Le département de M. Saadaoui met en avant plusieurs mesures censées être bénéfiques, telles que la possibilité de demander une retraite anticipée avec une réduction de cinq années d’ancienneté, sous certaines conditions, une prime spécifique…
Les syndicats autonomes de l’éducation sont en ébullition depuis la publication des grandes lignes du nouveau statut particulier des enseignants. Ce texte, présenté au Conseil des ministres le 22 décembre 2024, devait répondre aux aspirations du corps enseignant en quête de reconnaissance et d’amélioration de ses conditions de travail. Il a visiblement déclenché une vague d’indignation, notamment sur les réseaux sociaux, et symbolisée par la montée au créneau des syndicats autonomes.
Ces derniers, à travers des communiqués et des assemblées générales, dénoncent un recul des acquis des enseignants. Le Conseil national autonome des directeurs des lycées (Cnadl) a ainsi décidé d’une série d’actions de protestation contre ce projet de statut particulier, dont le boycott des travaux de clôture de l’exercice financier 2024 ainsi que des réunions liées à la préparation du baccalauréat.
Promis par le président Abdelmadjid Tebboune lors de son discours d’orientation sur la réforme du système éducatif, l’objectif affiché était de revaloriser la profession d’enseignant et de répondre à leurs revendications. Cependant, les premières réactions des principaux syndicats, notamment le Conseil national autonome du personnel enseignant du secondaire et technique (Cnapeste), le Syndicat national autonome des professeurs de l’enseignement secondaire et technique (Snapest) et le Conseil des enseignants des lycées algériens (CELA), traduisent une profonde déception. Ces syndicats estiment que le nouveau texte marque un recul par rapport aux acquis obtenus en 2012.
Parmi leurs principales critiques figurent : l’absence de mécanismes de promotion automatique basés sur la formation continue ou la performance, une classification jugée rigide et inéquitable, fondée uniquement sur l’ancienneté ainsi que la conservation de grades hiérarchiques – tels que «principal» et «certifié» – qui, selon eux, divisent inutilement les enseignants sans bénéfice pédagogique clair. Dans les faits, il est reproché au nouveau texte de redéfinir la classification des enseignants, mais pas de la manière attendue. Ainsi, les directeurs d’établissement passent au grade 17, les censeurs au grade 16, mais les professeurs principaux restent au grade 14, sans évolution notable.
Apaiser les tensions
Cette stagnation est perçue comme un déclassement implicite par rapport aux responsabilités croissantes que ces enseignants assument au quotidien. Autre sujet d’agacement : le changement de dénomination des grades sans apporter une valeur ajoutée aucune. Là où existaient auparavant des «professeurs principaux» et des «professeurs formateurs», le nouveau statut introduit des «professeurs de section 1» et des «professeurs de section 2». Une transformation purement sémantique, dénoncée par les syndicats comme un écran de fumée sans réelle avancée.
Le cas des diplômés des Ecoles normales supérieures (ENS) suscite également une vive critique. Ces enseignants, spécialement formés pour répondre aux besoins spécifiques du système éducatif, se sentent marginalisés par les nouvelles dispositions. «Les sortants des Ens devraient être mieux valorisés, car ils constituent le cœur de l’excellence pédagogique dans notre pays», affirme Messaoud Boudiba, coordinateur national du Cnapeste.
Parmi les revendications des syndicats, telles qu’énoncées dans leurs communiqué, figure notamment une revalorisation des grades et des salaires, permettant une véritable équité dans le traitement des enseignants et prenant en compte les qualifications et l’expérience, l’intégration automatique dans des grades supérieurs, sans conditions restrictives, la reconnaissance des diplômes des ENS pour garantir une progression de carrière aux enseignants issus de ces institutions, la suppression des distinctions hiérarchiques inutiles, comme les grades «principal» et «certifié» ainsi qu’une publication transparente et officielle du texte intégral dans le Journal officiel avant sa promulgation.
Face à la contestation croissante, le ministère de l’Education a tenté d’apaiser les tensions par un communiqué publié à la veille de la reprise scolaire et de la préparation au deuxième trimestre. Celui-ci met en avant plusieurs mesures censées être bénéfiques, telles que la possibilité de demander une retraite anticipée avec une réduction de cinq années d’ancienneté, sous certaines conditions, une prime spécifique pour les enseignants ayant exercé dans des zones éloignées pendant au moins quatre ans, une révision des salaires basée sur les nouvelles classifications professionnelles.
Le ministère souligne ce qu’il nomme «l’amélioration des grades et des promotions» avec de nouvelles classifications professionnelles avec des salaires plus élevés. Le département de Mohamped Seghir Saadaoui affirme donner la priorité à la formation spécialisée, avec un intérêt à la formation continue des enseignants diplômés des écoles supérieures. Le communiqué souligne les «avantages pour les enseignants en zones éloignées.
Les enseignants ayant travaillé dans des zones éloignées ou difficiles durant au moins 4 ans bénéficieront de primes spécifiques et d’avantages financiers». Il met également en exergue les primes pour les enseignants proches de la retraite qui devraient bénéficier d’incitations financières et de droits supplémentaires. Le département de l’Education souligne, par ailleurs, que les salaires des enseignants seront recalculés et ajustés conformément au nouveau système de classification. Cela permettra, selon le communiqué, une équivalence entre le salaire actuel et les nouvelles grilles salariales approuvées.
Cependant, ces annonces sont visiblement loin de calmer la colère des syndicats, qui y voient des concessions marginales sans impact significatif sur leur quotidien. Les syndicats autonomes n’entendent pas en rester là. Le Cnapeste, qui a organisé une assemblée générale le 3 janvier, élabore – selon les termes utilisés – «une stratégie pour exprimer le refus des enseignants». Messaoud Boudiba est catégorique : «Ce texte, tel qu’il est, constitue une régression. Nous ne pouvons pas l’accepter.»