Plus de 18 608 crimes plus loin…

14/12/2023 mis à jour: 08:53
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Joe Biden fait le grand écart, il se résout vraisemblablement à lâcher Benyamin Netanyahu. Le président américain, en précampagne pour un deuxième mandat à la Maison-Blanche, a choisi le moment d’une rencontre avant-hier avec une assemblée de donateurs, à majorité juive, pour marquer ses distances avec le Premier ministre israélien et son gouvernement, sa façon de mener la guerre à Ghaza et ses projections pour le «Day After» (le jour d’après). 

Le prestigieux New York Times statue que le propos présidentiel développé à l’occasion marque un vrai tournant dans la gestion américaine du conflit, voire décide plus globalement de ses suites à court terme. 
D’abord cette confirmation qu’il y a bien eu des «bombardements aveugles» sur les populations de l’enclave palestinienne. 

Les mots claquent plus fort venant du tuteur existentiel de Tel-Aviv, son bailleur le plus obligé dans l’effort de guerre, son «dôme de fer» autant militaire que diplomatique. «Bombardements aveugles», une notion qui, prise au mot, renferme bien l’accusation de crime de guerre. Ainsi donc, Joe Biden, qui s’affichait la veille en «sioniste» convaincu, avoue avoir du mal avec le gouvernement israélien, «le plus conservateur», dit-il, de l’histoire de l’Etat hébreu. 

Citant nommément les chefs de file de la droite suprémaciste au sein du même gouvernement, il affirme qu’ils «ne veulent rien qui s'approche de près ou de loin d'une solution à deux Etats. Ils veulent non seulement se venger de ce que le Hamas a fait, mais aussi de tous les Palestiniens. Ils ne veulent pas d'une solution à deux Etats». 

Sur la lancée, comme il n’aurait même pas pu le faire s’agissant de l’un des 50 Etats qui composent les States, le président américain décrète que le gouvernement devait être changé et que les efforts désormais doivent se concentrer sur l’unification des forces politiques autour de l’objectif de deux Etats en Palestine. Un appel on ne peut plus explicite en direction de l’opposition israélienne à se préparer à prendre le relais du cabinet Netanyahu. 

Le propos intervient quelques heures après que Benyamin Netanyahu ait réaffirmé son intention de garder la Bande de Ghaza sous contrôle militaire, contrairement aux recommandations américaines, accompagnant les déclarations d’une menace directe, et gratuite, à l’Autorité palestinienne et d’une condamnation des accords d’Oslo ; ceux-là mêmes qui, signés il y a 30 ans sous le parrainage de la Maison-Blanche, prévoyaient la solution à deux Etats. 

Dans la soirée, l’Assemblée générale de l’ONU a tenu une deuxième session d’urgence sur le conflit, après celle du 27 octobre dernier, qui a confirmé l’isolement diplomatique de plus en plus pesant des Etats-Unis dans leur acharnement à faire obstacle à un cessez-le-feu. Le vote négatif américain n’a été partagé que par un ensemble hétéroclite et très peu influent de 8 pays, contre une écrasante majorité de 153 voix favorables. Le premier cercle des alliés quant à lui n’a pas pu faire plus que l’abstention, à l’image du Royaume-Uni et de l’Allemagne. 

Confronté par ailleurs à des remous sociaux et politiques grandissants en interne, et à une érosion dans les sondages du potentiel électoral de son parti, Joe Biden est ainsi mis en demeure d’acter un réel changement de cap sur le registre du soutien à l’Etat hébreu. Les inquiétudes que fait remonter le Pentagone quant aux risques d’une extension du conflit, avec notamment cette étonnante audace houthie sur la voie maritime stratégique de la mer Rouge, représentent l’autre avertissement que la Maison-Blanche ne peut se permettre d’ignorer. 
 

Il est clair, cependant, que le sacrifice inouï des Palestiniens de Ghaza et la témérité épique de la Résistance depuis plus de deux mois sont les éléments décisifs qui imposent au monde aujourd’hui de revoir de fond en comble les termes de l’équation au Moyen-Orient sous peine de bouleversements géopolitiques imprévisibles et de menaces sérieuses sur la paix mondiale. 

Plus de 18 500 civils tués à Ghaza plus loin, la Maison-Blanche et ses alliés occidentaux se rendent compte que Tel-Aviv les conduit au désastre, en attendant de les voir œuvrer concrètement à l’arrêt des massacres. Mais rien ne pourra les dédouaner de la responsabilité des crimes commis. 
 

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