Projet de résolution américain sur Ghaza au Conseil de sécurité : La Russie et la Chine opposent leur veto

23/03/2024 mis à jour: 06:56
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Photo : D. R.

Décidément, les 15 membres du Conseil de sécurité de l’ONU n’arrivent toujours pas à s’entendre sur une résolution consensuelle pour faire stopper le bain de sang à Ghaza. Depuis le début de la guerre impitoyable faite au peuple palestinien, le Conseil de sécurité n’a réussi à adopter que deux résolutions, «essentiellement humanitaires». Mais même celles-ci n’ont été d’aucun effet, l’aide humanitaire entrant à Ghaza étant très limitée.

Pour la première fois depuis le début de la guerre contre Ghaza, les Etats-Unis ont soumis au Conseil de sécurité de l’ONU un projet de résolution favorable à un «cessez-le-feu immédiat» dans la bande de Ghaza.

Les Américains s’étaient régulièrement opposés à toute option de paix en Palestine en brandissant systématiquement leur veto à tout projet de résolution obligeant Israël à mettre un terme à sa campagne génocidaire. Ils ont bloqué trois textes exigeant un cessez-le-feu à Ghaza, le dernier en date étant celui qui a été soumis le 18 février passé par l’Algérie.

Cette fois, c’est le projet de résolution américain qui se voit rejeté à son tour suite à un veto russe et chinois. Membre non permanent du Conseil de sécurité, l’Algérie a voté également contre. Dans le détail, le texte qui a été soumis au vote du Conseil de sécurité hier a recueilli 11 voix favorables, trois voix contre (en l’occurrence celles de la Russie, de la Chine et de l’Algérie) et une abstention (le Guyana).

Le texte de la résolution consulté par l’AFP insiste notamment sur «la nécessité d’un cessez-le-feu immédiat et durable pour protéger les civils de tous côtés, permettre la fourniture de l’aide humanitaire essentielle (...), et dans cette optique, soutient sans équivoque les efforts diplomatiques internationaux pour parvenir à un tel cessez-le-feu en lien avec la libération des otages encore détenus».

Par ailleurs, la proposition américaine «rejette toute tentative de modification démographique ou territoriale de Ghaza», et condamne les attaques du 7 octobre. On notera que la formulation proposée dans le texte américain parle de «nécessité» d’un cessez-le-feu immédiat.

Il ne dit pas expressément : «Le Conseil de sécurité appelle  à un cessez-le-feu immédiat» ou bien «exige un cessez-le-feu immédiat… », et c’est ce que lui reprochent les Russes. En comparaison, une résolution votée le 8 mars dernier à propos du Soudan est formulée ainsi : «Le Conseil de sécurité demande la cessation immédiate des hostilités pendant le mois de Ramadhan.»

Deux autres textes sur la table du Conseil de sécurité

«La Chine et la Russie ne voulaient simplement pas voter pour un projet rédigé par les Etats-Unis parce qu’ils préfèrent nous voir échouer que de voir un succès du Conseil», s’est emportée l’ambassadrice américaine à l’ONU, Linda Thomas-Greenfield, selon des propos rapportés par l’AFP.

Mme Thomas-Greenfield a dénoncé dans la foulée une «décision cynique». «Alors que Ghaza a quasiment été effacée de la carte, la représentante américaine, sans sourciller, assure que Washington reconnaît le besoin d’un cessez-le-feu», a riposté le représentant permanent de la Russie auprès de l’ONU, Vassili Nebenzia.

Le diplomate russe a fustigé le «spectacle hypocrite» des Etats-Unis qui ont tenté de «vendre à la communauté internationale un produit totalement différent, une formulation diluée». Autre point qui a suscité la discorde : le texte proposé par les Etats-Unis a condamné «tous les actes de terrorisme, y compris les attaques du Hamas du 7 octobre contre Israël».

Il convient de noter qu’un autre projet de résolution «est en discussion, et pourrait également être soumis au vote vendredi, selon une source diplomatique», affirme l’AFP. Ce projet a été élaboré par des membres non permanents du Conseil de sécurité. D’après l’agence française, ce texte «exige un cessez-le-feu humanitaire immédiat pour le mois de Ramadhan».

