Dans l’entretien accordé à l’Opinion, le président Tebboune est revenu sur plusieurs sujets liés principalement aux relations algéro-françaises.
Dans un entretien accordé au quotidien français l’Opinion, paru hier sur son site, le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a abordé plusieurs sujets d’actualité : dossier mémorial, volet migratoire, Grande Mosquée de Paris, Sahara occidental, crise entre la France et l’Algérie, l’affaire Boualem Sansal… l’Opinion, qui a interviewé le président Tebboune, affirme, d’emblée, que l’interviewé a répondu longuement et souvent sans concession à ses questions.
Mais toujours en assurant «ne pas vouloir rompre le fil des relations avec la France», écrit-il. Il a indiqué que le président Tebboune n’a éludé aucune question et s’est montré offensif pour répondre à ce qu’il appelle «une campagne systématique de dénigrement» par la droite et l’extrême droite française qui réclament la suspension de l’octroi de visa et la dénonciation des Accords de 1968.
Selon l’Opinion, le président Tebboune déplore : «Le climat est délétère, nous perdons du temps avec le président Macron.» Il assure aussi que «Bruno Retailleau, le ministre de l’Intérieur français, a voulu faire un coup politique en forçant l’expulsion d’un influenceur algérien» et reproche à Paris de donner «la nationalité ou le droit d’asile» à des criminels algériens en col blanc et subversifs.
Dans l’entretien, le président Tebboune dénonce, par ailleurs, l’instrumentalisation faite des Accords de 1968 qualifiés «de coquille vide pour rallier les extrémistes comme du temps de Pierre Poujade». A propos de Boualem Sansal, M. Tebboune assure que ce dernier peut communiquer avec sa famille, fait l’objet de soins médicaux et sera jugé dans le temps judiciaire imparti, sans se prononcer sur une éventuelle grâce.
«C’est un problème pour ceux qui l’ont créé. Jusqu’à présent, il n’a pas livré tous ses secrets», a-t-il fait remarquer. Concernant la coopération entre les deux pays – sur le plan sécuritaire notamment –, elle pourrait reprendre, selon le président Tebboune. Il prévient cependant : «Il appartient à la France de traiter les cas de djihadistes qui se sont radicalisés sur le territoire français.»
Pour lui, la balle est désormais dans le jardin de l’Elysée «afin de ne pas tomber dans une séparation qui deviendrait irréparable». Au sujet des récentes déclarations de la cheffe de l’extrême droite, Marine Le Pen, le chef de l’Etat a estimé que les responsables du Rassemblement National (RN) ne connaissent que l’utilisation de la force. «Il y a encore dans l’ADN de ce parti des restes de l’OAS pour laquelle il fallait tout régler par la grenade et les attentats.
Et comparaison n’est pas raison : les relations entre les Etats-Unis et la Colombie n’ont rien à voir avec les nôtres. Les Américains n’ont pas colonisé l’Amérique latine. Et Donald Trump cherche à régler une question migratoire. Moi, je m’interroge sur la manière dont Madame Le Pen vas s’y prendre, si elle parvient au pouvoir. Veut-elle une nouvelle rafle du Vel d’Hiv et parquer tous les Algériens avant de les déporter ? L’Algérie est la troisième économie et la deuxième puissance militaire africaine. Nous sommes conciliants, nous allons doucement, nous sommes prêts à dialoguer, mais le recours à la force est un non-sens absolu», a-t-il souligné.
«Vous faites une grave erreur !»
A une question sur l’annonce de l’expulsion de 306 Algériens par l’administration Trump et s’il allait accepter cette expulsion, le président de la République répond : «Nous allons le faire parce que cette demande est légale. Le président américain n’a pas d’arrière-pensée liée à l’immigration algérienne aux Etats-Unis (…)» Concernant la demande de la députée Sarah Knafo de suspendre l’aide française au développement à l’Algérie, la réponse de Tebboune est limpide.
«Cela relève d’une profonde méconnaissance de l’Algérie, c' est de l’ordre de 20 à 30 millions par an. Le budget de l’Etat algérien est de 130 milliards de dollars et nous n’avons pas de dette extérieure. (…) Nous n’avons pas besoin de cet argent qui sert avant tout les intérêts d’influence extérieure de la France», a-t-il répliqué.
A la question de savoir si la dénonciation des Accords de 1968 est-ce un problème pour lui, M. Tebboune répond : «Pour moi, c’est une question de principe. Je ne peux pas marcher avec toutes les lubies. Pourquoi annuler ce texte qui a été révisé en 1985, 1994 et 2001 ? Ces accords étaient historiquement favorables à la France qui avait besoin de main-d’œuvre.
Depuis 1986, les Algériens ont besoin de visas, ce qui annule de fait la libre circulation des personnes telle qu’elle est prévue dans les Accords d’Evian. Ils sont donc soumis au règlement de l’espace Schengen. Certains politiciens prennent le prétexte de la remise en cause des accords pour s’attaquer à ces Accords d’Evian qui ont régi nos relations à la fin de la guerre.»
Pour Boualem Sansal, le président Tebboune estime qu’il «n’est pas un problème algérien». «(…) C’est une affaire scabreuse visant à mobiliser contre l’Algérie. Boualem Sansal est allé dîner chez Xavier Driencourt, l’ancien ambassadeur de France à Alger, juste avant son départ à Alger. Ce dernier est lui-même proche de Bruno Retailleau qu’il devait revoir à son retour.
D’autres cas de binationaux n’ont pas soulevé autant de solidarité. Et enfin, Sansal n’est français que depuis cinq mois (…) Boualem Sansal est d’abord algérien depuis soixante-quatorze ans. Il a eu un poste de direction au ministère de l’Industrie. C’est un retraité algérien», a-t-il expliqué. Et de poursuivre : «(…) ll a eu un check-up complet à l’hôpital, il est pris en charge par des médecins et sera jugé dans le temps judiciaire imparti. ll peut téléphoner régulièrement à sa femme et à sa fille.»
Autre dossier, celui de l’influence de l'Algérie à la Grande Mosquée de Paris. « Y a-t-il toujours des Financements algériens pour la GMP ?» interroge le journaliste de l’Opinion. Réponse : «L’Etat algérien n’a pas voulu laisser des associations douteuses faire de l’entrisme à la Grande Mosquée et a toujours pris en charge son entretien.»
A la question liée à la demande du ministre des Affaires étrangères français, Jean-Noël Barrot, de venir à Alger afin de «se reparler» rapidement face à l’étendue de toutes ces polémiques. «Je suis totalement d’accord avec vous. Encore faut-il que le président français, les intellectuels, les partisans de la relation puissent faire entendre leurs voix (…)
Pour moi, la République française, c’est d’abord son Président (…)», a ajouté M. Tebboune. Sur le dossier de la décontamination des sites d’essais nucléaires, il a affirmé que cela est obligatoire sur les plans humain, moral, politique et militaire.
Dans l’entretien à l’Opinion, le président Tebboune a également avancé que l’Algérie «serait prête à normaliser ses relations avec Israël le jour même où il y aura un Etat palestinien». Il a aussi ajouté : «Je n’ai pas l’intention de m’éterniser au pouvoir. Je respecterai la Constitution algérienne.» Sur le Sahara occidental, il a prévenu le président Macron en ces termes : «Vous faites une grave erreur.»