L’impossible cessez-le-feu à Ghaza : Dénonciation du veto américain au G20

24/02/2024 mis à jour: 05:16
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Les Etats-Unis ont été les seuls à voter mardi contre une résolution qui a appelé à un cessez-le-feu immédiat à Ghaza - Photo : D. R.

«Les Etats-Unis isolés au G20 alors que la crise à Ghaza s’aggrave», titrait ce jeudi le Washington Post. Et d’expliquer : «L’opposition américaine à un cessez-le-feu immédiat à Ghaza a fait l’objet de critiques répétées lors d’une réunion de deux jours des chefs de la diplomatie des 20 plus grandes économies mondiales, dernier signe de l’isolement de Washington sur cette question.»

Alors que les boucheries israéliennes se poursuivent avec une férocité inouïe dans la Bande de Ghaza et que le spectre d’un carnage de grande ampleur menace Rafah, ultime refuge pour plus de 1,5 million de déplacés, le dernier veto américain opposé au projet de résolution proposé par l’Algérie en faveur d’un cessez-le-feu à Ghaza passe très, très mal.

C’est la troisième fois que les Etats-Unis usent de leur veto, synonyme de blanc-seing accordé à l’armée israélienne pour continuer ses massacres en toute impunité. Et cette position inflexible de la part de Washington lui vaut désormais un isolement sur le plan international. Cela s’est vérifié à la dernière réunion des ministres des Affaires étrangères du G20, qui vient de se tenir à Rio de Janeiro, au Brésil.

Le Washington Post titrait jeudi : «Les Etats-Unis isolés au G20 alors que la crise à Ghaza s’aggrave». «L’opposition américaine à un cessez-le-feu immédiat à Ghaza a fait l’objet de critiques répétées lors d’une réunion de deux jours des chefs de la diplomatie des 20 plus grandes économies mondiales, dernier signe de l’isolement de Washington sur cette question», écrit le quotidien influent américain.

Et d’expliquer : «Le ministre brésilien des Affaires étrangères, Mauro Vieira, hôte de la réunion du Groupe des 20 de cette année, a commencé en dénonçant la ‘‘paralysie’’ du Conseil de sécurité des Nations unies.» De fait, Mauro Vieira a regretté, dans son discours d’ouverture, l’incapacité du Conseil de sécurité à réagir face aux grands conflits du moment.

«Les institutions multilatérales ne sont pas suffisamment équipées pour faire face aux défis actuels, comme l’a démontré l’inacceptable paralysie du Conseil de sécurité au sujet des conflits en cours. Cette inaction implique directement la perte de vies humaines», a déploré le chef de la diplomatie brésilienne, selon des propos cités par l’AFP.

«Washington isolé»

Pour revenir à la position américaine, le New York Times note après le dernier vote du Conseil de sécurité de l’ONU : «Les Etats-Unis ont été les seuls à voter mardi contre une résolution qui a appelé à un cessez-le-feu immédiat dans la Bande de Ghaza, affirmant qu’ils craignaient que cela puisse perturber les négociations sur la prise d’otages.»

Le quotidien américain a précisé dans la foulée que «13 membres du Conseil de sécurité ont voté en faveur de la résolution rédigée par l’Algérie, tandis que la Grande-Bretagne s’est abstenue». «C’était la troisième fois que Washington utilisait son veto pour bloquer une résolution exigeant l’arrêt des combats à Ghaza, soulignant l’isolement de l’Amérique dans son soutien continu et énergique à Israël», fait remarquer l’auteur du papier.

Le New York Times a cité la réaction du représentant permanent de l’Algérie auprès des Nations unies, l’ambassadeur Amar Bendjama, qui, regrettant le veto américain, a estimé que cette position «implique une approbation de la violence brutale et de la punition collective infligées aux Palestiniens».

Le même journal relève que «les agences d’aide humanitaire ont été cinglantes dans leurs critiques à l’égard de la position américaine». Il relaie notamment les propos d’Avril Benoit, directrice exécutive de Médecins sans frontières aux Etats-Unis. «Les Etats-Unis au Conseil de sécurité de l’ONU sabotent effectivement tous les efforts visant à apporter de l’aide», a dénoncé Avril Benoit lors d’une rencontre d’ONG humanitaires.

