Près de 1900 prisonniers palestiniens devraient être libérés : Dans l’enfer des geôles israéliennes

27/01/2025 mis à jour: 04:24
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Photo : D. R.

La libération de 290  détenus palestiniens, même si elle a été accueillie par des scènes de liesse et des cris de joie et des scènes de festivités dans les rues, n’empêche pas d’avoir un petit goût amer, tant l’injustice est flagrante et l’état dans lequel apparaissent les prisonniers est rageant.

Parmi les libérés, plusieurs n’avaient jamais été inculpés et étaient détenus dans le cadre de ce que l’on appelle la «détention administrative», un mécanisme permettant à Israël de détenir des individus sans procès ni inculpation formelle. Si le mot utilisé dans les médias est généralement celui de «prisonniers», il apparaît, en vrai, que leur situation n’est pas différente de celles d’otages.

Ces dits prisonniers, dont l’âge varie de 16 à 69 ans, étaient détenus dans diverses prisons israéliennes, telles que celles d’Ofer et de Ktziot. A leur libération, et malgré les alertes israéliennes interdisant les célébrations, ils ont été accueillis en héros, avec feux d’artifice.

Parmi eux, Bakker Kwaawish, qui avait passé plus de six ans en détention, n’a pu contenir son émotion. «Merci à Dieu ! C’est une sensation indescriptible», a-t-il déclaré, vêtu de la tenue grise des prisonniers. Cette deuxième salve de libérations, suite à l’accord de cessez-le-feu conclu entre Israël et  Hamas,  soulève des questions sur les conditions des prisonniers dans les prisons israéliennes et sur la question du processus de détention.

Selon la Société des prisons Palestiniennes, le nombre de détenus palestiniens dans les prisons israéliennes a dépassé les 10 000, et plusieurs ont été placés sous détention administrative. Depuis le 7 octobre 2023, une vague de répressions a conduit à l’arrestation de centaines de Palestiniens, dont des femmes et des enfants, souvent sans accusation ni procès, violant ainsi de façon flagrante les droits fondamentaux.

Il est à noter que la libération de ces 200 prisonniers fait partie de l’accord de cesse-le-feu conclu  entre Israël et Hamas, suspendant la guerre pour une période de six semaines. En échange, Israël a obtenu la libération de 33 otages israéliens détenus dans la bande de Ghaza. Le premier échange, qui a eu lieu la semaine précédente, a permis la libération de 90 prisonniers palestiniens en échange de trois otages israéliens. En tout et pour tout, près de 1900 prisonniers palestiniens devraient être libérés en échange de captifs israéliens.

Avant la libération de 90 prisonniers lundi et de 200 autres prisonniers avant-hier, 10 400 Palestiniens étaient détenus dans les prisons israéliennes, sans compter ceux arrêtés à Ghaza au cours des 15 derniers mois de guerre, selon la commission palestinienne des affaires des détenus et ex-détenus et la Société des prisonniers palestiniens.

L’un des faits les plus marquants de ces libérations croisées : les disparités entre les deux parties. Les captifs israéliens, qui sont accueillis en bonne santé dans des hôpitaux, contrastent fortement avec l’état affaibli des détenus palestiniens réintégrant leurs familles.

Jugés par des tribunaux militaires

Depuis l’occupation israélienne de 1967, plus d’un million de Palestiniens ont été arrêtés, selon un rapport des Nations unies. Une proportion importante de ces détenus est placée sous le régime de la détention administrative.

Ce dispositif permet à Israël de détenir des individus sans inculpation ni procès pour une période initiale de six mois, renouvelable indéfiniment. Les charges retenues contre ces détenus sont souvent classées «secrètes», laissant les prisonniers, leurs familles et leurs avocats dans l’ignorance des motifs de leur incarcération.

Certes, la pratique a été condamnée par des organisations internationales des droits humains, telles qu’Amnesty International et Human Rights Watch, qui y voient une violation flagrante du droit international. Mais Israël en fait fi, l’utlisant aussi bien contre des Palestiniens soupçonnés d’activités politiques ou militantes que contre des individus sans lien direct avec des organisations militantes. Près de 80% des Palestiniens arrêtés sous ce régime ne sont jamais formellement accusés.

Le système judiciaire israélien applique  ainsi une double juridiction en Cisjordanie occupée : les Palestiniens sont jugés par des tribunaux militaires, tandis que les colons israéliens relèvent des tribunaux civils. Cette distinction, qui est clairement une discrimination systémique, reflète l’écart abyssal entre les droits accordés aux deux populations vivant sur le même territoire.

