Après les lourdes accusations avérées de l’Afrique du Sud : Les réponses iniques d’Israël

14/01/2024 mis à jour: 09:59
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La défense d’Israël n’a pu apporter des éléments juridiques probants pour se défendre du crime de génocide

Les deux jours d’audience, jeudi et vendredi derniers, au siège de la Cour internationale de justice (CIJ), organe juridique onusien, basé à La Haye (Pays-Bas), durant lesquels l’Afrique du Sud a défendu sa demande de mesures conservatoires urgentes pour protéger la population de Ghaza du génocide commis par Israël, à travers un cessez-le-feu et l’accès immédiat de l’aide humanitaire et Israël a balayé toutes les accusations à travers des réponses peu convaincantes, qui manquent d’argumentations juridiques. 

Deux juges ad hoc,  désignés par chacune des parties, Dikgan Mosenke, pour l’Afrique du Sud, et le représentant d’Israël, le très polémique Aharon Barak, un ancien juge de la Cour suprême israélienne, un fervent défenseur de la politique d’occupation, qui suscite les critiques acerbes de ses pairs, ont prêté serment d’impartialité, avant de rallier les quinze magistrats composants la Cij.  Certains experts s’attendent à ce que le verdict soit rendu dans les deux à trois semaines à venir, vu l’urgence de la situation. 

Vendredi, alors que tout le monde attendait les réponses aux pertinentes plaidoiries du collectif d’avocats de l’Afrique du Sud, dirigé par le ministre de la Justice sud-africain, la défense d’Israël, avec ses six avocats, n’a pu apporter des éléments juridiques probants pour se défendre des crimes de génocide, de déportation de la population, d’attaques délibérées des hôpitaux, des écoles, des centres de réfugiés de l’Onu, mais aussi des discours de haine et d’incitation au génocide proférés par les responsables israéliens. 

Conseiller juridique du ministère israélien des Affaires étrangères, Me Tal Becker met tout sur le dos de Hamas, avant de déclarer : «C’est une guerre qu’Israël n’a pas souhaitée et n’a pas commencée. C’est le Hamas qui l’a commencée.» 

L’avocat présente de nombreuses photos d’otages pris par les combattants de Hamas, le 7 octobre dernier, puis pendant de longues minutes, il défend «le droit d’Israël de se défendre et de défendre ses citoyens contre Hamas» présentée comme «une organisation à l’agenda génocidaire qui souhaite la destruction d’Israël». 

L’avocat se retourne contre l’Afrique du Sud qu’il accuse de soutenir «politiquement et juridiquement» Hamas qui, di-il, «a détourné l’aide destinée à Ghaza pour construire le plus grand territoire terroriste dans l’histoire moderne, et d’infiltrer la population civile». 
 

«Israël cherche à protéger la population de Ghaza»

Pour l’avocat, «ce que fait Israël, ce n’est pas détruire la population palestinienne de Ghaza, ni occuper Ghaza, ni déplacer sa population. Ce que Israël cherche à faire, c’est le contraire : protéger sa population».  

Selon Me Becker, «la Convention contre le génocide a été votée pour protéger les juifs, pour protéger le monde contre un nouveau génocide (…) L’Afrique du Sud détourne totalement l’esprit de cette convention avec cette requête».

 Son confrère,  Malcom Shaw, avocat britannique, refuse que la partie plaignante s’attarde sur le contexte de 1948 : «Pourquoi n’a-t-elle pas remonté plus loin dans l’histoire, jusqu’à la nuit des temps ? Non, le contexte précis de cette procédure, c’est l’attaque du 7 octobre qui a déclenché une nouvelle séquence militaire.» Me Shaw remet en cause la compétence de la Cour, du fait, dit-il, qu’il n’existe pas de  réel conflit juridique entre l’Afrique du Sud et Israël. 

Pour lui, l’Afrique du Sud «n’a pas suffisamment épuisé les voies diplomatiques» et de ce fait, la CIJ «n’est donc pas compétente pour cette affaire». 

A ce moment, il tourne sa tête dans tous les sens en cherchant dans ses nombreuses feuilles. Il semble avoir perdu une des pages de sa plaidoirie, laissant l’assistance figée sur ses gestes, jusqu’à ce qu’il la retrouve. Il note que la Cij n’est pas compétente en matière de mesures conservatoires. Selon lui, le génocide  «est avant tout l’intention de détruire» et de ce fait, déclare l’avocat «la partie plaignante n’a pas pu démontrer cette intention génocidaire, si ce n’est en citant quelques discours qui seront examinés dans le fond par le système judiciaire». 

