Les sénateurs, selon nos sources, ont reçu des instructions, faute de temps, «de ne pas activer le mécanisme de réserve sur ces articles».
Les membres du Conseil de la nation ont adopté, hier, le projet de loi de finances (PLF) pour l’année 2025. A l’unanimité, les sénateurs ont approuvé ce document, emboîtant, ainsi, le pas à leurs pairs de l’Assemblée populaire nationale (APN) qui ont donné, mercredi passé, leur quitus à ce projet. Pourtant, certaines dispositions de ce texte de loi sont considérées par le président du Sénat, Salah Goudjil et l’ensemble des membres de cette Chambre du Parlement, comme étant «anticonstitutionnelles».
Il s’agit des articles 23, 29 bis, 33 et 55 qui sont, selon le bureau du Conseil de la nation, en contradiction avec l’article 147 de la Loi fondamentale du pays. Celui-ci stipule qu’«est irrecevable toute proposition de loi ou amendement présenté par les membres du Parlement ayant pour objet ou pour effet de diminuer les ressources publiques ou d’augmenter les dépenses publiques, sauf si elle est accompagnée de mesures visant à augmenter les recettes de l’Etat ou à faire des économies, au moins, correspondantes sur d’autres postes des dépenses publiques».
Les sénateurs, selon nos sources, ont reçu des instructions, faute de temps, «de ne pas activer le mécanisme de réserve sur ces articles». Dans son rapport complémentaire, la commission des affaires économiques et financières aborde le sujet. Son rapporteur Mouloud Mbarek Felouti du Rassemblement national démocratique (RND) a reconnu qu’au cours de l’examen de ce texte de loi et après les interventions des sénateurs lors des débats, «la commission a constaté que des amendements à certains articles du document, à savoir les 23, 29, 33 et 55 amendés, sont contraires aux dispositions de la Constitution, notamment à son article 147».
Face à cette situation, le président du perchoir Salah Goudjil a, selon nos source, donné instruction pour l’adoption de ce texte de loi important dans les délais impartis et il procédera, immédiatement, après le vote à la saisine de la Cour constitutionnelle. «Il s’agit là d’un cas de jurisprudence et en flagrante contradiction avec la Constitution et faute de temps il est quasiment impossible de recourir à la commission paritaire. D’où l’option de procéder au vote de ce texte et la saisine dans l’immédiat de la Cour constitutionnelle par le président du Sénat pour rectifier le tir», explique un sénateur.
En effet sitôt le vote sur le PLF achevé, le deuxième homme de l’Etat a saisi la Cour constitutionnelle. «En application des dispositions de la Constitution, notamment des articles 192 et 193 et à l’issue de l’adoption du PLF, Salah Goudjil a saisi la Cour constitutionnelle pour incompatibilité des amendements apportés aux dispositions 23, 29, 33 et 55 l’article 147 de la Constitution», confirme l’institution dans un communiqué rendu public. A son tour, le Premier ministre, Nadir Larbaoui, annonce avoir saisi la Cour constitutionnelle pour les mêmes raisons.
S’agissant du contenu des dispositions controversées.
Les députés ont adopté l’introduction d’un nouvel article 23 permettant aux activités de transport de taxis de bénéficier d’une réduction de l’IFU de 12% à 5%, à l’instar d’autres prestataires de services. Pour ce qui est de l’article 55 du projet, relatif à la vignette automobile, les députés ont suggéré des amendements pour supprimer l’augmentation proposée par l’Exécutif pour les véhicules de plus de 10 CV.
Ce qui a été rejeté par la commission qui a néanmoins maintenu le changement qu’elle avait proposé dans le rapport préliminaire qui est d’instituer cette hausse pour les véhicules de plus de 15 CV et c’est ainsi que l’article a été adopté. S’agissant de l’article 29, les députés ont voté pour la fixation du montant de l’impôt forfaitaire unique (IFU) pour chaque exercice à 10 000 DA pour les activités exercées dans le cadre du statut de l’autoentrepreneur et des artisans.
L’article 33, quant à lui, porte sur la réduction de l'amende de 100 000 DA à 5000 DA pour les assistants judiciaires. Par ailleurs, dans son intervention à l’issue de ce vote, le ministre des Finances, Laaziz Faid, a rappelé que «cette loi vise l’amélioration du pouvoir d’achat du citoyen, la diversification de l’économie à travers la promotion de l’investissement, la relance des grands projets structurants, la promotion de la transition énergétique, l’accélération de la transformation numérique des services de l’Etat pour appuyer l’économie du savoir, la maîtrise de la gestion de la dette publique, et la mobilisation de ressources supplémentaires».
Ce texte, ajoute le ministre, permettra également de «trouver un équilibre entre la satisfaction des besoins des citoyens et les mesures qui doivent être prises pour assurer la solidité continue de l’économie nationale, à la lumière des fluctuations et des déséquilibres économiques mondiaux».