Un mini-sommet arabe auquel prendront part cinq pays du Moyen-Orient se tiendra le 20 février à Riyad, en Arabie Saoudite, pour proposer une alternative au plan de Trump pour Ghaza.
«Le sommet de cinq pays arabes destiné à élaborer une réponse au plan du président américain, Donald Trump, prévoyant de déplacer les Palestiniens de la bande de Ghaza aura lieu le 20 février», a en effet rapporté l’AFP hier, en précisant qu’elle tient l’information d’une «source saoudienne» qui s’est exprimée sous le sceau de l’anonymat.
Ce sommet réunira «les dirigeants de l’Arabie Saoudite, de l’Egypte, des Emirats arabes unis, du Qatar et de la Jordanie», énumère l’AFP, ajoutant que «le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, ou son Premier ministre, Mohammad Mustafa, participeront également au sommet de Riyad». A noter que ce conclave intervient une semaine avant un autre sommet arabe prévu le 27 février en Egypte. Il est attendu que les deux sommets se prononcent fermement contre tout projet d’expropriation des Ghazaouis.
Pour rappel, le président américain a préconisé récemment de transférer la population palestinienne de Ghaza vers les pays arabes voisins, l’Egypte et la Jordanie en particulier, avant de procéder à la reconstruction de l’enclave dévastée par 15 mois d’une guerre sans merci. Un plan qui a été catégoriquement rejeté à la fois par les Palestiniens et par l’ensemble des pays arabes et musulmans. Dès lors, Trump a mis en demeure ses partenaires arabes de proposer un plan alternatif.
«Si les pays arabes ont un meilleur plan…»
Le chef de la diplomatie américaine, Marco Rubio, vient encore de le rappeler. Le secrétaire d’Etat s’est exprimé jeudi dans l’émission radiophonique «Clay Travis and Buck Sexton Show». Au cours de cette émission, les deux animateurs de radio conservateurs n’ont pas manqué de l’interroger sur le projet douteux de Trump pour les Palestiniens. Selon le verbatim de son intervention retranscrit sur le site du département d’Etat, Marco Rubio a expliqué : «Le Président est assis à une table ; tous les pays disent à quel point ils se soucient des Palestiniens, mais aucun d’entre eux ne veut accueillir de Palestiniens, aucun d’entre eux n’a jamais fait quoi que ce soit pour Ghaza à cet égard.
Le Président a donc dit : ‘‘D’accord, voici ce que nous allons faire. Nous allons nous en charger. Nous devrons déplacer des gens.’’ C’est le seul plan possible à l’heure actuelle. Maintenant, si quelqu’un a un meilleur plan – et nous l’espérons – si les pays arabes ont un meilleur plan, alors c’est très bien. S’ils le disent, ils vont le présenter, nous allons l’examiner, voir de quoi il s’agit et ce qu’il fait.» Marco Rubio a clairement signifié que tout scénario doit impérativement conduire à l’éviction du Hamas de la bande de Ghaza : «Évidemment, je peux vous dire que tout plan qui laisse le Hamas sur place posera un problème, car Israël ne le tolérera pas. Nous nous retrouverons là où nous étions. Nous allons donc leur donner une chance d’élaborer un plan. Je pense qu’ils travaillent de bonne foi.»
Et de faire remarquer : «Les gens du Hamas ont des armes. Quelqu’un doit les affronter. Qui va le faire ? Ce ne seront pas des soldats américains. Si les pays de la région ne parviennent pas à résoudre ce problème, c’est Israël qui devra le faire, et nous reviendrons à la situation antérieure. Cela ne résout donc pas le problème. Nous allons alors leur donner du temps.» Evoquant le prochain sommet de Riyad, le secrétaire d’Etat américain lance : «Je sais qu’ils vont se réunir en Arabie Saoudite (…) et ils vont nous présenter ensuite un plan. C’est l’une des raisons pour lesquelles je me rendrai, après mon départ d’Allemagne, au Moyen-Orient : en Arabie Saoudite, dans les Emirats arabes unis et en Israël, pour entendre nos partenaires arabes. Nous avons parlé avec les Egyptiens cette semaine, nous avons rencontré également les Jordaniens, et nous espérons qu’ils auront un très bon plan à présenter au Président.
Mais pour l’instant, le seul plan – ils ne l’aiment pas, mais c’est le seul plan – est celui de Trump. S’ils ont un meilleur plan, c’est le moment de le présenter. Nous attendons donc cela avec impatience.»
Les émirats brisent le consensus arabe
Comme le rappelle l’AFP, «la Jordanie accueille déjà plus de deux millions de réfugiés palestiniens. Près de la moitié des 11 millions d’habitants du royaume sont d’origine palestinienne».
Le président américain, qui a reçu mardi dernier le roi de Jordanie, Abdallah II, a encore réitéré son idée de transfert des Palestiniens pour forcer la main au souverain hachémite. Alors que ce dernier a déclaré qu’il «préférerait que les Palestiniens (de Ghaza) restent sur place», le président Trump a maintenu «que ce serait bien mieux et plus majestueux que ces Palestiniens puissent être déplacés vers des zones plus sûres», selon des propos cités par Karoline Leavitt, la porte-parole de la Maison-Blanche.
