Pourparlers à Riyad sur la Syrie post-Al Assad : Promesses de transition et tensions persistantes

13/01/2025 mis à jour: 09:29
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Photo : D. R.

La perspective d’un dialogue national, censé être le point de départ d’une refonte institutionnelle, suscite autant d’espoirs que d’inquiétudes.

Depuis la chute de Bachar Al Assad en décembre dernier, la Syrie traverse une période critique de transition politique. La communauté internationale (composée des chefs de la diplomatie des principaux pays arabes et occidentaux), réunie, hier à Riyad, en Arabie saoudite, veut participer à définir une stratégie pour accompagner ce processus complexe. «Il y aura deux réunions. La première entre Etats arabes.

La seconde entre Etats arabes et d’autres pays», dont la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie, la Turquie et l’Espagne, ainsi que les Nations unies, a déclaré à l’AFP un responsable saoudien ayant requis l’anonymat. La perspective d’un dialogue national, censé être le point de départ d’une refonte institutionnelle, suscite autant d’espoirs que d’inquiétudes. L’envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie, Geir Pederson, a exprimé des réserves quant au manque de clarté et de transparence autour de ce processus.

Lors d’une réunion du Conseil de sécurité tenu à New York, il a souligné que les modalités d’organisation, les critères de participation et les objectifs précis du dialogue restent flous. Ahmad Al Charaa (dit El Djoulani), chef de l’organisation Hayat Tahrir Al Sham (HTS) et dirigeant de facto depuis la chute d’Al Assad, s’est engagé à éviter l’effondrement de l’Etat en installant un gouvernement provisoire.

Cependant, ses décisions suscitent des critiques, notamment la nomination de Mourhaf Abou Qasra, son ancien chef d’état-major, au poste de ministre de la Défense. Cette décision, perçue comme une concentration du pouvoir autour de ses fidèles, soulève des questions sur l’impartialié du processus. Al Charaa justifie ces choix par les «besoins urgents» de la transition, arguant que la sensibilité de la phase actuelle limite les alternatives. Toutefois, ces explications peinent à convaincre une partie de la communauté internationale, toujours méfiante envers les anciennes factions armées désormais aux commandes.

Levée des sanctions

Un autre point sensible des discussions de Riyad porte sur les sanctions imposées à la Syrie depuis 2011. Si le gouvernement de transition réclame une levée rapide pour faciliter la reconstruction, plusieurs puissances occidentales, notamment les Etats-Unis, conditionnent tout assouplissement à une évaluation des actions des nouvelles autorités. Des voix s’élèvent contre cette situation, soulignant que le pays a un besoin urgent de ressources pour relancer son économie et reconstruire ses infrastructures dévastées.

La prudence affichée par Washington et d’autres capitales européennes reflète une méfiance face aux nouvelles autorités et en particulier de voir les fonds internationaux détournés par les factions au pouvoir. La cheffe de la diplomatie de l’Union européenne, Kaja Kallas, a déclaré vendredi que les 27 pourraient «progressivement» assouplir leurs sanctions «à condition que des progrès tangibles soient réalisés», notamment sur la protection des minorités.

Les discussions de Riyad portent justement notamment sur le niveau de soutien à apporter à la nouvelle administration et sur une éventuelle levée des sanctions, a confirmé un responsable saoudien. Ceci dit, il est à préciser que l’envoyé spécial de l’ONU relève des signes d’apaisement dans certaines régions, permettant une reprise des opérations humanitaires, mais des incidents violents continuent de secouer le pays, notamment dans les zones côtières et les villes de Homs et Hama.

Des témoignages font état de traitements dégradants et d’abus commis lors des «opérations de ratissage» visant à désarmer les groupes restant loyaux à l’ancien régime. Bien que les autorités provisoires aient pris des mesures disciplinaires contre certains responsables de ces exactions, l’ONU craint que ces tensions ne rallument le feu d’un nouveau cycle de violences.

Aussi, la réunion de Riyad marque-t-elle un rendez-vous important pour définir les contours de la Syrie post-Al Assad. Cependant, les divisions entre les acteurs internationaux sur les priorités et les approches à adopter compliquent la tâche. Tandis que la Turquie et l’Allemagne affichent un soutien prudent au processus de transition, d’autres, comme les Etats-Unis, restent sur leurs gardes, exigeant des garanties sur la conduite de la transition.

En toile de fond, la méfiance envers  HTS, organisation longtemps classée comme terroriste, complique davantage les discussions. Les promesses d’Al Charaa de rédiger une nouvelle Constitution et d’organiser des élections générales d’ici trois à quatre ans peinent à dissiper les doutes. L’Arabie saoudite observe également une position prudente des nouvelles autorités syriennes, contrairement à des pays tels que la Turquie et le Qatar qui ont été les premiers à rouvrir leurs ambassades à Damas, souligne Umer Karim, chercheur sur la Syrie à l’Université de Birmingham.
 

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