne reprend pas durant la seconde phase, Ben-Gvir a maintenu sa position en précisant toutefois que si l’armée reprend ses opérations, juste après la première étape de l’accord, il reviendra au gouvernement.
Mais tout porte à croire que Netanyahu semble compter sur d’éventuelles erreurs de la part de la résistance palestinienne, ou sur des actes de provocation. Hier, il a déclaré à son cabinet de sécurité avoir reçu «des garanties» de la part des négociateurs concernant le soutien américain à un retour d’Israël à la guerre en cas d’échec des négociations futures avec le Hamas.
C’est ce qu’a rapporté la chaîne américaine CNN, citant «une source proche» du dossier. «Les Américains ont donné des garanties selon lesquelles si le Hamas sabote une certaine étape de l’accord, Israël pourra reprendre les combats», a révélé hier CNN. Au 16e jour de la première étape de 42 jours, les pourparlers devront reprendre pour aller vers la seconde phase qui comporte la libération des otages restants en contrepartie de celle des prisonniers palestiniens et du retrait total de l’armée israélienne de Ghaza.
Une phase très importante qui risque d’être capotée, aussi bien par l’aile extrémiste du gouvernement, prête à tout pour que la guerre se poursuive à Ghaza. En face, l’opposition a de tout temps soutenu un accord avec le Hamas qui prévoit la libération des otages et l’arrêt de la guerre.
Son chef, Yaïr Lapid, a même proposé à Netanyahu «un filet de sécurité», pour empêcher tout effondrement de son gouvernement, en lui disant de «ne pas avoir peur», et que «la priorité était de mettre en exécution un cessez-le-feu et un accord de libération des otages». Netanyahu se retrouve ainsi entre deux options : celle des messianiques extrémistes qui consiste à revenir à la guerre après la première étape de l’accord, c’est-à-dire les 42 jours de cessez-le feu, ou celle d’accepter l’aide de l’opposition pour préserver son avenir politique.
Hier après-midi, et alors que des informations de médias israéliens ont fait état du renvoi de la réunion du cabinet à aujourd’hui, suscitant la colère des familles des otages, le bureau du Premier ministre a décidé de la tenir en fin d’après-midi, après une audience avec le cabinet de Sécurité, consacrée aux derniers préparatifs de l’exécution de l’accord de cessez-le-feu.
Selon la presse israélienne, le cabinet s’est réuni au complet avec ses 33 membres pour entériner l’accord, une fois voté par les 11 membres du cabinet de Sécurité, quelque temps plus tôt. Dans un post sur X (anciennement Twitter), le président israélien, Isaac Herzog, s’est empressé de saluer le vote de l’accord par les membres du cabinet de sécurité, en écrivant : «Je ne me fais aucune illusion : l’accord entraînera de grands défis et des moments douloureux et angoissants que nous devrons surmonter et affronter ensemble.»
Une déclaration précédée par celle du Forum des otages, un rassemblement des familles des otages israéliens qui a appelé, dans un communiqué, le gouvernement «à approuver» l’accord de cessez-le-feu. «Pour les 98 otages, chaque nuit est une nouvelle nuit de cauchemar terrible. Ne retardez pas leur retour, même d’une nuit de plus.
Nous appelons les décideurs à mettre les autres questions de côté et à toutes les reprendre avec l’urgence requise.» La sortie de ce Forum est intervenue, alors que des informations diffusées par des médias israéliens évoquaient un retard d’une journée, pour la mise en exécution de l’accord.
Ce qui contredit les affirmations du Premier ministre, faites tôt dans la matinée, selon lesquelles l’accord «serait mis en œuvre comme prévu dimanche, malgré les retards» et que «les premiers otages devant être libérés ce jour-là».
En fin de journée, la première liste partielle des Palestiniens devant être libérés durant la première étape de l’accord a été rendue publique par le ministre de la Justice israélien. Elle comporte 95 femmes et enfants détenus dans les prisons israéliennes. Mais les noms des trois premières otages, devant être libérées par le Hamas, ne seront donnés que vingt-quatre heures avant leur libération.
Pas de manifestations de joie pour les prisonniers palestiniens libérés
L’accord, faut-il le rappeler, prévoit que le Hamas libère 33 otages israéliens, entre vivants ou morts, dont des femmes (civiles et femmes soldats), des enfants (de moins de 19 ans, autres que les soldats), des personnes âgées de plus de 50 ans, des blessés et des civils malades, en contrepartie de la libération, par Israël, de 30 prisonniers palestiniens (des enfants et des femmes) pour chaque otage israélien libéré, sur la base des listes fournies par le Hamas selon l’ancienneté en détention. Tout était mis en branle, dès la validation par le cabinet du gouvernement de l’accord de cessez-le-feu.
Les services de l’administration pénitentiaire ont annoncé, hier, que deux prisons, l’une près d’Al Qods (Jérusalem) et l’autre près de la ville d’Askalan (Ashkelon), dans le sud du pays, avaient commencé à préparer les libérations en rassemblant les prisonniers concernés et précisé que pour «empêcher les manifestations publiques de joie à Ashkelon et dans d’autres régions d’Israël, l’escorte depuis la prison de Shikma ne sera pas prise en charge par des bus civils du Comité de la Croix-Rouge (…) Ce sont plutôt des unités spéciales du service pénitentiaire qui se chargeront du transport».
Et pendant ce temps, les hôpitaux et les centres de prise en charge psychologiques se sont préparés pour recevoir, dès demain, les otages. Fin de journée, dans une déclaration du bureau du Premier ministre, il est indiqué que le cabinet a voté l’accord de cessez-le-feu, et selon les médias israéliens, seuls Smotrich et Ben-Gvir ont voté contre, sur les 33 membres du cabinet. Les mêmes médias ont affirmé que le cabinet a ajouté un objectif à la guerre après avoir conclu «un accord d’échange qui consiste à renforcer la sécurité en Cisjordanie».
Pour sa part, la chaîne qatarie Al Jazeera a affirmé, selon ses sources, que les médiateurs ont fait pression sur Netanyahu pour qu’il finalise aujourd’hui (hier), les approbations du gouvernement israélien, alors que le Hamas a réclamé «le calme 48 heures avant le début de l’accord, pour pouvoir remettre les otages dès les premiers jours». Selon toujours le même média, «d’importants efforts sont fournis de la part des médiateurs pour entamer une phase calme sur le terrain et arrêter les bombardements avant le début de l’accord dimanche».