De son côté, l’Egypte a annoncé dernièrement qu’elle «présenterait une ‘‘vision globale’’ pour la reconstruction de Ghaza de manière à garantir que les Palestiniens restent sur leur terre», rapporte l’AFP. «Le pays a obtenu, selon des sources diplomatiques, un accord de principe sur la tenue d’une réunion ministérielle extraordinaire de l’Organisation de la coopération islamique (OCI), qui réunit 57 membres», ajoute l’agence française. Sur les cinq pays attendus jeudi prochain à Riyad, les Emirats arabes unis semblent d’ores et déjà briser le consensus arabe autour d’un rejet unanime du plan de Donald Trump. C’est ce que nous apprenait le quotidien Le Monde dans son édition d’hier en se faisant l’écho d’une récente déclaration de l’ambassadeur des Emirats à Washington, Yousef Al Otaïba. Sous le titre «Les Emirats arabes unis rompent le front arabe face à Donald Trump», Le Monde écrit : «Une note dissonante s’est fait entendre dans le front uni opposé par les Etats arabes à la proposition du président américain, Donald Trump, le 4 février, de déplacer de force deux millions de Palestiniens de la bande de Ghaza. Interrogé sur l’existence d’une contre-proposition arabe pour la reconstruction de l’enclave palestinienne, Yousef Al Otaïba, l’influent ambassadeur des Emirats arabes unis à Washington, indétrônable à ce poste depuis 2008, a exprimé des doutes. ‘‘Je ne vois pas d’alternative à ce qui est proposé. Vraiment pas.
Et donc si quelqu’un en a une, nous sommes heureux d’en discuter, nous sommes heureux de l’explorer, mais elle n’a pas encore fait surface’’, a affirmé le diplomate durant le Sommet mondial des gouvernements, à Dubaï, mercredi 12 février. Il a ajouté que les Emirats arabes unis ‘‘essaieraient’’ de trouver un terrain d’entente avec l’administration Trump.»
L’Arabie Saoudite se rebiffe
Mais comme le souligne Reuters, «l’Arabie Saoudite est le fer de lance des efforts arabes urgents pour développer un plan pour l’avenir de Ghaza afin de contrer l’ambition du président américain, Donald Trump, d’une Riviera du Moyen-Orient débarrassée de ses habitants palestiniens». L’agence britannique est revenue hier sur le sujet à travers une longue dépêche très fouillée où elle a interrogé une quinzaine de sources. «Reuters s’est entretenue avec 15 sources en Arabie Saoudite, en Egypte, en Jordanie et ailleurs pour dresser un tableau des efforts déployés par les Etats arabes afin de rassembler les propositions existantes en un nouveau plan qu’ils peuvent vendre au président américain pour obtenir son approbation», affirme l’agence de presse.
A propos du mini-sommet de jeudi prochain à Riyad entre l’Arabie Saoudite, l’Egypte, la Jordanie et les Emirats arabes unis, «les propositions pourraient inclure un fonds de reconstruction dirigé par le Golfe et un accord visant à mettre le Hamas sur la touche, ont déclaré cinq de ces personnes», soutient Reuters.
Et de révéler : «L’Arabie Saoudite et ses alliés arabes ont été horrifiés par le projet de Donald Trump de ‘‘nettoyer’’ les Palestiniens de Ghaza et de réinstaller la plupart d’entre eux en Jordanie et en Egypte, une idée immédiatement rejetée par Le Caire et Amman et considérée comme profondément déstabilisante dans la plupart des pays de la région». «Le désarroi de l’Arabie Saoudite, poursuit Reuters, a été aggravé, selon certaines sources, par le fait que le plan ne tiendrait pas compte de la demande du royaume d’une voie claire vers la création d’un Etat palestinien comme condition à la normalisation des relations avec Israël.»
Ce que proposent les égyptiens
Par ailleurs, Reuters fournit des détails précis concernant une proposition formulée par l’Egypte qui pourrait constituer un socle pour une alternative fiable au plan de Trump. «La dernière proposition égyptienne prévoit la formation d’un comité national palestinien pour gouverner Ghaza sans la participation du Hamas», écrit Reuters. Le Caire mise en outre sur une «participation internationale à la reconstruction sans déplacer les Palestiniens à l’étranger». Enfin, la proposition égyptienne prévoit une «évolution vers une solution à deux Etats». C’est ce qu’ont assuré à l’agence britannique «trois sources de sécurité égyptiennes», dit-elle.
On apprend dans la foulée que «l’Arabie Saoudite, l’Egypte, la Jordanie, les Emirats arabes unis et des représentants palestiniens examineront et discuteront le plan à Riyad avant qu’il ne soit présenté lors d’un sommet arabe prévu le 27 février». «Nous disons aux Américains que nous avons un plan qui fonctionne. Notre réunion avec Mohammed Ben Salmane sera cruciale. Il prend les devants», a déclaré un responsable jordanien sous le couvert de l’anonymat à Reuters.
Parmi les points problématiques concernant l’avenir de Ghaza, l’établissement d’une zone tampon entre l’Egypte et le territoire palestinien. «Une zone tampon et une barrière physique seraient érigées pour empêcher la construction de tunnels à travers la frontière entre Ghaza et l’Egypte.
Dès que les décombres seront enlevés, 20 secteurs seront créés en tant que zones de vie temporaires. Une cinquantaine d’entreprises égyptiennes et étrangères seraient appelées à effectuer les travaux», détaille Reuters. Revenant à la question de la normalisation des relations entre l’Arabie Saoudite et Israël, l’agence anglaise nous apprend : «L’envoyé de M. Trump au Moyen-Orient, Steve Witkoff, a tenu des réunions à Riyad à la fin du mois de janvier. Deux diplomates de haut rang ont déclaré que M. Witkoff avait établi un calendrier de trois mois pour le processus de normalisation. Mais la frustration saoudienne s’est rapidement transformée en surprise, puis en colère, lorsque M. Trump a annoncé son idée pour Ghaza. (…)
De nombreux experts estiment que M. Trump a peut-être recours à un vieux stratagème de son manuel diplomatique, qui consiste à adopter une position extrême pour ouvrir les négociations. Au cours de son premier mandat, il a souvent fait des déclarations de politique étrangère jugées excessives, dont beaucoup n’ont jamais abouti.»