Les propos inqualifiables de Macron : La crise entre l’Algérie et la France s’aggrave

07/01/2025 mis à jour: 12:40
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Photo : D. R.

Peu de jours après le discours du président Tebboune devant les deux Chambres du Parlement, la réplique 
de Macron va incontestablement bien au-delà d’une affaire qui se trouve, présentement, entre les mains des juges algériens.

La coupe est assurément pleine. Le président français, Emmanuel Macron, semble patiner au risque de perdre tout son équilibre. Encore une fois. Intervenant, hier, devant les ambassadeurs français réunis au palais de l’Elysée, Macron a estimé que l’écrivain algéro-français Boualem Sansal, poursuivi par la justice algérienne et placé en examen à Alger depuis novembre dernier, est «détenu de manière totalement arbitraire par les responsables algériens».

Pour lui, à travers une démarche formellement judiciaire, l’Algérie se «déshonore» en ne libérant pas Sansal. Rien que ça. «L’Algérie que nous aimons tant et avec laquelle nous partageons tant d’enfants et tant d’histoires entre dans une histoire qui la déshonore, à empêcher un homme gravement malade de se soigner. Ce n’est pas à la hauteur de ce qu’elle est», dit-il, rapporte Le Monde, citant l’agence officielle AFP.

«Et nous qui aimons le peuple algérien et son histoire, nous demandons instamment à son gouvernement de libérer Boualem Sansal», réclame-t-il sans aucune retenue, Qualifiant Sansal de «combattant de la liberté», Macron croit savoir qu’il est «détenu de manière totalement arbitraire». Bon point : il sait où il se trouve. 
Peu de jours après le discours du président Tebboune devant les deux Chambres du Parlement, la réplique de Macron va incontestablement bien au-delà d’une affaire qui se trouve, présentement, entre les mains des juges algériens.

En l’espèce, il outrepasse, nettement, les us et coutumes diplomatiques lorsqu’il évoque une question qui relève de la souveraineté nationale. Du droit algérien. Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a, faut-il encore le rappeler, évoqué, le 29 décembre 2024, l’arrestation de Sansal, sans le nommer. Il a qualifié l’auteur du Village de l’Allemand d’«imposteur» envoyé par la France qui vire de plus en plus à droite.

Une explication claire, sans détours, d’une affaire que les médias français mainstream, proches de l’extrême droite, n’ont toujours pas digérée. Sansal, faut-il le préciser, avait mis en cause la légitimité des frontières ouest de l’Algérie, suscitant une vive polémique, ici et ailleurs. Ses déclarations ont été perçues essentiellement comme une provocation, voire une instrumentalisation des enjeux historiques à des fins politiques. 

«Il y a deux faits historiques qu’il a oubliés. Le premier, c’est que dans l’Ouest algérien, c’est l’Emir Abdelkader qui a levé l’étendard contre la France coloniale. C’est le héros national en Algérie. L’Emir Abdelkader, fils de Mahieddine, est de Mascara. Et donc dire que c’est rien, c’est quand même extraordinaire», avait décrypté sur le plateau d’une chaîne française l’historien Benjamin Stora.

Et d’ajouter : «Celui qui a inventé le Mouvement national algérien s’appelle Messali Hadj. Il est né à Tlemcen. Tlemcen, c’est à la frontière avec le Maroc, et c’est lui qui va porter l’idée nationale algérienne pour l’indépendance. Et on nous dit que ce n’est pas important, c’est un petit bout d’histoire qui ne représente rien.» «Imaginez ce que ça représente pour les Algériens, ce n’est pas possible. Ce sont des choses historiques qui blessent le sentiment national», a déclaré Stora, étonné par les propos de Sansal. Celui-ci n’a pas tenu de tels propos fortuitement. Il est clair qu’il était dans la provocation.
«Sansal réhabilite le récit colonial»
L’intervention de Benjamin Stora illustre l’importance de la rigueur historique dans des débats aussi sensibles que ceux des frontières. L’ancien ministre et diplomate Abdelaziz Rahabi avait, de son côté, exprimé une position tranchée par rapport aux propos de Sansal. Il avait, notamment, déclaré que «Sansal réhabilite le récit colonial et ses contrevérités historiques et ne mesure pas à quel point il est irrespectueux du sentiment national». «Il sait aussi que son arrestation le servira et desservira l’image de l’Algérie à l’étranger», avait-il souligné.

Face au «déchaînement» de l’extrême droite, l’historien Benjamin Stora et l’ancien diplomate Abdelaziz Rahabi ont réagi fermement, appelant à la vigilance et à une lecture responsable de l’histoire, car dans un contexte régional et international marqué par des tensions, les propos de l’écrivain Sansal touchent une corde sensible : celle de la souveraineté et de l’intégrité territoriale.

Selon Le Monde, le «voltaire des Arabes», alors qu’il est fils de Rifain (nord du Maroc), installé au siècle dernier à Tissemsilt (ex-Vialar), à l’ouest du pays, est poursuivi en vertu de l’article 87 bis du code pénal qui sanctionne «comme acte terroriste ou subversif, tout acte visant la sûreté de l’Etat, l’intégrité du territoire, la stabilité et le fonctionnement normal des institutions».

Dimanche, le chef de la diplomatie française, Jean-Noël Barrot, se devait de baliser le terrain à Macron. Il s’est déclaré, selon RTL, M6, Le Figaro et Public Sénat, «très préoccupé par le fait que la demande de libération adressée par Boualem Sansal et ses avocats a été rejetée». «Je suis préoccupé par son état de santé et (…) la France est très attachée à la liberté d’expression, la liberté d’opinion et considère que les raisons qui ont pu conduire les autorités algériennes à l’incarcérer ne sont pas valables», a-t-il relevé.

Il part, lui aussi, assez loin. Politiquement parlant. Barrot a, en effet, émis des «doutes» sur la volonté d’Alger de respecter la feuille de route des relations bilatérales franco-algériennes. «Nous tenons à ce que (la feuille de route) puisse être suivie, a-t-il déclaré. Mais nous observons des postures, des décisions de la part des autorités algériennes qui nous permettent de douter de l’intention des Algériens de se tenir à cette feuille de route. Parce que pour tenir la feuille de route, il faut être deux.» «Nous souhaitons entretenir les meilleures relations avec l’Algérie (…) mais ce n’est pas le cas aujourd’hui», a-t-il dit. Barrot semble avoir raison. La feuille est déchirée et la route s’achève sur une impasse. Sans issue à l’évidence. 

 

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