Des dizaines de travailleurs des médias tués à Ghaza : «Les journalistes palestiniens sont exécutés de sang-froid»

04/05/2024 mis à jour: 02:18
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Photo : D. R.

«Depuis le 7 octobre, 141 journalistes, ciblés directement par des missiles ou des tirs de snipers israéliens, ont été tués, des dizaines se trouvent alités dans des hôpitaux délabrés et menacés de bombardement à chaque instant, d’autres dizaines de journalistes ont été enlevés et arrêtés puis placés dans des centres de détention sans nouvelles sur leur sort», dénonce le Forum des journalistes palestiniens.

C’est avec beaucoup de peine que nous «célébrons» cette année la Journée mondiale de la liberté de la presse, en pensant à nos confrères palestiniens, tombés par dizaines en couvrant les atrocités commises au quotidien par les forces d’occupation sionistes à Ghaza. Malgré l’ampleur des pertes enregistrées par la profession en Palestine occupée, les reporters ghazaouis continuent à faire leur travail sous les bombes, au péril de leur vie.

Et c’est grâce aux courageux journalistes palestiniens présents sur place que nous parviennent les images et les récits de ce qui se passe dans ce territoire soumis à un véritable déluge de feu depuis sept mois, une guerre d’extermination qui a fait 34 622 morts et 77 867 blessés, selon le dernier décompte.

Ainsi, face aux terribles risques encourus par les journalistes, d’une part, et face aux restrictions imposées par l’armée israélienne d’autre part, empêchant une couverture impartiale des événements, les informations provenant de la bande de Ghaza reposent en grande partie sur les journalistes locaux, qu’ils soient free lance, affiliés à des médias palestiniens ou correspondants de médias internationaux.

Pour saluer leur courage et leur détermination, l’Unesco leur a décerné son Prix mondial de la liberté de la presse 2024. C’est ce qu’a annoncé, jeudi, l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture. «Les journalistes palestiniens couvrant Ghaza sont désignés lauréats du Prix mondial de la liberté de la presse Unesco/Guillermo Cano 2024, sur recommandation d’un jury international de professionnels des médias.

La cérémonie de remise du prix a lieu le 2 mai, en marge de la Conférence mondiale sur la liberté de la presse à Santiago, Chili», a fait savoir l’Unesco dans un communiqué. «En ces temps d’obscurité et de désarroi, nous souhaitons adresser un message fort de solidarité et de reconnaissance aux journalistes palestiniens qui couvrent cette crise dans des circonstances dramatiques», a déclaré Mauricio Weibel, président du Jury international de professionnels des médias qui a attribué ce prix. «L’humanité a une dette immense à leur égard, pour leur courage et leur engagement en faveur de la liberté d’expression», a-t-il ajouté.

«Israël est le premier ennemi de la liberté de la presse»

Dans les territoires palestiniens occupés, la célébration de la Journée mondiale de la liberté de la presse a été l’occasion de rappeler les crimes de guerre commis par Israël à l’endroit des professionnels des médias et le «ciblage» des journalistes par les forces d’occupation sionistes, comme l’a souligné, hier, le Centre palestinien d’information (CPI).

Et de citer le Forum des journalistes palestiniens qui dresse un terrible réquisitoire contre l’occupant sioniste et ses pratiques liberticides en Palestine. «Les soldats d’occupation israéliens sont les premiers ennemis de la liberté de la presse», tranche le Forum. «Les journalistes palestiniens sont exécutés de sang froid devant leurs caméras», atteste-t-il.

«Depuis le 7 octobre, 141 journalistes, ciblés directement par des missiles ou des tirs de snipers israéliens, ont été tués, des dizaines se trouvent alités dans des hôpitaux délabrés et menacés d’envahissement et de bombardement à chaque instant, d’autres dizaines de journalistes ont été enlevés et arrêtés puis placés dans des centres de détention sans recevoir de nouvelles sur leur sort», énumère le FJP.

