Dimanche matin, les médias télévisuels français ont dû changer de braquet de toute urgence pour s’intéresser à la chute de Bachar Al Assad en Syrie.
Chute d’Al Assad oblige, les médias ont dû tenir l’antenne, alors qu’on savait encore peu de choses sur la situation en Syrie hier matin. Il faut dire que la veille encore, ils avaient inondé leurs antennes de l’inauguration de Notre-Dame de Paris sortie de ses cendres après l’incendie qui avait détruit la cathédrale en avril 2019.
Un élan quasi religieux qui rappelait par certains côtés la propagande dénoncée à longueur d’années pour certains pays, comme celle contre le «régime» syrien. Un «régime Al Assad», comme si la problématique syrienne et les implications géostratégiques de son maintien en poste puis de sa chute se résumaient à un homme seulement, alors que de nombreuses enquêtes ont montré des rouages complexes qui se jouent.
Mais dans les médias, on l’a vu lors de l’agression sioniste criminelle contre Ghaza, on aime la simplicité, voire l’unanimisme, même borné, qui ne peut souffrir d’aucun trouble du saint consensus…
Beaucoup de circonspection sur ce qu’il pouvait advenir
En même temps que la cathédrale enfumait les médias, la rencontre Trump, Zelinsky chez le président Macron était aussi un bel exemple de médiatisation forcée sur laquelle on se préparait à passer le dimanche.
Mais à 8h10 en ce dimanche annoncé de messes et de prêchi-prêcha, lorsque la chute d’Al Assad est annoncé sur le fil des d’agences, fini de parler de la cathédrale, fini d’encenser l’Ukraine.
Place au direct, le breaking news n’attend pas : l’urgence est là ! Surtout lorsqu’il s’agit de la fin du «boucher de Damas», du «dictateur», du «tyran», de «celui qui a tué son peuple», de «celui qui a utilisé des armes chimiques», etc.
Alors ces griefs ont été évoqués à satiété avec pour tous les chroniqueurs rappelés pour l’occasion, l’idée qu’il fallait être prudent sur ces mouvements «rebelles» qui ont vaincu «sans coup férir» le pouvoir du dirigeant syrien, avec beaucoup de circonspection sur ce qu’il pouvait advenir, certains journalistes et commentateurs continuaient de préférer le terme «rebelles» à celui d’«islamistes», alors que les dépêches parlaient de «rebelles, menés par des islamistes radicaux».
Et on montrait ces images tellement vues ailleurs des pillages du palais présidentiel ou des résidences somptueuses d’Al Assad. Sur l’air de ces braves Syriens qui font la fête en saccageant ! Ça plaît, et ça meuble. Malgré tout, le leitmotiv énoncé toute la matinée, était «On sait ce qu’on perd, mais on ne sait pas ce qu’on gagne, peut-être y a-t-il de bons islamistes ?» Et comment vont-ils se réveiller après la liesse ?
On a ainsi délayé en attendant les infos plus précises et surtout les réactions officielles qui n’ont pas manqué de tomber à partir de 13h. Dont celle de Macron, estimant que «l’Etat de barbarie est tombé». Mélangeant du reste «pouvoir» et «Etat» !
Une sympathie pour Israël, feignant ses crimes contre l’humanité
Pour les analyses, on trouve bien quelqu’un qui sait tout, parce qu’il a été reporter au Moyen-Orient, un ancien ambassadeur, des militaires (les mêmes que pour l’Ukraine), un chercheur dont le dernier livre sur le sujet est éculé, car remontant à longtemps… Ou un universitaire qui a beaucoup étudié les mouvements djihadistes…
Avec tout, ça occupe l’antenne. Difficile alors de trier le vrai de l’intox. Et surtout, si on accable la «barbarie» du pouvoir syrien et la potentielle dangerosité de ceux qui l’ont fait tomber, oubliant la guerre contre le djihadisme en 2015. Et on garde bien, fidèle dans le poste depuis le 7 octobre, une sympathie pour Israël, feignant les crimes contre l’humanité pour lesquels le Premier ministre sioniste est poursuivi.
Ainsi, sur CNews, chaîne au contenu proche de l’extrême droite, le journaliste Eric Revel se faisant un malin plaisir à estimer que «c’est une bonne nouvelle pour Israël de voir Bachar Al Assad tomber». Trop bien informé, puis hier vers 14h30, le régime israélien a parlé de «bonne nouvelle», communiquant sur la chute d’un «maillon central» de «l’axe du mal» dirigé par Téhéran.
Et lorsqu’il a annoncé occuper militairement (avec quel mandat international ?) «la zone tampon du plateau du Golan», situé à la frontière avec la Syrie. Ou encore lorsqu’on parle d’un exil d’Al Assad protégé par les Russes honnis des médias. Les digues des commentateurs pour la voix de leurs maîtres ont alors cédé, reparlant d’Israël qui doit se protéger et ensuite du Hamas qui lors de son opération du 7 octobre 2023 a créé par un effet de dominos le chaos au Proche et Moyen-Orient.
Les responsables étaient alors définis vers 15h hier : le Hamas, la Russie, l’Iran. Les médias avaient retrouvé leur feuille de route… Négligeant le fait que le chef des «rebelles» était un ancien cadre d’Al Qaïda, ou espérant qu’il se soit amadoué….
Les commentaires relevaient ainsi le risque pour la France après que les prisons aient été ouvertes à Damas avec de nombreux prisonniers libérés. Parmi ceux-ci, s’inquiétaient la plupart des chaînes en continu, «des islamistes français», certains rapprochant l’événement survenu en Syrie avec le 10e anniversaire de la tuerie de Charlie Hebdo et de l’hypercacher à Paris en janvier 2015.
Sous-entendu, faut-il craindre des attentats ? Attentats et phénomène migratoire, en cas d’une nouvelle dérive des nouveaux maîtres du pays, assisterait-on à de nouvelles vagues de migrants, comme celle qu’a dû absorber l’Allemagne en 2011-2012 ?
Mais cela, on l’ignore, estimaient dans un bel élan commun les médias ; ne sachant pas vraiment qui est Abou Mohammad Al Jolani, le chef islamiste de la coalition rebelle, et quelles sont les factions en œuvre.
Peu à peu les informations arrivant, les commentaires se sont fait plus précis comme lorsqu’on a appris qu’un rassemblement «la paix, la liberté et la démocratie en Syrie» était organisé hier à 14h, place de la République à Paris. Et que les télévisions se sont emplies de manifestations de joie à Berlin ou Montréal. Comme toujours dans les médias français, y aurait-il les bons et les mauvais manifestants, les bonnes et les mauvaises révolutions ?