L’Afrique du Sud défendra, aujourd’hui, sa demande de «mesures conservatoires» contre Israël, devant la Cour internationale de justice (CIJ), parmi lesquelles «un cessez-le-feu immédiat» à Ghaza.
Les magistrats de la Cour internationale de justice (CIJ), organe juridique de l’Onu, s’apprêtent à entendre dès aujourd’hui, au Palais de La Haye (Pays-Bas), les moyens de défense de l’Afrique du Sud, représentée par un collectif d’avocats sud-africains, John Dugard, Adila Hassim, Tembeka Ngckaiotobi, Max Duplessis, et britanniques, Vaughan Lowe, et Blinne Ni, ainsi que trois autres, relatifs à sa demande «en indication de mesures conservatoires» afin d’«assurer la protection urgente et la plus complète possible aux Palestiniens», et de leur permettre «l’accès rapide à l’aide humanitaire», à travers un cessez-le-feu.
En clair, l’Afrique du Sud demande à la Cij «d’arrêter» le génocide commis par Israël à Ghaza afin d’«empêcher qu’il se poursuive», et ce, en attendant l’examen dans le fond de sa requête de 84 pages, déposée le 29 décembre dernier, contre Israël pour «crime de génocide» à Ghaza.
Cette plainte est soutenue jusque-là par la Malaisie, la Jordanie, la Turquie, la Colombie, le Nicaragua mais aussi par de nombreux collectifs d’avocats internationaux et une liste de 250 000 signataires d’une pétition lancée par des militants des droits de l’homme dès le début de l’année en cours.
Soutenu par les Etats-Unis, Israël sera représenté demain par quatre avocats, pour plaider devant la même juridiction contre les lourdes accusations de l’Afrique du Sud.
Celles-ci ont un «caractère génocidaire», parce qu’elles «s’accompagnent de l’intention spécifique requise de détruire les Palestiniens de Ghaza», est-il écrit dans cette requête, qui rassemble plusieurs preuves d’actes de génocide prémédités présentées en sept points : l’ampleur de la tuerie, le traitement cruel et inhumain d’un grand nombre de civils, y compris des enfants, arrêtés les yeux bandés, forcés de se déshabiller et de rester dehors par temps froid, avant d’être emmenés dans des lieux inconnus, la rupture continue des promesses de sécurité, à travers le bombardement des zones vers lesquelles les résidents ont été sommés (par des tracts) de fuir, la privation d’accès à la nourriture et à l’eau, la privation d’accès à un logement, des vêtements et une hygiène, la destruction de la vie palestinienne à Ghaza, ses villes, ses maisons, ses immeubles, ses infrastructures, ses universités et sa culture et, enfin, l’expression d’une intention génocidaire à l’encontre du peuple palestinien par des représentants de l’Etat, notamment les déclarations du Premier ministre, Benyamin Netanyahu, au récit biblique de la destruction totale d’Amalek par les Israélites, du président Isaac Herzog selon qui «c’est toute une nation qui est responsable», et du ministre de la Défense, Yoav Gallant, qui affirmait qu’«Israël se bat contre des animaux humains».
La peur d’Israël et les preuves accablantes de l’Afrique du Sud
Dès le dépôt de cette plainte, Israël a tenté d’exercer des pressions pour que la procédure judiciaire n’aboutisse pas.
Un média électronique américain, Axios, a d’ailleurs fait état d’un câble «urgent» du ministère israélien des Affaires étrangères (qu’il dit avoir obtenu auprès de trois responsables différents) transmis jeudi dernier à toutes les ambassades de l’Etat hébreu à travers le monde, leur demandant «de faire pression sur les diplomates et les hommes politiques de leurs pays d’accueil pour qu’ils publient des déclarations contre le cas de l’Afrique du Sud devant la Cour internationale de justice, qui accuse Israël d’avoir commis des génocides à Ghaza».
Envoyé aux diplomates israéliens, à une semaine des audiences devant la Cij, le câble entre dans le cadre d’une campagne de pressions internationales exercées sur la Cij, afin qu’elle n’ordonne pas une cessation de la guerre menée contre la population de Ghaza.
Axios a précisé que «le câble vise un objectif stratégique, celui d’obtenir un rejet de la demande d’injonction et de l’accusation de génocide contre Israël», ajoutant qu’il «avertissait sur les conséquences» d’une décision de la Cij, «et les implications potentielles significatives qui ne concernent pas uniquement le monde juridique.
Elles auraient des ramifications pratiques bilatérales, multilatérales, économiques et de sécurité». Cela démontre à quel point, une décision de la Cij contre l’Etat hébreu fait peur aux dirigeants israéliens. Certes, non contraignante, une décision contre Israël pourrait cependant avoir un impact considérable.
La procédure sud-africaine n’est donc pas prise à la légère. Raison pour laquelle le Premier ministre Netanyahu a désigné un avocat américain très controversé, Alan Dershowitz, cité récemment dans le scandale de pédophilie, dit «Epstein», spécialisé dans ce que les juristes qualifient de zones grises du droit international, pour répondre aux lourdes accusations aussi noires que le charbon.
Bon nombre d’experts du droit international n’ont pas exclu une victoire de l’Afrique du Sud, dans cette bataille judiciaire, d’autant qu’elle est soutenue par la Bolivie, le Nicaragua, la Jordanie, la Malaisie, la Turquie, et plus de 250 000 signataires (jusqu’à hier matin) d’une pétition en soutien à la Palestine.
D’abord parce que pour la première fois dans les requêtes pour crime de génocide, les actes se déroulent en temps réel et diffusés en direct. Ils continuent à être commis et continueront à l’être, selon les déclarations des dirigeants israéliens.
Ce qui impose une décision rapide de la Cij pour y mettre un terme afin de protéger les populations civiles. Le second point important, relevé par les spécialistes, est le fait que l’Afrique du Sud et Israël soient liés par le statut de la Cij et signataires de la Convention sur la lutte et la prévention contre le génocide.