Plus de 100 morts après 7 jours de trêve humanitaire : Israël reprend ses crimes à Ghaza

02/12/2023 mis à jour: 08:08
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Photo : D. R.

Après sept jours de trêve humanitaire, que la communauté internationale voulait voir prolongée, l’armée israélienne a violemment relancé les hostilités sur la population de la Bande de Ghaza, faisant plusieurs dizaines de victimes.

Reprise hier matin de la tuerie à grande échelle à Ghaza. Très tôt, l’aviation israélienne, comme pour rattraper plusieurs jours de cessation des hostilités dans le cadre de trêve humanitaire, a lancé des raids intensifs et étendus sur plusieurs points de l’enclave palestinienne. Bien avant la mi-journée, le bilan des victimes a vite fait d’égaler celui connu durant les journées les plus noires de la première phase de cette guerre indiscriminée.

Plus de 60 personnes, dont de nombreux enfants, ont été tuées lors des frappes, alors que les blessés se sont comptés par centaines. Ce bilan n’a pas cessé de monter tout au long de la journée, dépassant les 100 morts en après-midi. Il risque de s’aggraver au fil des heures, puisque Tel-Aviv a annoncé «une intensification et une extension des bombardements».

Les hôpitaux sinistrés de la région, du moins ceux pouvant encore offrir un semblant de service, ont précipitamment renoué avec le chaos et la détresse de ne pouvoir faire face à l’explosion de la demande de soins d’urgence. L’infrastructure sanitaire a été, durant les 50 jours de guerre, une cible prioritaire pour l’armée israélienne.

Un choix tactique qui s’est confirmé durant les 7 jours qu’aura totalisé la trêve, puisque des restrictions ont empêché les hôpitaux de bénéficier des aides acheminées à partir du Sud, alors que certains, à l’image du complexe médical d’Al Shifa et le Rantissi, ont vu leurs installations dynamitées. Ce qui reste de ces structures vitales a été submergé hier par des milliers de personnes tirées brutalement de leur sommeil, racontent des journalistes sur place.

De nombreux Ghazaouis ont fait, ces derniers jours, un voyage retour de ce Sud où ils ont fuit pour retrouver les décombres de leurs maisons, avec peut-être bien l’espoir de voir la parenthèse sinistre de la guerre se refermer. Tel-Aviv veut les voir repartir, probablement au-delà des frontières.

C’est ce à quoi rime, pour le Hamas ainsi que pour l’Autorité palestinienne, cette reprise violente des pilonnages aveugles sur la Bande de Ghaza. Dans une déclaration diffusée hier, les dirigeants du mouvement de résistance font porter la responsabilité de la rupture des négociations à Tel-Aviv, qui aurait rejeté toutes les propositions de libération de prisonniers et de livraison des corps des Israéliens au profit de leurs familles.

«Ceci dénote de la décision préalablement retenue de poursuivre la guerre», note encore la déclaration. Celle-ci fait, par ailleurs, porter la responsabilité de ce retour à la case départ à l’administration américaine, affirmant que le dernier voyage d’Anthony Blinken à l’Etat hébreu a surtout servi à donner «le feu vert» à la reprise des hostilités.

Anthony Blinken, diplomate et général

Le secrétaire d’Etat américain a passé la journée de jeudi à Tel-Aviv, rencontrant successivement le Président puis le chef du gouvernement Netanyahu. Un petit crochet à Ramallah lui a permis d’intercaler une entrevue avec Mahmoud Abbas, président de l’étrangement effacée Autorité palestinienne. Officiellement, cette quatrième visite du diplomate en Israël en moins de deux mois devait surtout s’axer sur la nécessité de favoriser des prolongations de la trêve humanitaire et l’augmentation des volumes d’aides acheminées dans l’enclave palestinienne.

A la fin de sa visite pourtant, Anthony Blinken a surtout traité de plan de guerre et de ces «zones sûres» que doit garantir l’armée israélienne pour les civils palestiniens en cas de reprise des hostilités. «Des plans de protection humanitaire des civils doivent être mis en place afin de minimiser les morts de Palestiniens innocents», a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse à la fin de la visite.

«Cela signifie prendre des mesures plus efficaces pour protéger la vie des civils, notamment en désignant clairement et précisément des zones et lieux dans le sud et le centre de Ghaza où ils peuvent être en sécurité et à l’abri de la ligne de feu», a-t-il détaillé. Un propos qui laisse bien entendre que le contenu des discussions a surtout porté sur la reprise des hostilités, que le représentant de la Maison-Blanche soit celui qui donne le feu vert, ou qu’il soit juste le premier informé des intentions de Tel-Aviv.

Hier matin, l’armée israélienne a diffusé une carte alambiquée en direction des civils des sites à éviter à Ghaza, mais on a vu les résultats de telles «attentions» dans les premières heures de la journée : des frappes dans le tas et des dizaines de morts parmi la population désarmée.

Depuis au moins trois jours, l’option d’un retour à l’offensive était privilégiée par le cabinet de guerre israélien. Outre le discours insistant à chaque fois sur les objectifs de liquidation du Hamas et de l’extension des opérations au sud de la Bande de Ghaza, les négociateurs de l’Etat hébreu ont donné du fil à retordre aux médiateurs qataris et égyptiens, en avançant notamment des listes d’«otages» à libérer difficile à satisfaire, à ce stade du conflit, par le mouvement Hamas.