Pour Me Shaw, «Israël mène ses opérations à Ghaza sans intention de détruire la population palestinienne» et précise que «ce qui compte ce ne sont pas les discours individuels de quelques responsables», ajoutant toutefois, à propos des déclarations de Netanyahu sur d’Amalek, et les vidéos des soldats qu’elles «ont été  sorties de leur contexte». 

L’avocat perd encore une fois ses feuilles. Signe d’une désorganisation, cette perturbation fait perdre du temps. Comme pour faire baisser la tension, l’avocat fait de l’humour. «Quelqu’un a pris ma plaidoirie pour un jeu de cartes», dit il, avant de conclure : «Il n’existe pas de différend entre l’Afrique du Sud et Israël. La Cour est donc incompétente. Il n’existe pas d’intention génocidaire. Israël a le droit de se défendre en conformité avec le droit international humanitaire.» 

L’audience est levée pour une dizaine de minutes, avant que Me Galit Raguan n’emboite le pas à son confrère. Il affirme que l’exposé de la plaignante «déforme totalement la réalité des opérations militaires à Ghaza». L’avocate s’attaque au mouvement Hamas qui, selon elle, «utilise de manière systématique et généralisée les infrastructures civiles pour mener des opérations militaires». Selon l’avocate, Israël «a fait des efforts pour minimiser les dommages et pertes civiles (…)». 
 

«C’est l’Égypte qui bloque l’aide à Rafah» et «Hamas qui la vole»

Elle s’offusque contre les affirmations de la plaignante, selon lesquelles, ces mesures «ont été utilisées pour commettre le génocide à travers le déplacement et le regroupement  de la population dans des zones privées d’aide humanitaire et bombardées».  L’avocate va plus loin.  «Israël essaie de faciliter l’aide humanitaire mais celle-ci est détournée par Hamas pour ses propres besoins», dit-elle avant d’affirmer plus loin que ces mêmes aides «ne sont pas bloquées par Israël, à Rafah, mais par l’Egypte qui peut autoriser ou interdire son accès». 

Et de conclure : «Si Israël voulait commettre un génocide, est-ce qu’il déploierait autant d’efforts pour protéger les civils de Ghaza et leur apporter de l’aide humanitaire ?» Me Omri Sender tente de démontrer «l’absence» d’urgence pour une mesure conservatoire en basant sa plaidoirie sur «les aides» qui, selon lui, «s’accroissent à mesure que le conflit dure pour aider la population». 

Allant dans le même sens, Me Christopher Staker affirme que «le conflit israélo-palestinien diffère de celui russo-ukrainien, car l’opération militaire en Russie était illégale au regard du droit international». Pour l’avocat, la demande d’un cessez-le-feu est inopérante, car  l’Afrique du Sud n’est pas partie au conflit entre Israël et le Hamas. Me Staker exhorte la Cour de rejeter les huit autres mesures provisoires réclamées par la plaignante, pour les mêmes arguments. 

Me Gildas Noam, procureur adjoint israélien aux questions internationales, s’offusque lui aussi de l’accusation de génocide en déclarant : «La guerre à Ghaza est complexe et Israël la conduit en respectant le droit international.» Pour argumenter son affirmation, l’avocat évoque «l’indépendance du système judiciaire israélien qui pourrait poursuivre les auteurs d’infraction au droit, y compris de l’incitation au génocide». Il s’attaque à l’Afrique du Sud, l’accusant «de dévoyer» le sens du mot génocide et déclare : «Israël est un Etat qui respecte le droit international.» 

Une conclusion qui fait grimacer la partie sud-africaine. Toutes les plaidoiries sont accompagnées  de photos des otages détenus par la résistance palestinienne, des enregistrements sonores et vidéos, sur l’attaque du 7 octobre, mais rien sur les preuves qui démontrent que les bombardements qui ont détruit toutes les infrastructures de base et tué plus de 22 000 Palestiniens, majoritairement des femmes et des enfants. Cette audience préliminaire a pris fin vendredi, à 13h et l’affaire a été mise en délibéré.  

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