Trois agences de l’ONU appellent à desserrer le blocus humanitaire qui asphyxie l’enclave palestinienne : La population de Ghaza, entre la famine et les bombes

16/01/2024 mis à jour: 16:56
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A Ghaza, le risque de famine augmente et de plus en plus de personnes sont exposées à des épidémies mortelles - Photo : D. R.

Devant la situation humanitaire dramatique qui sévit dans la Bande de Ghaza, trois agences onusiennes, l’OMS, l’Unicef et le Programme alimentaire mondial (PAM), ont exigé d’Israël d’ouvrir de nouveaux passages pour porter secours à une population menacée par la famine et les épidémies.

Alors que la guerre contre la Bande de Ghaza vient de franchir la barre symbolique de 100 jours, la situation humanitaire dans le territoire enclavé est profondément préoccupante. Le dernier bilan fourni ce lundi par les autorités palestiniennes à Ghaza a grimpé à 24 100 morts et 60 834 blessés depuis le début de l’agression sioniste.

La nuit de dimanche à lundi a été marquée par une nouvelle série de frappes massives. Selon Al Jazeera qui cite le bureau gouvernemental des médias à Ghaza, «plus de 100 personnes sont tombées en martyrs suite à des bombardements nocturnes dans divers secteurs de la Bande de Ghaza». Les frappes où se mêlaient raids aériens et tirs d’artillerie ont ciblé la ville de Ghaza mais également celles de Khan Younès et de Rafah, sur lesquelles l’armée israélienne concentre ses attaques depuis plusieurs jours.

Selon un nouveau compte rendu recensant les pertes enregistrées au 101e jour de l’offensive israélienne, l’agence d’information palestinienne Wafa, citant des sources médicales, rapporte qu’hier, à l’aube, «33 personnes ont été tuées, dont des femmes et des enfants, et des dizaines d’autres ont été blessées, suite au bombardement de plusieurs habitations dans la ville de Ghaza».

D’après Al Jazeera, au moins 20 membres d’une même famille, en l’occurrence la famille Al Haddad, ont trouvé la mort dans un raid qui a visé leur maison dans la capitale de l’enclave.  Wafa informe en outre que «plusieurs quartiers de Khan Younès ainsi que dans les camps d’Al Bureij et d’Al Maghazi, ont subi un pilonnage d’artillerie intense».

L’agence palestinienne fait état également d’un nouveau black-out des télécommunications imposé par Israël au long de la journée de ce lundi. «C’est au moins la septième fois que les communications sont totalement coupées dans la Bande de Ghaza depuis le début de l’agression sioniste», déplore Wafa avant de noter : «Les coupures de téléphone et d’internet sont souvent accompagnées d’une escalade de tueries commises par les forces de l’occupant contre notre peuple à Ghaza.»

Parallèlement aux frappes israéliennes, les factions palestiniennes qui combattent sur le terrain, à leur tête les Brigades Azeddine Al Qassam ou bien Saraya El Qods, revendiquent de leur côté de nombreuses attaques contre les troupes de l’Etat hébreu. L’armée d’occupation déplore la perte de 188 soldats depuis le début de l’offensive terrestre à l’intérieur de la Bande de Ghaza le 27 octobre 2023, et 522 depuis le 7 octobre.

Dans un nouveau message vidéo diffusé ce dimanche, Abou Obeida, le porte-parole militaire des Brigades Azeddine Al Qassam, déclare : «Nous avons infligé à l’ennemi de lourdes pertes qui dépassent ce qu’il a subi le 7 octobre.» Dans ce nouveau message, Abou Obeida tenait surtout à faire le point sur ces 100 jours de combats.

Il assure que la guérilla palestinienne a détruit totalement ou partiellement «1000 engins militaires israéliens en 100 jours». Le porte-parole de la branche militaire du Hamas insiste sur le fait que «ce qui s’est passé le 7 octobre était une réponse aux massacres que fait subir l’ennemi à notre peuple depuis 100 ans».