La dernière en date concernerait une dizaine de conscrites israéliennes, selon l’un des porte-parole du mouvement, alors que les négociations devaient encore porter sur les civils.

Les déroulés des libérations, durant les différentes phases de la trêve, ont par ailleurs tourné en la faveur des Brigades Al Qassam qui, dans l’ensemble, ont bien géré les opérations sur le plan de l’image, alors que les autorités israéliennes ont continué à avoir du mal à éviter que les vagues de libération des prisonniers palestiniens ne se transforment en catalyseurs de mobilisations en Cisjordanie. Enfin, la montée au créneau des ministres d’extrême droite semble avoir vaincu les dernières hésitations.

Feu vert aux «tueries d’enfants»

L’agité ministre de la Sécurité intérieure, Itamar Ben Gvir, a sauté sur l’occasion de la fusillade de jeudi dernier à El Qods-Ouest (trois Israéliens tués) pour déclarer la trêve rompue de fait et appeler le gouvernement à une «reprise massive et immédiate» des hostilités contre Ghaza.

Dans le même élan, le porte-parole du gouvernement Netanyahu, Eylon Levy, n’a pas pu cacher sa satisfaction morbide de voir repartir la machine de guerre, en déclarant hier matin que «le Hamas va recevoir la pire des raclées maintenant». L’Egypte et le Qatar ont fait part hier de leur regret de voir les négociations de la veille échouer sur l’objectif de renouveler la trêve humanitaire.

Les deux médiateurs affirment néanmoins que les tractations vont se poursuivre, même si «les bombardements en cours compliquent les efforts de médiation et exacerbent la catastrophe humanitaire», souligne le ministère des Affaires étrangères de Doha.  Le chef de l’ONU, Antonio Guterres, a dit regretter pour sa part que les armes reprennent du service après plusieurs jours d’espoir d’apaisement.

Les chefs d’agence et fonds onusiens sont plus directs : Volker Türk, le haut commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, s’est dit «profondément inquiet» d’entendre des dirigeants politiques et militaires israéliens s’engager à «étendre et intensifier l’offensive militaire».

James Elder, porte-parole du Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef), estime que ceux qui ont pris la responsabilité de ne pas donner de suite à la trêve ont simplement pris la décision de «poursuivre la tuerie d’enfants».

A partir de Khan Younès, l’homme s’est adressé hier matin par visioconférence aux journalistes pour apporter son témoignage. «Le bruit des obus explosant peu après 7h du matin, heure de Ghaza, était clairement audible à l’hôpital Nasser, dans le Sud, où des enfants terrifiés et traumatisés ont immédiatement réagi en s’accrochant à leurs mères, effrayés (…).

Alors que nous approchions de l’hôpital Nasser, il y a eu une frappe, un missile, une roquette, quelque chose... Les enfants portant les blessures de la guerre sont partout, toujours dans les couloirs. Des centaines de femmes et d’enfants se réfugient ici. Vous sortez de l’unité de soins intensifs et il y a des familles de cinq personnes sur un matelas pour deux», relate-t-il, repris par le site des Nations unies.

Scènes d’horreur dans les hôpitaux

Les responsables de l’OMS à Ghaza se sont dits «extrêmement préoccupés par la reprise de la violence» hier. Richard Peeperkorn, représentant de l’Organisation dans les Territoires palestiniens, s’est adressé aux journalistes à Genève, par liaison vidéo depuis l’enclave palestinienne, rapporte l’AFP. «La Bande de Ghaza ne peut pas se permettre de perdre davantage d’hôpitaux», a-t-il déclaré, rappelant que le réseau des hôpitaux et cliniques a été déjà mis à mal durant les 50 jours de bombardement, depuis la nuit du 7 octobre dernier.

«A l’heure actuelle, seuls 18 des 36 hôpitaux fonctionnent, ne serait-ce que partiellement, et les trois principaux hôpitaux du Nord sont à peine opérationnels», déplore encore M. Peeperkorn. Dans le sud de la Bande de Ghaza, où se sont réfugiés des centaines de milliers de Ghazaouis du Nord, 12 hôpitaux sont partiellement fonctionnels mais «extrêmement débordés», a-t-il encore souligné.

Les soignants se retrouvent ainsi confrontés à des équations insolubles, après que les capacités d’accueil hospitalière aient chuté de 3500 à 1562 lits, alors que les besoins ont explosé dans le contexte, pour atteindre les 5000 lits nécessaires. Les structures disponibles manquent par ailleurs de matériel, de carburant, de nourriture et d’eau.

Rob Holden, également responsable au sein de l’OMS, chargé des situations d’urgence, a récemment visité l’hôpital Al Ahli. «On se croirait dans un film d’horreur», a-t-il décrit. «Le sol est inondé de sang et couvert de patients qui attendent de recevoir des soins vitaux», «avec les pires lésions imaginables». Avec la reprise des hostilités, les soignants vont être confrontés aux scènes les plus horribles qui soit, craint M. Holden. «Avec l’afflux de dizaines, voire de centaines de victimes», en «sachant qu’ils feront tout ce qu’ils peuvent, mais que cela ne suffira pas». M. S. et Agence

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