La même organisation relève que «durant ces derniers sept mois, les soldats d’occupation israélienne ne se sont pas limités à punir les journalistes pour les faire taire, mais ils ont ciblé aussi leurs familles en bombardant leurs maisons, tuant et blessant leurs parents, leurs enfants, leurs frères et leurs proches…

Les victimes se comptent par centaines». Et de préciser : «Plus de cent bureaux et agences de presse, y compris le siège du «Forum des journalistes palestiniens»,  ont été mis à sac ou tout simplement bombardés sans aucun avertissement préalable. Dans leur guerre psychologique, les forces d’occupation pirataient les fréquences des radios et des chaînes locales, tout en détruisant les réseaux de câblage et d’internet pour empêcher la diffusion au monde extérieur de la réalité des massacres israéliens sur le terrain ghazaoui.»

Pour marquer cette journée symbolique, le Syndicat des journalistes palestiniens (SJP) a organisé, de son côté, une conférence de presse en son siège à Ramallah. Mohammad Laham, président de la commission des libertés au sein du SJP cité par l’agence Wafa, affirme qu’une centaine de journalistes palestiniens ont été arrêtés depuis le 7 octobre, en précisant que 45 d’entre eux sont toujours en détention et quatre sont portés disparus.

Il ajoute que 77 journalistes ont vu leurs domiciles à Ghaza ciblés par des raids de l’aviation israélienne ou pilonnés par l’artillerie sioniste. 18 journalistes hommes et femmes ont été touchés par balles, 19 par des éclats d’obus, 5 ont été menacés par arme à feu, et 4 ont été agressés par des colons.

Il a indiqué également que 39 journalistes palestiniens ont fait l’objet de mesures de rétention et d’empêchement de couvrir et de filmer, 36 ont vu leur matériel confisqué ou vandalisé, et 18 ont subi une violation de domicile. Selon le représentant du SJP, 16 bureaux de différents médias palestiniens ont été détruits et fermés et 25 radios locales ont cessé d’émettre. Il a insisté aussi sur le fait que les correspondants de presse ont lourdement pâti des coupures répétées d’Internet et des télécommunications à Ghaza.

Une pensée pour Waël Al Dahdouh

En cette journée spéciale, une pensée particulière a été accordée à celui qu’on a surnommé «djabalou essabr», «la montagne d’endurance» : Waël Al Dahdouh. Le chef du bureau d’Al Jazeera à Ghaza a été le visage du martyr de Ghaza. Il n’a eu de cesse de sillonner la bande assiégée, coiffé de son casque emblématique estampillé «Press» et tendant son micro, recueillant à tour de bras les témoignages poignants des rescapés de l’horreur qui s’abattait sur ses compatriotes.

Waël n’a pas été seulement le témoin courageux des atrocités infligées au peuple palestinien à Ghaza. Il a payé, dans sa chair, les affres de l’invasion brutale de son pays.

Et malgré cela, à aucun moment, il n’a renoncé à son métier. Tout le monde se souvient comment le sort s’acharnait sur lui, Le 25 octobre 2023, il perdait sa femme ainsi que sa fille Sham et son fils Mahmoud, sauvagement fauchés par un bombardement qui avait ciblé le camp d’Al Nussairat, au centre de la bande de Ghaza où la famille de Waël s’était réfugiée.

Le 7 janvier, son fils aîné Hamza, 29 ans, reporter plein d’avenir lancé sur les traces de son père, est tué par un drone près de Khan Younès. Il était dans une voiture en compagnie de trois journalistes.

A l’heure actuelle, Waël Al Dahdouh est toujours en convalescence à Doha. Il a dû quitter Ghaza pour le Qatar afin de subir une intervention chirurgicale. Le 15 décembre, il avait miraculeusement échappé à un raid qui avait ciblé une école de Khan Younès où il se trouvait en compagnie de son collègue cameraman Samer Abou Daqqa.

Samer avait péri dans l’attaque, et Waël s’en était sorti avec des blessures qui se sont aggravées. Stoïque, il a continué à couvrir et à témoigner des massacres israéliens jusqu’à ce que son corps l’oblige à faire une pause.

Aux funérailles de son fils, il disait : «Nous avons commencé à lutter avant la naissance de Hamza et nous continuerons après la mort de Hamza et la famille décimée. Nous poursuivrons notre tâche et nous prendrons le monde à témoin de ce qui se passe à Ghaza.» Respect ! 

 

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