Après 470 jours de guerre génocidaire : «Israël n’a fait aucun effort réel pour enquêter sur les accusations», affirme karim khan

19/01/2025 mis à jour: 02:30
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Karim Khan, procureur en chef de la CPI - Photo : D. R.

Le procureur en chef de la Cour pénale internationale, Karim Khan, a maintenu et défendu sa demande d’émission de mandats d’arrêt internationaux contre les dirigeants israéliens pour des crimes de guerre et contre l’humanité à Ghaza, et affirmé qu’Israël «n’a fait aucun effort réel pour enquêter» sur ces accusations. Il a qualifié «d’indésirable et de malvenu» le vote du Congrès d’une loi sanctionnant les fonctionnaires de la CPI en signe de protestation contre ses décisions à l’égard d’Israël.

Alors qu’une nouvelle plainte a été déposée devant la Cour pénale internationale (CPI) par des avocats britanniques contre dix responsables israéliens, à leur tête le président israélien, Issac Herzog, le Premier ministre Benyamin Netanyahu, l’ex-ministre de la Défense Yoav Gallant, les ministres Itamar Ben-Gvir et Bezalel Smotrich, le procureur en chef de cette haute juridiction basée à La Haye, Karim Khan, s’exprime sur son enquête et ses demandes de mandats d’arrêt contre Netanyahu et Gallant pour des crimes de guerre et contre l’humanité, liés à la guerre génocidaire menée par l’armée israélienne contre Ghaza depuis le 8 octobre 2023.

Dans un entretien accordé à l’agence britannique Reuters et publié vendredi dernier, Karim Khan a défendu son enquête et les décisions qui en ont découlé, avant d’accuser l’Etat hébreu de n’avoir fourni «aucun effort réel» pour enquêter lui-même sur ces accusations.

«Nous sommes ici en tant que tribunal de dernier recours et... au moment où nous parlons, nous n’avons vu aucun effort réel de la part de l’Etat d’Israël pour prendre des mesures qui seraient conformes à la jurisprudence établie, qui prévoit des enquêtes concernant les mêmes suspects pour la même conduite», a déclaré Karim Khan, en exprimant toutefois son souhait d’un changement de cette position.

«Cela peut changer et j’espère que cela changera.» «Une enquête israélienne aurait pu aboutir à ce que l’affaire soit renvoyée devant les tribunaux israéliens en vertu des principes dits complémentaires. Israël peut toujours démontrer sa volonté d’enquêter, même après l’émission de mandats d’arrêt» a-t-il affirmé, en mettant l’accent sur «la très bonne expertise juridique» dont dispose Israël.

Le procureur en chef de la CPI n’a pas manqué de soulever des interrogations sur la volonté d’Israël d’ouvrir des enquêtes avant d’apporter une réponse catégorique. «La question est de savoir si ces juges, ces procureurs, ces instruments juridiques ont été utilisés pour examiner correctement les allégations que nous avons vues dans les Territoires palestiniens occupés, dans l’Etat de Palestine. Et je pense que la réponse à cette question est ‘‘non’’.»

Interrogé sur l’adoption, le 9 janvier de l’année en cours, par le Congres américain de la loi «Illegitimate Court Counteraction Act», qui sanctionne la CPI en cas de décisions contre les intérêts des USA et leurs alliés, dont Israël, Karim Khan a répondu : «Il est bien sûr indésirable et malvenu qu’une institution issue de Nuremberg (...) soit menacée de sanctions. Cela devrait attirer l’attention des gens car ce tribunal n’appartient pas au procureur ou aux juges. Nous avons 125 Etats. C’est une question qui devrait préoccuper toutes les personnes de conscience.»