Le secrétaire général de Médecins sans frontières, Christopher Lockyear, a formulé à son tour des critiques virulentes contre les Etats-Unis, qu’il tient pour responsables de l’immobilisme du Conseil de sécurité de l’ONU.

«Nous sommes consternés par le fait que les Etats-Unis sont prêts à utiliser leur pouvoir de membre permanent du Conseil pour entraver les efforts visant à adopter une résolution évidente demandant un cessez-le-feu immédiat et durable», a-t-il déclaré dans le cadre de la réunion mensuelle du Conseil de sécurité sur Ghaza, indique un communiqué de MSF.

«Les conséquences du non-respect du droit international humanitaire se répercuteront bien au-delà de Ghaza. Elles pèseront durablement sur notre conscience collective. Il ne s’agit pas seulement d’inaction politique, mais de complicité politique», martèle Christopher Lockyear.

Soutien à la solution à deux états

Dans ce même communiqué diffusé jeudi, MSF rapporte ce nouveau drame : «Le 20 février, le jour même où les Etats-Unis ont mis leur veto à une résolution de cessez-le-feu du Conseil de sécurité des Nations unies, la femme et la belle-fille d’un membre du personnel de MSF ont été tuées et six autres personnes ont été blessées par le tir d’un char israélien sur un abri, dont la localisation avait clairement été partagée aux forces israéliennes, à Khan Younès.»

Et d’ajouter : «La semaine dernière, les forces israéliennes ont évacué et pris d’assaut l’hôpital Nasser, qui est la plus grande structure médicale du sud de la Bande de Ghaza. Celles et ceux qui en ont été expulsé(e)s n’ont nulle part où aller. Ils et elles ne peuvent pas retourner dans la partie nord de la Bande, largement détruite, et ne sont pas en sécurité à Rafah, dans le sud, où les forces israéliennes ont mené des frappes aériennes et annoncé leur intention de lancer une vaste offensive terrestre.»

Pour revenir à ce conclave du G20, les diplomates réunis à Rio ont estimé, d’après le Washington Post, que «les Etats-Unis ont fourni une couverture politique à Israël et des milliards de dollars de bombes et d’équipement militaire». Il est ressorti en outre de cette réunion un soutien presque unanime à une solution à deux Etats.

Le chef de la diplomatie brésilienne a insisté, en effet, dans un point de presse à la clôture des travaux, sur «l’unanimité virtuelle en soutien de la solution à deux Etats comme la seule possible pour le conflit entre Israël et la Palestine». «Nous plaidons pour qu’on parvienne au plus vite à un accord qui assure la libération des otages et qui aboutisse à un cessez-le-feu humanitaire prolongé», a déclaré de son côté le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken, rapporte l’AFP en citant le texte de son intervention durant la séance plénière de mercredi.

60 morts à Deir El Balah

Nous le disions : sur le terrain, la machine de guerre israélienne continue à semer sauvagement la mort à Ghaza. Plus de 100 Palestiniens ont ainsi été tués en 24 heures, entre jeudi soir et hier matin, dans des frappes meurtrières en différents points du territoire dévasté. Avec ce nouveau cortège de martyrs, le bilan au 140e jour de la guerre contre Ghaza s’élève désormais à 29 514 morts et 69 616 blessés.

Selon l’agence Wafa, l’armée sioniste a perpétré une dizaine de massacres en 24 heures dans divers secteurs de l’enclave, entre jeudi soir et hier à l’aube, faisant 104 morts et 160 blessés, sachant qu’un nombre indéterminé de victimes se trouve sous les décombres.

D’après le site aljazeeramubasher.net, des bombardements massifs ont ciblé les camps de Deir El Balah et de Nusseirat dans la nuit de jeudi à hier, faisant au moins 60 morts. La même source précise que «neuf martyrs et plusieurs blessés ont été évacués à l’Hôpital européen de Ghaza après un raid contre une école abritant des déplacés à Asqalane, à l’est de Khan Younès». A Khan Younès toujours, les forces d’occupation ont de nouveau donné l’assaut sur l’hôpital Nasser jeudi soir après l’avoir évacué dans un premier temps, indique Wafa.

