La tension dans les campus accentue la pression sur Washington : Un brûlant front interne pour Biden

05/05/2024 mis à jour: 06:52
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La majorité des grands campus américains soutiennent les Palestiniens et appellent à l'arrêt de l'agression contre Ghaza - Photo : D. R.

«L’intifada» dans les universités recèle les ingrédients redoutables de la confrontation communautaire, d’autant que le camp républicain, à travers des membres du Congrès franchement hostiles aux élans pro-palestiniens, réclame une gestion plus musclée des manifestations.

A six mois de la présidentielle à la Maison-Blanche, l’ébullition que connaissent les grandes universités américaines s’invite en thème surprise, et non moins explosif, dans les débats. Joe Biden a dû rompre avant-hier un silence perplexe de deux semaines sur la question, sans doute condamné à l’obligation de le faire par la pique de son adversaire direct dans la compétition électorale, Donald Trump.

L’impétueux républicain s’est débrouillé pour dégager un moment dans son agenda tourmenté et surbooké par les comparutions en justice pour souligner la faiblesse de l’administration démocrate aux commandes à Washington. «Ce sont des tarés de la gauche radicale et il faut les arrêter maintenant !» avait éructé Trump, suggérant que sous son règne, des contestations du type qui agitent les campus américains aujourd’hui n’auraient pas pu s’organiser et surtout pas se généraliser.

«Nous ne sommes pas un pays autoritaire qui réduit les gens au silence», a fait savoir Biden le lendemain. Le président américain, dans un discours télévisé jeudi, a martelé néanmoins que l’anarchie ne pouvait être tolérée et que «l’ordre devait prévaloir». Conscient qu’il intervenait sur un sujet délicat qui divise la communauté universitaire, et plus globalement la société américaine, en impliquant de manière inédite depuis au moins les manifestations contre la guerre au Vietnam (1968-1970) la jeunesse du vaste pays, il a reconnu que les événements mettent à l’épreuve l’équilibre entre le droit à la libre expression et celui du respect de la loi.

L’intervention mouvementée et parfois violente de la police sur quelques campus pour démanteler les campements dressés par les étudiants solidaires de Ghaza, comme ce fut le cas jeudi dans l’enceinte de l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA), est loin de faire l’unanimité. Joe Biden se contente d’affirmer que sur le principe, son administration restait opposée à toute intervention des forces de l’ordre, mais que celle-ci pouvait être nécessaire selon les cas. 

Outre le casse-tête de l’ordre public, «l’intifada» dans les campus recèle également les ingrédients redoutables de la confrontation communautaire, d’autant que le camp républicain, à travers des membres du Congrès franchement hostiles aux élans pro-palestiniens, réclame une gestion plus musclée des manifestations.

Sur le terrain, un aperçu des évolutions dangereuses de la situation a été donné le soir de mercredi dernier, lorsque des manifestants pro-israéliens, «pour la plupart masqués», notent les comptes-rendus de presse, se sont attaqués aux camps de solidarité pour Ghaza, déclenchant un épisode inquiétant de face-à-face violent. «Il n'y a pas de place aux Etats-Unis à l’antisémitisme et à l’islamophobie», a tenté d’équilibrer le président américain.

Une agressive campagne des trumpistes

L’autre mot important dans l’allocution télévisée de Joe Biden a été l’affirmation que la grande agitation qui s’est emparée des universités et sa potentielle extension, confirmée de jour en jour, à d’autres établissements, n’influe pas et n’influera pas, même si elle se propage, sur sa façon de gérer le conflit au Moyen-Orient.

Sur ce plan, il est difficile de croire sur parole la Maison-Blanche. Confronté au statu quo sur le terrain militaire, aux pressions internationales concernant sa responsabilité dans la tragédie humanitaire qui sévit depuis des mois dans l’enclave palestinienne, aux menaces toujours réelles d’extension du conflit, et aux effets diplomatiques du jusqu’au-boutisme du gouvernement israélien, Washington aurait sans nul doute préféré s’épargner un préoccupant front interne, qui plus est à quelques mois de l’une des élections les plus décisives dans l’histoire du pays.

C’est la première fois depuis le début du conflit, mais aussi depuis plusieurs décennies, que la jeunesse américaine intervient de manière aussi organisée, aussi assidue et massive sur une question de politique étrangère. Le mouvement non seulement polarise la communauté estudiantine, mais s’étend également pour diviser le corps des enseignants et les comités de direction, en remettant en surface les clivages identitaires, religieux et civilisationnels.

Les images de policiers forçant le passage dans les franchises universitaires et menottant des étudiants pour les embarquer, posent également un sérieux dilemme à la «première démocratie du monde», scrutée désormais sur sa capacité réelle à mettre en pratique les principes de libre expression et de manifestation.

La responsabilité est d’autant plus lourde que par un effet massif de contagion, de nombreuses universités, en Europe et ailleurs, s’inspirent de la vague de protestation sur les campus américains pour tenter d’influer sur les événements. 

Le pari sur une trêve à Ghaza 

A l’heure actuelle, les observateurs s’accordent sur le fait qu’il est difficile de prévoir les évolutions que peut connaître la vague de contestation sur les campus, si elle va refluer sous la répression ou si au contraire, la manière forte va l’amplifier. Une gestion moins ferme de la protestation ne garantit pas non plus l’objectif de la circonscrire.

Un discours et des actions sur le terrain des événements à Ghaza, dans le sens d’un desserrement de l’étau sur les populations martyrisées, encore plus une issue négociée du conflit, seraient par contre à même de faire baisser la tension, estime-t-on encore. 

Sur ce terrain, l’administration américaine s’est déjà posée comme vis-à-vis du Hamas en étant à l’initiative sur le projet d’accord sur une nouvelle trêve à Ghaza et en pressant particulièrement le mouvement palestinien de l’accepter, réduisant pratiquement, au second plan, le rôle du gouvernement israélien. 

Les dirigeants du Hamas, même s’ils tardent encore à donner une réponse sur le contenu de la mouture, affichent pour leur part la disponibilité de faire preuve de souplesse pour sa conclusion. Dans des échanges téléphoniques avec le Premier ministre qatari avant hier, Ismaïl Haniyeh, le numéro un du mouvement, a évoqué «l’esprit positif» avec lequel la partie palestinienne est en train d’étudier les propositions. 

Ces propos viennent modérer les déclarations d’un autre responsable du Hamas, qui, un jour auparavant, avait laissé entendre que le chemin des négociations restait encore trop miné du côté israélien pour espérer la conclusion d’un accord dans les jours qui viennent. Du nouveau sur le dossier est attendu pour le début de cette semaine.

Une perspective qui fait paniquer l’extrême droite qui participe au pouvoir à Tel-Aviv, au point qu'elle agite la menace de se retirer du gouvernement et de faire voler en éclats la coalition sur laquelle il s’est constitué. Un scénario qui ne déplairait pas forcément à Washington dans le contexte. Bien au contraire.

 

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