Une nouvelle plainte contre huit dirigeants d’Israël

Le magistrat a, cependant, refusé de discuter davantage de ce que les sanctions pourraient signifier pour la Cour, dont la présidence avait déjà déclaré qu’elle prenait «acte du texte avec inquiétude et averti qu’il pourrait priver les victimes d’atrocités de justice et d’espoir». Ces sanctions contre la CPI, faut-il le rappeler, avaient été imposées en 2020, par le gouvernement de Donald Trump, à la suite des enquêtes pour crimes de guerre, notamment la torture, commis en Afghanistan par l’armée américaine, avant que Joe Biden ne les gèle dès son arrivée à la Maison-Blanche.

En plus de l’enquête menée par la CPI sur la guerre à Ghaza, la CPI a été destinataire, il y a un mois, d’une autre plainte de 170 pages, émanant d’un avocat franco-israélien, Omer Shatz, au nom des familles franco-palestiniennes, accusant huit dirigeants israéliens d’«incitation au génocide» à Ghaza, à savoir le président de l’Etat hébreu Isaac Herzog, le Premier ministre Benyamin Netanyahu, l’ex-ministre de la Défense Yoav Gallant, le ministre de la Défense Israël Katz, le général à la retraite Giora Eiland, le ministre des Finances Bezalel Smotrich, le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir et le journaliste de télévision Zvi Yehezkeli.

L’avocat a estimé avoir suffisamment de documents qui prouvent que les mis en cause ont «publiquement et directement incité d’autres à commettre le génocide contre les Palestiniens de Ghaza». Il a affirmé avoir collecté de nombreuses preuves, notamment les déclarations de chacun d’entre eux qui incitent au génocide, mais aucune décision n’a été prise contre eux.

Sa plainte rejoint plus d’une dizaine d’autres déposées contre des militaires israéliens auprès de la CPI par la fondation internationale Hind Jaber, domiciliée à Bruxelles, qui traque les soldats israéliens qui participent à la guerre génocidaire à Ghaza. La fondation a identifié de nombreux militaires entre officiers actifs et réservistes, qui se sont filmés sur les lieux du crime puis ont diffusé leurs vidéos sur la Toile, se vantant de leurs «exploits», qualifiés par les juristes de la fondation de crimes de guerre et contre l’humanité.

Les procédures liées aux violations du droit international par l’armée israélienne sont également engagées contre l’Etat hébreu devant la Cour internationale de justice (CIJ), la plus haute institution judiciaire de l’Onu, basée à La Haye, après que l’Afrique du Sud l’a accusé d’avoir violé le statut de Rome portant sur les actes de génocide.

De nombreux Etats ont soutenu cette action et le dernier a été Cuba, durant la semaine écoulée. 
Le président de la CIJ, Nawaf Salam, a démissionné après sa nomination en tant que chef du gouvernement libanais. Elue vice-présidente, l’Ougandaise Julia Sebutinde, un des juges les plus proches d’Israël après avoir voté contre toutes les mesures imposées à l’Etat hébreu, est aujourd’hui en passe de remplacer Nawaf Salam, sauf surprise.

Le cessez-le-feu à Ghaza pourrait porter les livraisons d’aide à 600 camions par jour

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a fait part de son optimisme quant à l’augmentation potentielle de l’aide humanitaire à la population palestinienne à Ghaza, dévastée par plus de 15 mois d’agression génocidaire sioniste. «L’objectif est d’acheminer entre 500 et 600 camions par jour au cours des prochaines semaines», a déclaré vendredi le Dr Rik Peeperkorn, représentant de l’OMS dans les Territoires palestiniens occupés.

Cela représenterait «une énorme augmentation» par rapport aux 40 à 50 camions qui ont atteint Ghaza ces derniers mois, et serait similaire au niveau d’aide qui atteignait l’enclave palestinienne avant le début de l’agression sioniste le 8 octobre 2023, qui a considérablement réduit les livraisons de secours.

S’exprimant depuis Ramallah, le médecin de l’OMS a qualifié l’annonce du cessez-le-feu de «signe d’espoir», mais il a averti que le défi était énorme et décourageant, en raison des pénuries chroniques et graves de nourriture, de carburant et de fournitures médicales.

 

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