A Rafah, six personnes ont trouvé la mort et plusieurs autres ont été blessées à l’aube hier dans un raid aérien sur une maison à l’est de la ville frontalière avec l’Egypte. L’agence d’information palestinienne explique que ce raid a été mené exactement au lieudit Zelata, réduisant la maison prise pour cible en ruines. Les victimes ont été transférées vers l’hôpital Abu Youssef Al Najjar de Rafah.

L’aviation israélienne a bombardé également le camp de Yebneh au centre de Rafah, faisant de nombreux blessés. La marine de guerre israélienne a pilonné, de son côté, le littoral de Rafah, tandis que des unités d’artillerie ont ciblé divers secteurs de la ville de Khan Younès.

L’agence Wafa nous apprend, par ailleurs, qu’au moins quatre civils ont été tués et des dizaines d’autres blessés par des tirs de soldats israéliens ayant ciblé un groupe de déplacés sur le littoral de Ghaza. Les victimes ont été évacuées vers l’hôpital Al Shifa, tandis que de nombreux blessés étaient abandonnés sur les routes du fait des frappes incessantes des forces de l’occupant empêchant leur évacuation.

«Un grand nombre de déplacés empruntaient les routes proches du littoral, fuyant la faim et la soif qui sévissent au nord de la Bande de Ghaza en direction du centre et du sud, lorsque l’occupant a ouvert le feu sur eux», souligne Wafa.

UNRWA : «Le point de rupture»

A ces pertes quotidiennes, s’ajoutent la dégradation vertigineuse des conditions de vie à Ghaza et la catastrophe humanitaire et sanitaire qui s’accroît du fait de la famine et de l’absence de soins dans l’enclave palestinienne. Selon le ministère de la Santé à Ghaza, 350 000 personnes atteintes de maladies chroniques, 60 000 femmes enceintes et 700 000 enfants sont confrontés à de graves complications du fait de la malnutrition et de l’absence de prise en charge médicale.

L’Unrwa a annoncé jeudi qu’elle a atteint un «point de rupture», selon le mot de son directeur, Philippe Lazzarini. Dans une lettre adressée au président de l’Assemblée générale de l’ONU, le commissaire général de l’agence onusienne pour les réfugiés palestiniens alerte : «C’est avec un profond regret que je dois aujourd’hui vous informer que l’Agence a atteint un point de rupture, avec les appels répétés d’Israël à son démantèlement et le gel des financements de donateurs face à des besoins humanitaires à Ghaza sans précédent.»

«La capacité de l’Agence à remplir son mandat donné par la résolution 302 de l’Assemblée générale est désormais gravement menacée», poursuit le chef de l’Unrwa. 16 pays ont suspendu leur financement à l’Unrwa pour un total de 450 millions de dollars, assure Philippe Lazzarini. «Je crains que nous soyons au bord d’une catastrophe monumentale avec de graves implications pour la paix, la sécurité et les droits humains dans la région», prédit le courageux responsable onusien.

Environ 2,2 millions de personnes sont menacées de famine, soit plus de 90% de la population ghazaouie, avertit l’ONU. La situation est particulièrement préoccupante au nord de la Bande de Ghaza où l’armée israélienne avait longtemps concentré ses opérations.

Mercredi dernier, l’Unrwa a prévenu que l’insécurité alimentaire dans la région a atteint un «niveau extrêmement critique», accusant l’entité sioniste d’avoir refusé l’accès à 51% des missions prévues par l’Unrwa et d’autres institutions humanitaires pour livrer de l’aide à la population civile.

Alors que 500 camions d’aide humanitaire sont censés être acheminés quotidiennement vers Ghaza, les convois rencontrent de grandes difficultés aux postes-frontières de Kerem Shalom et Rafah. 400 000 personnes se trouvent dès lors exposées à une famine meurtrière au nord de Ghaza, met en garde l’Unrwa.

Cette situation est aggravée par la décision prise par le Programme aliwmentaire mondial de suspendre ses livraisons d’aide humanitaire dans le Nord. Mardi, le PAM avait fait savoir qu’il «met en pause la livraison d’une aide alimentaire vitale au nord de Ghaza jusqu’à ce que les conditions de sécurité soient réunies pour notre personnel et les personnes que nous tentons d’atteindre».

 

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