Crise de nerfs à Tel-Aviv

27/03/2024 mis à jour: 00:12
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Photo : D. R.

Il est évident qu’il n’est point question que les Etats-Unis remettent en cause un soutien actif à l’Etat hébreu, trop profondément ancré dans la génétique de ses doctrines diplomatique et sécuritaire en tant que puissance internationale.

Benyamin Netanyahu voit se succéder les revers et semble de plus en plus perdre pied, en interne et à l’international. Le vote par le Conseil de sécurité pour la première fois depuis le déclenchement du conflit, il y a près de six mois, d’une résolution appelant à un cessez-le-feu dans la bande de Ghaza, avant-hier, est une séquence que le Premier ministre israélien n’intégrait vraisemblablement pas dans la liste des évolutions possibles des événements. Mais c’est surtout cette «abstention» américaine lors du vote de la résolution, qui désarçonne le plus à Tel-Aviv.

C’est la première fois depuis toujours que Washington laisse passer un texte défavorable à l’Etat hébreu au Conseil de sécurité, en n’actionnant pas son droit de veto, qui plus est en temps de guerre et avec un contenu potentiellement ou formellement contraignant.

Les archives de l’ONU font le décompte de 42 recours américains au veto en faveur d’Israël, dont près de la moitié a été consacrée exclusivement à bloquer des résolutions comprenant des condamnations fermes à son encontre. Pour le cabinet du Premier ministre israélien, le comportement de la délégation américaine lors du vote du texte (sur proposition des membres élus, dont principalement l’Algérie) marque un fait majeur dans les relations entre Washington et Tel-Aviv.

Plus factuellement, Benyamin Netanyahu ne comprend pas comment la délégation diplomatique de la Maison-Blanche à l’ONU a pu ne pas voter contre un texte qui ne conditionne pas l’arrêt des hostilités par la libération des «otages» israéliens. Un minimum syndical que la diplomatie américaine n’a pas voulu assurer à son allié, rompant ainsi une partie importante de ses engagements, objecte en substance le gouvernement israélien. Faut-il y voir un lien avec les déclarations-sommations de Kamala Harris, il y quelques jours ?

La vice-Présidente américaine avait laissé entendre, lors d’une interview télévisée, que l’obstination d’Israël à envisager une offensive militaire à Rafah, au sud de Ghaza, à contre-courant des recommandations de la Maison-Blanche, pouvait lui coûter des «conséquences», sans en préciser la nature. Tout le monde avait compris «sanctions», et d’aucuns estiment aujourd’hui que l’«abstention» au dernier vote du Conseil de sécurité est à prendre sous cet angle-là.

Netanyahu, un casse-tête pour la diplomatie américaine

Cherchant à marquer son mécontentement, Benyamin Netanyahu a décidé, juste après le vote, d’annuler la visite d’une «délégation diplomatique» israélienne à Washington, chargée justement de défendre l’option d’une incursion terrestre au sud de Ghaza.

La délégation est surtout composée de représentants d’agences de sécurité et de départements d’études stratégiques qui devaient se déplacer avec des plans détaillés, destinés à vaincre les fortes réticences américaines quant aux conséquences, militaires, mais surtout humaines et diplomatiques, d’une opération d’envergure à Rafah.

La Maison-Blanche adopte pour sa part un autre ton pour traiter de la question depuis 48 heures ; l’on préfère relativiser les faits et jouer à fond la diplomatie, même si l’on se permet d’écorcher au passage la personne de Benyamin Netanyahu, en suggérant que le Premier ministre israélien monte de toutes pièces une crise entre les deux parties.

John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité national à Washington, a fait part de l’étonnement et de la perplexité américaine face au coup de sang israélien, d’autant que, tente-t-il de plaider, la dernière résolution du Conseil de sécurité de l’ONU n’a pas d’effet contraignant sur le déploiement militaire israélien sur le terrain.

Cet aspect précis s’avère déjà polémique : les Etats-Unis et quelques-uns de leurs alliés mènent une campagne médiatique depuis avant-hier pour contester tout caractère contraignant au texte.

La grande majorité de la communauté diplomatique à l’ONU milite, quant à elle, pour le contraire, à commencer par l’infatigable Antonio Guterres, secrétaire général de l’institution internationale, qui estime «impardonnable» une non-application du texte sur le terrain.

Lors du même point de presse, harcelé par des questions de journalistes décelant un regain de tension dans les relations avec Tel-Aviv, Kirby s’est dépensé à convaincre que les derniers développements ne constituent en rien une révision de la politique de soutien à Israël. «Au moment où je vous parle, nous continuons à livrer des systèmes d’armes pour qu’Israël puisse se défendre contre ce que nous considérons comme une menace permanente, le Hamas», illustre-t-il.

Il est évident qu’il n’est point question que la puissance américaine remette en question un soutien actif à l’Etat hébreu, trop profondément ancré dans la génétique de ses doctrines diplomatique et sécuritaire.

Ce qu’il se passe actuellement participe manifestement d’un besoin de recentrage tactique des Etats-Unis au Moyen-Orient que Benyamin Netanyahu, par son cavalier seul et son élan de guerre totale à Ghaza, persiste à sérieusement contrarier depuis plusieurs semaines.

Le Premier ministre israélien est «un obstacle à la paix», dixit, il y a une dizaine de jours, Chuck Shumer, leader des démocrates au Sénat américain, lors d’un réquisitoire inédit dans ces cénacles, contre un responsable israélien. C’est aussi un obstacle pour le déploiement de la feuille de route diplomatique remaniée du parrain américain, et que l’administration Biden voudrait bien voir écartée du chemin. 

 

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