Et de rejeter toute négociation «avant l’arrêt de l’agression» contre la population de Ghaza. S’agissant des 132 captifs qui sont aux mains du Hamas, Abou Obeida a affirmé que «le sort de nombreux otages est inconnu», précisant que «beaucoup d’entre eux ont probablement été tués récemment et les autres sont en grand danger». Pour lui, « le commandement de l’ennemi et son armée portent la pleine responsabilité de cette situation».

«Une décision urgente de la Cour internationale de Justice»

Et tandis que les négociations sont au point mort, les organisations humanitaires internationales multiplient les appels pour permettre à tout le moins d’acheminer les aides vers l’enclave assiégée à défaut d’un cessez-le-feu. Hier, trois agences onusiennes, à savoir le Programme alimentaire mondial (PAM), l’OMS et l’Unicef ont appelé une nouvelle fois Israël à ouvrir de nouveaux passages pour venir au secours de la population de Ghaza.

«Alors que le risque de famine augmente et que de plus en plus de personnes sont exposées à des épidémies mortelles, un changement dans le flux de l’aide humanitaire vers Ghaza s’impose de toute urgence», ont plaidé les trois agences des Nations unies à travers un communiqué commun.

«Les dirigeants du Programme alimentaire mondial (PAM), de l’Unicef et de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) affirment que l’acheminement de suffisamment de fournitures vers et à travers Ghaza dépend désormais de l’ouverture de nouvelles voies d’entrée», ont-elles souligné.

Concrètement, le PAM, l’OMS et l’Unicef exigent qu’il y ait «davantage de camions autorisés chaque jour à passer les contrôles aux frontières ; moins de restrictions sur les mouvements des travailleurs humanitaires  et des garanties de sécurité pour les personnes accédant à l’aide et la distribuant».

La directrice exécutive du PAM, Cindy McCain, citée dans le communiqué, a cette formule tragique : «Les habitants de Ghaza risquent de mourir de faim à quelques kilomètres seulement des camions remplis de nourriture.» «Chaque heure perdue, prévient-elle, met en danger d’innombrables vies. Nous pouvons contenir la famine, mais seulement si nous pouvons livrer suffisamment de fournitures et avoir un accès sûr à tous ceux qui en ont besoin, où qu’ils se trouvent».

De son côté, l’Unicef s’inquiète sur le sort de «335 000 enfants de moins de 5 ans de Ghaza qui sont particulièrement vulnérables». D’après l’agence de l’ONU chargée de la protection des droits de l’enfant, «l’émaciation infantile, la forme de malnutrition la plus mortelle chez les enfants, pourrait augmenter de près de 30% par rapport aux conditions d’avant la crise, affectant ainsi jusqu’à 10 000 enfants.» «Le flux d’aide n’a été qu’un petit filet par rapport à l’océan de besoins humanitaires», résume Philipe Lazzarini, commissaire général de l’Unrwa.

«L’aide humanitaire ne suffira pas à enrayer l’aggravation de la faim au sein de la population. Les approvisionnements commerciaux sont indispensables pour permettre aux marchés et au secteur privé de rouvrir et offrir une alternative à l’accessibilité alimentaire», recommande M. Lazzarini.

Face à l’ampleur de la dévastation, le Premier ministre palestinien, Mohammad Shtayyeh, a exhorté hier, lors d’une réunion de son cabinet à Ramallah, la Cour internationale de justice à «rendre une décision urgente» et à «mettre fin à l’agression en cours pour le 101e jour consécutif contre la Bande de Ghaza qui est exposée à l’enfer de l’holocauste, du nettoyage ethnique et du génocide».

D’après lui, les effroyables exactions israéliennes ont fait «près de 100 000 victimes, entre martyrs, blessés et personnes portées disparues». Cela fait à présent plus de 100 jours, martèle-t-il, que «la Bande de Ghaza est plongée dans l’obscurité, sans électricité, sans eau, sans médicaments et sans communications», ajoutant que l’enclave martyrisée est engagée «dans une mort lente et rapide qui a coûté la vie à des enfants, des femmes et des personnes âgées, en plus des rescapés dont les maisons ont été détruites, et qui représentent 1,7 million d’habitants».
 

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