Rachida Dati fait, surtout, partie de ce contingent politique qui a toujours œuvré à arrimer le président Emmanuel Macron
au Makhzen. Sa visite résonne comme un acte qui vise à empêcher toute possibilité de retour en arrière dans la situation
de crise que connaissent les relations bilatérales.
Drôle de manière de cuver son vin après une déconvenue bien pénible en terre africaine. L’élection de la diplomate algérienne Selma Malika Haddadi au poste de vice-présidente de la Commission de l’Union africaine (UA) est, visiblement, restée en travers de la gorge des réseaux d’extrême droite française et de leurs alliés au sein de l’establishment marocain. C’est, en somme, l’une des explications les plus plausibles de la visite effectuée, hier, par la ministre française de la Culture, Rachida Dati, dans les territoires occupés du Sahara occidentale. Quoi qu'annoncée à l’avance, la couverture médiatique de la première visite d’un ministre français dans l’un des derniers territoires colonisés en Afrique renforce ce sentiment.
Rachida Dati, d’origine marocaine, effectue, les 17 et 18 février, une visite officielle dans les territoires du Sahara occidental, accompagnée du ministre marocain de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, Mohamed El Mahdi Bensaïd, rapportent des médias marocains. «Cette visite vise à renforcer la coopération culturelle entre le Maroc et la France, et s’inscrit dans le cadre de la reconnaissance par la France de la souveraineté du Maroc sur son Sahara», précisent ces mêmes sources.
La ministre française de la Culture a, est-il ajouté, entamé sa visite en se rendant sur les lieux historiques de Tarfaya, notamment le monument de Casamar et le musée Saint-Exupéry, qui «célèbre l’héritage de l'écrivain français et sa relation avec le Maroc». A Laâyoune, en territoires occupés, Mme Dati a supervisé l’inauguration du centre culturel de l’Alliance française, poursuit la même source.
Cette visite a, également, été marquée par la signature d’une convention de soutien entre l’ambassade de France au Maroc et une organisation artistique et culturelle marocaine. «C’est un moment symbolique, historique et un engagement écrit : Le présent et l’avenir de cette région sont sous souveraineté marocaine, et c’est incontestable», a déclaré Dati sur sa page Facebook, tout en exprimant toute sa réjouissance quant au développement des industries «culturelles et créatives», qui sont «un levier d’innovation, de croissance et de dialogue entre (nos) deux pays». «Ensemble, nous soutenons le développement du cinéma, du jeu vidéo, des métiers d’art et des cultures urbaines», a-t-elle dit.
Rappelons que la ministre française de la Culture a fait ses classes politiques chez l’ancien président Nicolas Sarkozy, dont le fils a récemment déclaré vouloir incendier l’ambassade d’Algérie en France. Elle est, depuis longtemps, considérée comme l’«Arabe de service» de la droite française conservatrice qui ne s’encombre plus de reprendre les clichés de l’extrême droite sur l’émigration. Elle lui offre ses services, en se montrant sous le visage d’une Maghrébine bien intégrée et assimilée aux valeurs de la France. C’est ce positionnement qui fait qu’elle a été toujours présente dans le listing politique à droite et au centre-droite.
Brusque coup d’arrêt
Rachida Dati fait, surtout, partie de ce contingent politique qui a toujours œuvré à arrimer le président Emmanuel Macron au Makhzen marocain. Sa visite résonne, à y voir de plus près, comme un acte qui vise à empêcher toute possibilité de retour en arrière dans la situation de crise que connaissent les relations bilatérales entre l’Algérie et la France. En ce sens, les efforts menés par des personnalités françaises telles que Dominique de Villepin pour la normalisation des relations semblent ne pas être appréciés par les ordonnateurs politiques du ministre de l’Intérieur français, Bruno Retaillau, et de sa comparse Rachida Dati.
Des efforts ainsi contrariés et dont les implications débordent sur le volet et la coopération sécuritaire entre Alger et Paris. A cause de cette poussée maladive des milieux «algérophobes», les relations entre le haut commandement militaire algérien et son équivalent français connaissent, en effet, un brusque coup d’arrêt.
Malgré un froid persistant dans les relations entre les deux pays, ces dernières semaines, a-t-on appris, plusieurs messages ont ainsi été transmis par le haut commandement français à son équivalent algérien de l’Armée nationale populaire (ANP). Des missives restées jusqu’à présent sans réponse.
Ce coup d’arrêt intervient alors que les canaux militaires entre les deux pays étaient relativement fluides depuis la visite d’Emmanuel Macron en Algérie en août 2022, tout particulièrement au niveau de la Direction du renseignement militaire (DRM) française. Dirigée par le général Jacques Langlade de Montgros, la DRM était parvenue pour la première fois à placer un officier de liaison au sein du Comité d’état-major opérationnel conjoint (Cemoc), qui réunit l’Algérie, la Mauritanie, le Mali et le Niger, à Tamanrasset, ville du Sud algérien à 400 km de la frontière avec le Mali.
Rentré en France pour les vacances de Noël en décembre 2024, le gradé de la DRM n’a pas pu retrouver son poste en Algérie en janvier. Une décision directement motivée par les très fortes tensions diplomatiques qui règnent entre les deux capitales. La rupture des canaux militaires entre la France et l’Algérie marque un tournant stratégique dans la gestion sécuritaire du Sahel, révélateur des dynamiques de puissance en recomposition. Pourtant, la coopération militaire franco-algérienne s’inscrivait dans un équilibre géopolitique subtil.
Après le retrait français du Mali en 2022, le poste de liaison de la DRM au Cemoc constituait un verrou stratégique pour, entre autres, maintenir un accès aux informations opérationnelles sur les groupes armés sahéliens, compenser la perte d’influence française au Mali et au Niger et capitaliser sur le rôle pivot de l’Algérie dans la stabilisation régionale. Au final, cette crise entre les deux pays démontre la vulnérabilité des architectures sécuritaires héritées de la période coloniale face aux nouvelles ambitions géopolitiques africaines.
L’Algérie use désormais de son positionnement géostratégique pour redéfinir les termes de son partenariat avec Paris. Or, la fermeture du canal militaire français au Cemoc pourrait accélérer l’émergence de mécanismes de sécurité concurrents, moins dépendants des logiques occidentales.