Les tribunaux militaires israéliens affichent un taux de condamnation de 99%, selon des statistiques officielles. Les infractions pouvant conduire à un procès incluent des accusations variées, telles que «incitation» – souvent définie comme toute critique publique des politiques israéliennes – ou des actes de résistance non violente.

De simples infractions, comme des violations de permis de travail, peuvent entraîner des condamnations sévères. Mais et à titre comparatif, les colons israéliens, souvent accusés de violences contre des Palestiniens, bénéficient d’un traitement judiciaire clément. Cette dualité renforce les accusations de nombreuses associations de défense des droits de l’homme qui qualifient ce système d’«apartheid juridique».

Les témoignages des prisonniers palestiniens récemment libérés illustrent cette réalité. Abdelaziz Atawneh, un jeune garçon libéré cette semaine, a décrit à la chaûne Al Jazeera son expérience comme «un enfer» : «Ils nous battaient, nous humiliaient, nous privaient de nourriture et d’eau.» Depuis le début de la guerre contre les Palestiniens de Ghaza en octobre 2023, ces mauvais traitements se sont intensifiés avec des restrictions accrues sur l’accès à l’eau, à la nourriture et aux soins médicaux.

Des groupes de défense des droits humains ont également signalé que le service pénitentiaire israélien a considérablement restreint l’accès à l’eau, à la nourriture, aux soins médicaux et aux biens communs pour les prisonniers. Les visites familiales et celles des avocats ont également été limitées, voire totalement suspendues.

Une pratique condamnée par les normes internationales

Les prisons israéliennes, déjà surpeuplées, sont devenues des lieux de privation systématique. Les organisations des droits humains rapportent des cas de torture et de décès en détention. En avril dernier, le docteur Adnan El Bursh, chef du service d’orthopédie à l’hôpital El Chifa de Ghaza, est mort sous la torture dans la prison d’Ofer. Parmi les milliers de détenus palestiniens, des centaines d’enfants subissent un traitement tout aussi brutal.

Certains ont été arrêtés alors qu’ils avaient moins de 10 ans, ce qui, selon beaucoup, constitue une violation de la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant. Les enfants ne sont pas mieux traités que les adultes dans les prisons israéliennes, et une série d’abus contre eux a été documentée.

Une étude de Save the Children souligne que 86% des enfants subissent des violences physiques, tandis que d’autres font face à des violences psychologiques et sexuelles. Les enfants sont souvent transférés entre les centres de détention dans des cages, une pratique condamnée par les normes internationales.

Ces enfants, parfois arrêtés  pour des accusations liées aux jets de pierres sur les forces israéliennes, sont les seuls au monde à être jugés systématiquement devant des tribunaux militaires et se voient souvent infliger des peines disproportionnées.

Selon les estimations, 10 000 enfants ont été emprisonnés par Israël au cours des 20 dernières années. Certains ont signalé des violences de nature sexuelle, et d’autres sont transportés au tribunal ou entre centres de détention dans de petites cages. Les enfants palestiniens sont, selon l’organisation Save the Children, «les seuls au monde systématiquement poursuivis devant des tribunaux militaires».

ONU : Les attaques en Cisjordanie «menacent» le cessez-le-feu

L’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA) a déclaré hier que l’escalade sioniste en cours en Cisjordanie occupée l’avait poussé à fermer les écoles et les centres de santé, mettant en garde contre les menaces pesant sur le cessez-le-feu à Ghaza.

Dans une interview à BBC news, dont des extraits ont été diffusés sur les réseaux sociaux, le directeur des affaires de l’UNRWA pour la Cisjordanie, y compris El Qods-Est, Roland Friedrich, a indiqué que «la situation humanitaire et sécuritaire dans le nord de la Cisjordanie s’est gravement détériorée», ce qui, selon lui, «menace le fragile cessez-le-feu à Ghaza». «Dans le camp de Jénine, qui abrite plus de 20.000 habitants, presque tous ont été déplacés.

La violence continue nous a obligés à suspendre les écoles et les services de santé pour des milliers de personnes», a-t-il relevé. L’opération meurtrière de l’entité sioniste dans les territoires palestiniens occupés «a entraîné une escalade de la violence et des déplacements.

L’UNRWA s’efforce de fournir de la nourriture, de l’aide en espèces et des articles essentiels, mais l’accès reste extrêmement difficile en raison des hostilités», a souligné le responsable onusien. Les forces d’occupation sionistes poursuivent leur agression contre la ville de Jénine et son camp pour le sixième jour consécutif, faisant au moins 15 martyrs, des dizaines de blessés ou arrêtés, et entraînant d’importants dégâts infligés aux biens civils, aux installations publiques et privées et aux infrastructures essentielles, notamment aux réseaux d’eau et d’électricité, selon les médias palestiniens.

 

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