Alors que les négociations pour une trêve humanitaire piétinent : La Bande de Ghaza «inhabitable»

22/02/2024 mis à jour: 06:53
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Aucun endroit n’est sûr dans l’enclave palestinienne. L’armée d’occupation israélienne y a pratiquement tout détruit - Photo : D. R.

Le déluge de feu qui s’est abattu dans la nuit de mardi à mercredi  sur les villes déjà exsangues de Khan Younès et de Deir Al Balah  a encore semé le chaos.

Dans la guerre sanglante qu’inflige l’armée d’occupation israélienne aux Palestiniens de Ghaza, la situation humanitaire atteint des niveaux catastrophiques et les espoirs d’un cessez-le-feu ou même d’une trêve humanitaire s’amenuisent. L’objectif de l’armée sioniste est évident : vider l’enclave palestinienne, en la rendant «inhabitable».

Le déluge de feu qui s’est abattu dans la nuit de mardi à mercredi sur les villes déjà exsangues de Khan Younès et de Deir Al Balah a encore semé le chaos. Au moins 15 personnes ont été tuées dans un bombardement visant une maison à Deir Al Balah, dans le centre du territoire, selon le ministère palestinien de la Santé à Ghaza.

Des frappes ont également touché Khan Younès. Des experts militaires avertissent que l’objectif apparent de ces attaques ainsi que des menaces d’une offensive d’envergure dans la région surpeuplée de Rafah est de vider l’enclave palestinienne de ses habitants. Dans une récente intervention médiatique, l’ancien militaire français, Guillaume Ancel, a ainsi expliqué qu’une opération militaire de grande envergure n’a pas d’intérêt stratégique et aurait pour conséquence de rendre l’enclave palestinienne «inhabitable». «Rafah est le seul centre urbain qui n’a pas été détruit par l’armée israélienne.

Le gouvernement veut donc achever ici la destruction des infrastructures de la Bande de Ghaza pour la rendre inhabitable. Ce que cherche Netanyahu, c’est vider la Bande de Ghaza des Palestiniens sous couvert de lutter contre le Hamas», juge l’ancien officier.

Il est à rappeler, à ce propos, que le 8 février, le chef des droits de l’homme de l’ONU, Volker Türk, avait accusé l’armée israélienne de détruire tous les bâtiments de la Bande de Ghaza situés à moins d’un kilomètre de la barrière entre Israël et Ghaza, dans le but de créer une «zone tampon».

Outre la destruction des terres agricoles, l’armée israélienne a anéanti de nombreux bâtiments de l’enclave palestinienne. Selon une étude israélienne, près de 40% des bâtiments de la Bande de Ghaza avaient été détruits au 17 janvier.

Ces destructions renforcent «le déplacement des communautés qui vivaient dans ces zones avant l’escalade des hostilités, et semblent avoir pour objectif ou pour effet de rendre impossible le retour des civils dans ces zones», avait dénoncé Volker Türk, rappelant aux autorités que «le transfert forcé de civils peut constituer un crime de guerre».

«Attachement des Palestiniens à leur terre»

En cas d’échec d’éventuelles nouvelles négociations entre Israël et le Hamas, la perspective d’une grande offensive militaire sur la ville de Rafah fait craindre le pire pour les réfugiés palestiniens alors que plus de 29 000 personnes ont déjà été tuées à Ghaza depuis le début de la guerre. Bien que le chef du Hamas, Ismaïl Haniyeh, soit arrivé au Caire mardi pour de nouvelles négociations  sur une trêve avec des responsables égyptiens, les chances d’aboutir à un accord semblent minces.

Encouragé par l’impunité dont il semble faire l’objet après cinq mois d’un massacre barbare contre les Palestiniens de Ghaza, Israël reste hermétique à tous les appels à la raison, qualifiant de  «délirantes» les demandes du Hamas d’un cessez-le-feu, un retrait israélien de Ghaza, la fin du blocus israélien du territoire palestinien et un abri sûr pour les centaines de milliers de civils palestiniens déplacés par la guerre.

«Plus que sur le Hamas, il s’agit ici de mettre la pression sur les partenaires impliqués dans les négociations, c’est-à-dire l’Egypte, le Qatar et les Etats-Unis», estime, dans les médias, l’enseignant-chercheur et docteur en histoire militaire, Tewfik Hamel, qui voit dans l’ultimatum lancé par Israël un appel à la capitulation du mouvement islamiste.

Il poursuit : «Le gouvernement israélien actuel rejette la création d’un Etat palestinien. Dans cette optique, l’option la plus raisonnable revient à chasser les Palestiniens de ce territoire (…) Cependant, l’attachement des Ghazouis reste fort, car ils savent que dès qu’il y a eu un déplacement de population, l’option du retour était ensuite complètement exclue.»

Dans les faits, une offensive à Rafah, selon Médecins sans Frontières (MSF), transformerait cette ville en «cimetière», accentuant le risque de famine. Face à cette situation critique, Brett McGurk, conseiller du président américain, Joe Biden, pour le Moyen-Orient, se rend dans la région pour tenter de faire avancer un accord. Il faut dire qu’avec près d’un million et demi de personnes, selon l’ONU, la population de Rafah  a été multipliée par six depuis le début de la guerre en octobre.

Les habitants sont pris au piège, alors que les frappes israéliennes visent la ville quotidiennement, préparant le terrain pour une offensive terrestre israélienne. Les rapports des organisations humanitaires sont de plus en plus alarmants sur la situation dans la Bande de Ghaza, où 2,2 millions de personnes sont menacées de famine. Selon les agences de l’ONU, les denrées alimentaires et l’eau potable sont devenues «extrêmement rares» et 90% des jeunes enfants souffrent de maladies infectieuses.

Insécurité alimentaire

Dévastée et assiégée par Israël, près de 2,2 millions de personnes y sont menacées de famine. Les denrées alimentaires et l’eau potable sont devenues extrêmement rares, et le Programme alimentaire mondial (PAM) a suspendu la distribution de son aide dans le nord du territoire en raison du chaos.

Le dernier «Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire» (IPC), publié en décembre 2023 et repris par l’agence APS,  note que plus de 90% de la population ghazaouie est confrontée à un niveau élevé d’insécurité alimentaire aiguë, suite aux frappes des machines de guerre sionistes.

Les épidémies actuelles de maladies diarrhéiques et d’hépatite A, entre autres, sont perçues comme des indicateurs de l’état de santé «dramatique», affecté par «les conditions désastreuses de l’eau et de l’assainissement qui touchent tout le monde dans la bande de Ghaza».

Plus de 312 000 cas d’infections respiratoires aiguës et plus 222 000 cas de diarrhée aqueuse aiguë ont été enregistrés, dont 118 000 cas chez des enfants de moins de cinq ans, selon un décompte effectué entre le 16 octobre 2023 et le 13 février 2024 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Sur la même période, près de 75 000 cas de gale et de poux, près de 50 000 cas d’éruptions cutanées ont été signalés, dépassant de loin l’incidence des années précédentes.

Les agences humanitaires ont précisé que les cas signalés jusqu’à présent «ne donnent qu’un aperçu limité de l’ampleur de la catastrophe sanitaire». Quelques voix s’élèvent contre l’ignominie israélienne. Hier, le Mouvement des pays non-alignés (MNA) a condamné l’agression continue contre le peuple palestinien dans la Bande de Ghaza, appelant à un cessez-le-feu immédiat. 
 

 

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