Macron au pied du mur

05/03/2025 mis à jour: 03:34
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Dans la crise actuelle algéro-française, on peut penser, à tort, à un partage des rôles entre Emmanuel Macron et son ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, le premier apparaissant comme «au-dessus de la mêlée», le second chargé d’acculer l’Algérie sur le dossier de l’émigration.

C’est oublier que c’est le président de la République qui est à l’origine de la crise entre les deux pays avec sa décision de reconnaître le fait accompli colonial marocain au Sahara occidental, en contradiction avec la politique traditionnelle «d’équilibre»  des anciens présidents français et en opposition au droit international, qui, depuis des décennies, considère la question sahraouie comme relevant d’un processus de décolonisation.

Emmanuel Macron savait pourtant que sa volte-face allait immédiatement susciter l’indignation des autorités algériennes et déclencher une crise grave entre les deux pays. Il ne pouvait aussi ignorer que l’extrême droite et une partie de la droite de son pays allaient rebondir sur les réactions d’Alger pour tenter de nouveau de régler des comptes historiques avec un pays dont ils n’ont jamais digéré l’indépendance.

Très vite d’ailleurs, cette mouvance a investi les champs politique et médiatique français pour tenter de décrédibiliser le combat libérateur des Algériens et, dans la foulée, amoindrir les crimes de la politique coloniale française à l’encontre des populations algériennes.

Le chroniqueur télé Jean-Michel Apathie a été lynché pour avoir évoqué une similitude entre les crimes nazis et ceux de la colonisation française. Il ne faisait pourtant que relever ce qu’ont décrit les historiens et même d’anciens militaires français.

A la tête de la croisade, le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, qui, usant de ses prérogatives, a lancé une série de mesures coercitives, menaçant de «ripostes graduelles, chauffant à blanc l’opinion publique française, conditionnée depuis de longs mois par l’idée que l’émigration, particulièrement algérienne, est une menace à l’ordre public français».

Après un long silence, Emmanuel Macron a, dans une déclaration faite à partir de l’étranger, donné l’impression qu’il cherchait à stopper l’escalade guerrière de son ministre de l’Intérieur, mais celui-ci a persisté dans son attitude, empêchant des citoyens algériens d’entrer en France et dressant une liste de personnalités à expulser de son pays, tout en continuant d’instrumentaliser le dossier de l’écrivain Boualem Sansal détenu à Alger et en attente de jugement. Le président Macron n’a pas mis le holà à cela et ordonné à son ministre de ne pas aller trop loin. 

Mieux encore, il s’est abstenu, jusque-là, de présenter un plan de sortie de crise dans lequel figurerait la principale revendication algérienne qui est le retour de Paris à sa politique traditionnelle «d’équilibre» sur la question du Sahara occidental et dans lequel seraient bien entendu inscrites les questions de la mémoire, de l’émigration algérienne en France et d’une manière générale de la circulation des personnes.

Il apparaît bien qu’Emmanuel Macron est uniquement préoccupé par la soudaine montée en puissance de la droite et de l’extrême droite au sein de l’opinion publique française, à la faveur de la crise avec l’Algérie.

Il ne lui a pas échappé qu’ont été exploités tous les fantasmes vis-à-vis d’un pays présenté comme toujours hostile à la France. A la manœuvre, les têtes de file que sont Marine Le Pen, Bardella, Ciotti et autres ténors de l’extrême droite, de la droite, voire du camp socialiste éclaté.

Et ce qui semble préoccuper le plus le président français, c’est qu’un membre influent de son gouvernement, Bruno Retailleau, soit à la pointe de cette offensive dans la perspective de se voir élire à la tête du Parti républicain.

Emmanuel Macron a mis en garde contre les jeux politiciens, «mais il ne semble pas avoir compris qu’il a servi de marchepied aux ambitions de son ministre de l’Intérieur en le nommant au poste le plus sensible du gouvernement, qu’il lui a offert la crise avec l’Algérie sur un plateau à la suite du revirement sur la question sahraouie et enfin qu’il l’a laissé faire depuis le début de ses provocations anti-algériennes.

Que fera-t-il dans les prochains jours pour arrêter cette dangereuse escalade avec l’Algérie, stopper le jeu politique interne de Bruno Retailleau et, dans la foulée, la montée en puissance de la droite et de l’extrême droite ?

Ira-t-il jusqu’à gommer son ministre de l’Intérieur ? Pourra-t-il faire son autocritique sur le dossier du Sahara occidental et, enfin, reprendre langue avec les dirigeants algériens pour une refonte totale de la coopération entre les deux pays, dans toutes ses dimensions ? Emmanuel Macron est au pied du mur.
 

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