La France a annoncé jeudi qu’elle travaille de son côté aussi, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité, sur un projet de résolution «allant au-delà d’un appel à un cessez-le-feu immédiat», précise l’AFP. «Nous considérons qu’il est temps de prendre de nouvelles initiatives au Conseil de sécurité des Nations unies sur le conflit en cours», a déclaré jeudi Christophe Lemoine, le porte-parole adjoint du ministère français des Affaires étrangères cité par l’AFP.

L’ambassadeur français à l’ONU, Nicolas de Rivière, a précisé que ce projet de résolution initié par Paris va intervenir «plus tard, avec une résolution plus large concernant diverses questions, notamment un cessez-le-feu durable, pas seulement un court cessez-le-feu pendant le Ramadhan».

Emmanuel Macron a réagi depuis Bruxelles au rejet du texte soumis par les Etats-Unis en militant pour l’adoption du projet de résolution qui sera soumis par son pays. «Il faut maintenant que le Conseil de sécurité se prononce sur un cessez-le-feu immédiat et un accès humanitaire.

Après le veto posé par la Russie et la Chine il y a quelques minutes (hier, ndlr), nous allons reprendre sur la base du projet de résolution français au Conseil de sécurité et travailler avec nos partenaires américains, européens, arabes en ce sens pour trouver un accord», a assuré le président français à l’issue d’un sommet européen.

Les 27 pays de l’Union européenne ont exhorté jeudi Israël à renoncer à son attaque massive contre Rafah et plaidé pour une «pause humanitaire immédiate» dans la bande de Ghaza. Se joignant à cet effort diplomatique, le Royaume-Uni et l’Australie ont appelé à leur tour à une «fin immédiate des combats» à Ghaza pour permettre «l’acheminement de l’aide et la libération des otages».

Les chefs de la CIA et du Mossad à Doha

Le secrétaire d’Etat américain, Anthony Blinken, a entamé mercredi une nouvelle tournée au Moyen-Orient. Il s’est d’abord rendu en Arabie Saoudite puis au Caire avant de se poser en Israël. C’est sa sixième tournée au Proche-Orient depuis le début de la guerre contre Ghaza.

Le chef de la diplomatie américaine s’est entretenu jeudi avec le président égyptien Abdel Fattah Al Sissi autour de la situation à Ghaza, et ce, préalablement à une réunion avec les ministres des Affaires étrangères de cinq pays arabes, à savoir l’Egypte, le Qatar, l’Arabie Saoudite, la Jordanie et les Emirats arabes unis.

«Il y a de meilleurs moyens de gérer la menace du Hamas», a déclaré M. Blinken au cours d’une conférence de presse conjointe avec son homologue égyptien, Sameh Choukri, qualifiant «d’erreur» et d’«inutile» l’attaque programmée contre Rafah. «Même s’il est difficile de parvenir (à un accord), cela est toujours possible», a estimé l’émissaire de Joe Biden.

«Le fossé se réduit (entre les deux parties)»  a-t-il encore souligné. «Il faut un cessez-le-feu et une libération des otages et des prisonniers», a déclaré de son côté le chef de la diplomatie égyptienne avant d’ajouter : «Israël ne doit mener aucune opération militaire à Rafah, pour qu’il n’y ait pas plus de victimes civiles et de déplacements.»

Les ministres des AE des cinq pays arabes réunis au Caire ont appelé, dans un communiqué conjoint, à un «cessez-le-feu complet et immédiat» à Ghaza et à «l’ouverture de tous les points de passage entre Israël et la bande de Ghaza» pour l’acheminement de l’aide humanitaire.

A Doha, le chef du Mossad, David Barnea, a rencontré hier le patron de la CIA, William Burns. D’après l’AFP, le chef du renseignement israélien doit aussi rencontrer le Premier ministre qatari, Mohammed Ben Abdelrahman Al Thani, ainsi que le chef des services secrets égyptiens Abbas Kamel, dans le cadre des pourparlers devant aboutir à une trêve avec la résistance palestinienne.

«Des différends semblent persister sur l’échange d’otages israéliens détenus à Ghaza contre des prisonniers palestiniens écroués en Israël», indique l’AFP.

L’Etat hébreu «exige du Hamas avant une trêve la liste des otages encore en vie, tandis que le mouvement islamiste veut choisir l’identité des principaux prisonniers palestiniens qui seront libérés», soulignent des médias israéliens à propos de ces pourparlers.
 

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