Alors que les prix du gaz sont au plus haut sur les marchés de référence, les pays européens craignent de plus en plus pour leurs approvisionnements futurs en gaz, et entament une véritable course contre la montre pour tenter de compenser une éventuelle rupture de l’approvisionnement en provenance de la Russie, qui fournit plus de 40% de gaz au Vieux Continent.
Des pourparlers ont été ainsi lancés dans l’urgence avec leurs partenaires, dont le Qatar et l’Algérie, pour tenter de garantir plus de fourniture de gaz dans les prochains mois, voire les années à venir. La démarche est enclenchée précipitamment, au vu des graves conséquences que pourrait avoir un manque approvisionnement en gaz sur les économies de la plupart des pays européens, ainsi que sur la consommation des ménages, déjà mise à mal par la montée en flèche des prix du gaz et de l’électricité.
Dans le contexte de tension actuelle sur les flux gaziers et les engagements des pays producteurs à long terme avec leurs partenaires traditionnels, il sera, cependant, difficile aux pays européens de se fournir sur le marché dans l’immédiat.
Le Qatar, l’un des plus grands exportateurs de gaz au monde, l’a déjà signifié à ses partenaires, dès les premières sollicitations exprimées par le président américain, Joe Biden, qui avait pris les devants en demandant l’aide à l’émir qatari cheikh Tamim Ben Hamad Al Thani, bien avant le déclenchement de la guerre en Ukraine.
Le 22 février 2022, certains participants au Forum des pays exportateurs de gaz (GECF) ont également souligné, en marge des travaux officiels du Forum, que la doléance occidentale consistant à demander une compensation immédiate du gaz russe était difficile à satisfaire dans l’état actuel du marché gazier.
Le ministre qatari de l’Energie avait déclaré que son pays ne pourrait détourner, éventuellement, que 10 à 15% de ses contrats de fret de GNL vers d’autres destinations. «Remplacer à court terme les livraisons de gaz russe à l’Europe est presque impossible», avait déclaré le ministre Saad Al Kaabi, deux jours avant l’invasion russe de l’Ukraine. «La plupart du GNL est lié à des contrats à long terme et à des destinations très claires. Il est donc presque impossible de remplacer aussi rapidement un tel volume», avait ajouté le ministre.
Une réalité confirmée par le président de la Banque mondiale, David Malpass, qui estime, dans une interview à CBS diffusée dimanche, qu’il n’y aura d’éventuelles alternatives à l’approvisionnement en gaz naturel russe qu’à «l’horizon de cinq ans».
Pris en tenailles entre le manque de gaz sur le marché mondial, conjugué à des prix très élevés, et le risque de rupture d’acheminement du gaz russe, les pays européens les plus dépendants de la Russie cherchent frénétiquement une alternative.
Ainsi, pour diversifier ses sources d’énergie et d’approvisionnement en gaz, l’Allemagne vient d’ opérer un revirement majeur de sa politique énergétique, en soutenant la construction de deux terminaux d’importation de GNL, tout en déclarant qu’elle utilisera toutes les sources d’énergie – y compris le charbon et le nucléaire – en vue de réduire sa dépendance énergétique vis-à-vis du gaz russe.
L’Italie regarde vers l’Algérie
L’Italie compte également diversifier «au plus vite» ses sources d’énergie pour réduire sa dépendance au gaz russe, a déclaré vendredi le chef du gouvernement italien, Mario Draghi, regrettant «les mauvais choix du passé». L’Italie qui importe plus de 90% de son gaz, principalement de Russie et d’Algérie, regarde, pour sa part notamment vers son fournisseur de proximité qu’est l’Algérie, mais aussi vers d’autres partenaires, dont l’Azerbaïdjan et la Libye, en vue de se fournir en gaz, qui représente 40% de sa production d’électricité.
Dans cette optique, le ministre italien des Affaires étrangères, Luigi di Maio, a déclaré qu’il avait entamé un périple dans de nombreux pays producteurs, dont l’Algérie, «pour construire des partenariats énergétiques afin faire face aux menaces» liées au conflit ukrainien. «Je sais qu’il y a beaucoup d’inquiétudes quant aux effets de cette guerre sur l’économie italienne», donc le gouvernement «ne perdra pas une seule minute pour faire face aux effets économiques de cette guerre», a-t-il précisé.
Parmi les hypothèses sur la table du gouvernement italien figure l’augmentation des flux de gaz en provenance de l’Algérie. En visite improvisée lundi dans notre pays, le responsable italien, qui était accompagné de Claudio Descalzi, président exécutif de la compagnie pétrolière Eni, partenaire traditionnel du groupe Sonatrach, a déclaré rechercher de nouveaux fournisseurs de gaz, puisque environ 45% de cette source d’énergie importée provient de Russie. «Nous étudions la possibilité de préparer des installations de transport de gaz (gazoducs) pour transporter de l’hydrogène vert», a ajouté le ministre, qui a révélé que la prochaine réunion de dialogue stratégique prévue à Rome sera «l’occasion d’approfondir les relations dans tous les domaines».
L’Algérie fournit du gaz à l’Italie via le gazoduc Transmed depuis Hassi R’mel, à travers le territoire tunisien, jusqu’à l’île de Sicile dans le sud de l’Italie. Eni a un contrat de 10 ans pour la fourniture de gaz, renouvelé avec Sonatrach en 2019, avec des quantités annuelles de 12 milliards de mètres cubes.
L’Italie importe également du gaz algérien par l’intermédiaire des sociétés Enel et Edison, avec des quantités annuelles supérieures à 4000 millions de mètres cubes.
Le gazoduc Transmed, qui transporte aujourd’hui environ 60 millions de mètres cubes de gaz algérien vers l’Italie par jour, a une capacité journalière potentielle de plus de 110 millions de mètres cubes.