Le désir de vivre est plus fort que tout chez le peuple libanais. Que d’épreuves n’a-t-il passées depuis 1976, année du début de la guerre civile.
Les Libanais ont commencé par avoir des hostilités avec les Palestiniens, allant jusqu’à l’horreur avec les massacres dans les camps de réfugiés de Sabra et Chatila, menés par les Phalangistes libanais sous la protection de l’armée israélienne. Les hostilités n’ont pris fin qu’avec le retrait de Yasser Arafat et de ses hommes.
Depuis, les Libanais se sont affrontés avec une incroyable férocité et sans pitié. Le pays qu'on appelait la Suisse du Moyen-Orient est devenu un enfer pour son peuple. Le Liban est devenu un terrain d’affrontements entre puissances étrangères, qui utilisaient les milices locales pour détruire l’autre. Israël s’en donnait à cœur joie. Il armait et finançait des miliciens qui lui ont fait allégeance pour détruire leurs frères. Le général Ariel Sharon, qu’on appelait «le boucher de Beyrouth», n’a pu retenir sa jouissance en déclarant éprouver «un plaisir de voir les Arabes s'entre-tuer».
Les milices chrétiennes qu’il avait entraînées et formées faisaient un travail de nettoyage ethnique avec une incroyable cruauté. La Syrie de Hafez Al Assad, qui n’avait jamais reconnu l’indépendance du Liban, sous prétexte de défendre le peuple libanais, a envahi le pays pour s’y implanter définitivement, mais en évitant soigneusement de croiser le fer avec l’armée israélienne.
Son frère Rifaat, alors chef du corps expéditionnaire, devient le véritable maître du pays, au point de cultiver au vu et au su de tous du cannabis dans la plaine de la Bekaa, exploitant la cupidité de certains Libanais devenus ses agents, qui imposaient la terreur aux populations rurales et pratiquaient le racket des commerçants à Beyrouth et dans d’autres villes. Il a fallu le Sommet arabe de Taëf pour que le Liban retrouve un semblant de calme suite au retrait israélien imposé en 1982 par l’ONU. Mais Damas faisait toujours sa loi, encourageant les affrontements sunnites contre chrétiens, chiites contre sunnites, chrétiens contre chiites.
Les accords de Taëf ont ramené le calme mais n’ont pas abouti au retrait des troupes syriennes. Au contraire, celles-ci consolidaient leur présence. Les portraits géants de Hafez Al Assad et de son frère, devenu un véritable narcotrafiquant, doublé d’un occupant, étaient affichés à travers tout le territoire libanais. Quand les forces armées syriennes ont quitté le Liban, elles ont emporté tout ce qu’elles pouvaient, tel que par exemple les portes et fenêtres des immeubles qu’elles occupaient. A les voir, on comprend ce que veut dire barbarie.
A croire qu'Attila et ses hommes sont passés par là. Il est très difficile de parler des affrontements interlibanais sans rouvrir des blessures qui divisent profondément un peuple connu pour sa culture, sa tolérance, sa presse libre, qui a longtemps inspiré les journaux du monde arabe. Le Liban est parti en ruine. Signe de cette déliquescence, Rafik Hariri, le Premier ministre sunnite, qui s’est mis à reconstruire le Liban, mû par son expérience de grand entrepreneur des travaux publics en Arabie Saoudite, est assassiné dans un horrible attentat au cœur de Beyrouth.
Avec lui, l’espoir était mort. Tout le peuple libanais, toute tendance confondue, l’a pleuré. En signe de cet attachement et au respect dû à cet homme un grand mausolée a été érigé en son honneur dans la capitale. Un autre coup dur : la destruction du port et de dizaines d’immeubles alentour. Un dépôt dans lequel était entreposé du nitrate d’ammonium a explosé, entraînant la paralysie totale de ce port, une paralysie qui dure toujours. Tous les juges nommés pour enquêter sur cette affaire n’ont pu terminer leur travail. Une maffia qui ne dit pas son nom bloque l’enquête.
Officiellement, le nitrate d’ammonium responsable de la terrible destruction n’appartient à personne. Les rumeurs cependant disent que le propriétaire de la «marchandise» n’est autre que le Hezbollah libanais. Celui-ci a acquis une aura en menant une bataille sans merci aux envahisseurs israéliens en 2006. Profitant de la puissance acquise, il refuse de remettre aux autorités les armes en sa possession, contrairement à tous les autres partis. Au point qu’il est devenu un Etat dans l’Etat. C’est le défi qui attend le nouveau président libanais, le général Joseph Aoun, qui n’a aucun lien de parenté avec le président Michel Aoun. Et dans son programme, le nouveau chef de l’Etat a inscrit la récupération des armes qui circulent à travers le Liban. Seule l’armée officielle a le pouvoir de posséder des armes. Le Hezbollah détient la clé de la paix et de la guerre.
Le Liban est déjà trop meurtri. Il ne supportera pas une autre guerre, même limitée dans le temps et dans l’espace. Et le peuple libanais est fatigué. Il a besoin de repos pour refermer ses blessures et reconstruire son pays. Pour cela, il a surtout besoin de paix avec le voisin syrien qui, jusqu’à la chute d’Al Assad, parlait de construire «la grande Syrie», rappelant en cela les Israéliens qui veulent édifier «le grand Israël» ou encore Rabat qui s’est lancé dans la folie néocoloniale pour son «grand Maroc».