France : Macron se rapproche des rapatriés d’Algérie

29/01/2022 mis à jour: 23:49
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Le président français Emmanuel Macron

Ce massacre est impardonnable», a déclaré M. Macron mercredi dernier devant les représentants de collectifs de rapatriés d’Algérie en évoquant la fusillade de la rue d’Isly, à Alger, dans laquelle des partisans de l’Algérie française ont été tués par l’armée le 26 mars 1962.

Ajoutant que «ce jour-là, des soldats du 4e régiment de tirailleurs firent feu sur une foule qui manifestait, attisée par l’OAS, son attachement à l’Algérie française. 

Ce jour-là, des soldats français, déployés à contre-emploi, moralement atteints, ont tiré sur des Français. Il est plus que temps de le dire. Ce qui devait être une opération de l’ordre s’acheva en massacre». Il a aussi promis que toutes les archives sur cette affaire pourront être consultées. Le président Macron s’est toutefois gardé de nommer le terrorisme de l’OAS et sa politique de terre brûlée.

L’appel de l’OAS à la population pied-noire visait à forcer les barrages de l’armée, installés après plusieurs meurtres au sein des effectifs militaires par des membres de l’OAS. 

C’est le 4e régiment de tirailleurs qui tient les barrages, écrivait Le Monde en 2008, expliquant que ce régiment n’était pas formé pour le maintien de l’ordre. Selon le bilan officiel, 49 civils sont tués parmi les protestataires. Trois jours plus tôt, l’OAS tuait sept appelés, lors d’un échange de tirs. L’objectif de cette nouvelle prise de parole d’Emmanuel Macron, a souligné l’Elysée auprès de l’AFP, est de «construire à terme une mémoire apaisée, partagée, commune à tout ce qu’ont été jusque-là les mémoires liées à la guerre d’Algérie et à la colonisation», en reconnaissant la «singularité de chacun». Le président Macron a commencé en septembre 2018 par reconnaître le rôle de l’armée française dans la mort du mathématicien communiste Maurice Audin, en 1957. Le 3 mars 2021, il a admis que l’avocat nationaliste Ali Boumendjel avait été lui aussi « torturé et assassiné », le 23 mars 1957, par la France. En septembre 2021, il s’est excusé auprès des harkis que l’Etat français a abandonnés après la guerre. 

Le 17 octobre 2021 il a dénoncé des «crimes inexcusables pour la République» lors du massacre des manifestants algériens du 17 octobre 1961, à Paris. En février 2017, le candidat Macron avait été accusé de «trahison» par certaines associations de rapatriés, après avoir déclaré depuis Alger que la colonisation était un «crime contre l’humanité». Une déclaration sur laquelle il était revenu après le tollé qu’elle avait soulevé à droite et à l’extrême-droite, pour dire cette fois que la colonisation était «crime contre l’humain». A la volonté d’apaiser sa relation avec les rapatriés qui avaient le sentiment d’être «oubliés», il est difficile de ne pas voir aussi dans le geste d’Emmanuel Macron, une arrière-pensée électoraliste (bien qu’à deux mois du premier tour de l’élection présidentielle il n’ait pas encore déclaré sa candidature) envers un électorat qui vote majoritairement à droite et à l’extrême-droite

L’ANPROMEVO récuse le qualificatif de «massacre impardonnable pour la République»

«L’hommage rendu aux victimes ne souffre aucune contestation. Mais qualifier de ‘‘massacre impardonnable pour la République’’ l’usage de la force face à une manifestation à caractère insurrectionnel appelée par une organisation criminelle en dépit de l’interdiction générale découlant des Accords de cessez-le-feu en Algérie peut placer le chef de l’Etat en situation délicate si l’ouverture des archives révèle que l’armée a tiré en état de légitime défense», souligne l’Association nationale pour la protection de la mémoire des victimes de l’OAS (Anpromevo)

L’Anpromevo rappelle par ailleurs «à titre non anecdotique», que «le gouvernement se targue ces jours-ci d’avoir soumis au Parlement le vote d’une indemnisation forfaitaire en faveur des harkis calculée sur la base de 1000 euros par année de rétention en camp contre 1259 euros par trimestre d’activisme belligérant aux anciens tueurs de l’OAS»… 

L’association retient enfin que l’Elysée a fait publier sur son site internet au soir du 26 janvier une communication se concluant en ces termes : «Le président de la République, comme il s’y est engagé lors de la remise du rapport de Benjamin Stora, participera à la commémoration du 19 mars 1962, sous une forme, là encore, conçue spécifiquement pour notre époque que des propositions ont été remises en ce sens à son conseiller ‘‘Mémoire’’ le 15 novembre dernier et présentées oralement le même jour à la Première dame ; qu’ entre-temps, le 8 février 2022, sera célébré à Paris, au Métro Charonne, le souvenir tragique, soixante après, des victimes d’une manifestation prônant la paix en Algérie et qu’un geste mémoriel issu du sommet de l’État n’est pas exclu à cette occasion.»

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