Elles ont défendu le droit de manifester dans les campus contre les massacres à Ghaza : Des rectrices d’universités américaines poussées à la démission

13/12/2023 mis à jour: 03:49
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Photo : D. R.

Le conflit israélo-palestinien se joue aussi sur les campus américains. Jusque-là appréciée à travers le seul prisme défini par les lobbys sionistes et leurs pendants propagandistes US, la perception de la question palestinienne dans les campus américains n’est désormais plus la même.

En raison d’un changement générationnel, mais surtout parce que cette question est remontée jusqu’au Congrès américain, suite à d’imposantes manifestations estudiantines, ouvertement opposées à la folie génocidaire d’Israël en cours dans les Territoires occupées. Le Congrès avait annoncé, le jeudi 7 décembre, l’ouverture d’une enquête sur la gestion par trois prestigieux établissements de ce qu’il a qualifié d’«antisémitisme endémique» sur leurs campus.

Les présidentes des universités de Harvard, de Pennsylvanie et du Massachusetts Institute of Technology (MIT), soumises à de fortes pressions, après leur audition au Capitole, ont fini par démissionner. Les rectrices Elizabeth Magill, Claudine Gay et de Sally Kornbluth avaient pourtant déclaré leur volonté de se mettre «immédiatement» au travail et de «lutter à long terme» contre toutes les formes de haine.

Elizabeth Magill, qui a défendu la liberté d’expression lors de manifestations contre Israël, a démissionné, après avoir subi des critiques et des pressions, affirme l’agence turque Anadolu.

«Après avoir témoigné devant le Congrès, il est apparu clairement que le poste de Magill n’était plus viable. Elle et moi avons décidé ensemble qu’il était temps pour elle de partir», avait alors écrit Scott Bok, président du Conseil d’administration de l’université de Pennsylvanie dans un communiqué annonçant sa démission et celle de Magill.

L’instance dirigeante de Harvard a réagi, hier, à la démission de Claudine Gay annonçant son maintien dans ses fonctions malgré des «pressions politiques». «En tant que membres de la Corporation de Harvard, nous réaffirmons, ce jour (Ndlr, hier mardi), notre soutien à la poursuite du mandat de direction de la présidente Claudine Gay», est-il indiqué dans un communiqué repris par l’AFP.

Après un Conseil d’administration extraordinaire, lundi soir, l’université d’Harvard a exprimé sa «confiance dans le fait que la présidente Gay est la bonne dirigeante pour aider notre communauté (universitaire) à traiter des très graves questions sociétales auxquelles nous sommes confrontés».

Mme Gayest, professeure de sciences politiques, devenue en juillet la première présidente noire de l’université Harvard fondée à Cambridge, dans l’agglomération de Boston, il y a 368 ans. Depuis ce week-end, une pétition de près de 700 professeurs s’opposait aux appels et aux «pressions politique» à la démission de la présidente Gay.

Pressions

De vives critiques ont également été émises par les conservateurs contre les campus américains qu’ils jugent trop à gauche. Plus de 70 membres du Congrès américain à Washington, en grande majorité des élus républicains, ont réclamé le départ de Mme Gay, après son audition parlementaire. Gay avait répondu cinq heures durant, aux côtés d’Elizabeth Magill et Sally Kornbluth, à l’élue républicaine Elise Stefanikqui assimilait les appels à l’Intifada d’étudiants pro-palestiniens à une exhortation au «génocide contre les juifs en Israël et dans le monde».

Les administrations des trois universités suscitées ont par ailleurs été, peu de temps après, sommées par des donateurs de condamner clairement des manifestations d’étudiants pro-palestiniens. Une campagne de pression mise en branle essentiellement par Marc Rowan, directeur général de la société de capital-investissement Apollo Global Management, l’une des plus grandes institutions financières des États-Unis, et président du conseil consultatif de la Wharton School of Business de l’université de Pennsylvanie.

Apollo est l’un des plus grands fonds d’investissement alternatifs au monde et contrôle 350 milliards de dollars d’actifs, selon des estimations de Bloomberg. Considéré comme l’un des plus grands donateurs, Marc Rowan aurait fait don, à ce jour, d’au moins 50 millions de dollars à l’université de Pennsylvanie. Il est également considéré comme l’un des plus grands donateurs des organisations du lobby israélien.

Marc Rowan a appelé les donateurs à «suspendre leur soutien à l’université jusqu’à la démission d’Elizabeth Magill, à la suite du refus de cette dernière d’annuler le festival littéraire palestinien du 22 au 24 septembre dernier, conjugué à son intervention devant le Congrès américain», a rapporté Anadolu. Marc Rowan est aussi membre de l’American-Israël Public Affairs Committee (AIPAC) et la Democratic Majority for Israël qui a œuvré pour l’envoi d’argent et d’armes à Israël.

Cette charge violente des lobbys sionistes contre la communauté universitaire aux Etats-Unis vient s’additionner à l’approbation par le Congrès, la semaine passée, d’un projet de résolution dont l’une des dispositions assimile l’antisionisme à l’antisémitisme.

Antisionisme et antisémitisme

Contrôlé par une majorité de membres républicains, le Congrès a compté 311 voix en faveur du projet de résolution, tandis que seules 14 -dont les membres d’origine palestinienne -ont voté contre, selon Reuters. Le projet de résolution, juridiquement non contraignant, fait référence à une «escalade croissante» du «sentiment anti-juif» aux Etats-Unis et dans le monde.

Il a toutefois soulevé un tollé, en particulier chez les communautés juives antisionistes. Cette décision ne vise rien d’autre que des centaines de milliers de communautés juives hassidiques américaines antisionistes et anti-israéliennes, selon des médias.

Commentant la question, Rashida Tlaib, élue palestinienne du Parti démocrate au Congrès, a déclaré à Reuters que l’opposition aux politiques extrémistes du gouvernement israélien et de son Premier ministre, Benyamin Netanyahu, n’est pas considérée comme de l’antisémitisme.

L’antisionisme est défini comme un mouvement opposé à l’idée d’établir un État juif sur les terres palestiniennes et aux politiques menées par Israël dans ce but. Quant à l’antisémitisme, a-t-elle ajouté, il est fondé sur la haine du peuple juif, d’où découle une discrimination fondée sur des préjugés. 

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