En pleine escalade des tensions au Moyen-Orient, un groupe de huit journalistes marocains du secteur public et privé a effectué une visite en Israël du 4 au 9 novembre. Cette invitation, émise par le gouvernement israélien et organisée par le bureau de liaison israélien à Rabat, a suscité de vives réactions au sein de l’opinion publique marocaine et arabe, en raison du contexte actuel de violences intensifiées à Ghaza et des attaques qui se sont étendues jusqu’au Liban.
Les journalistes ont pris un vol direct de la compagnie El Al israélienne lundi dernier, reliant l’aéroport de Paris-Charles de Gaulle à l’aéroport international Ben Gourion à Tel-Aviv. La délégation marocaine a été chaleureusement accueillie à l’aéroport Ben Gourion avant de se rendre à Jérusalem, la ville sainte occupée où Gilad Shadmon, directeur général du ministère de la Coopération régionale d’Israël, a organisé un dîner spécial en son honneur.
Au programme figurent plusieurs escales, notamment une visite au poste-frontière de Kerem Shalom, par lequel transitent les aides humanitaires à destination de la bande de Ghaza, ainsi qu’au site de Réïm, qui a été le théâtre d’une attaque menée par le mouvement Hamas lors du festival de musique Nova le 7 octobre 2023, dans le cadre de l’opération «déluge d’Al Aqsa».
Le programme comprend également une rencontre avec Avichay Adraee, porte-parole arabophone de l’armée israélienne, afin de «prendre connaissance du récit israélien des événements en cours». Visiblement, cette visite s’inscrit dans le cadre de la propagande israélienne visant à promouvoir son point de vue concernant les opérations militaires dans la bande de Ghaza et au Liban. Le Front marocain de soutien à la Palestine et de lutte contre la normalisation a initié une manifestation sur la place Bab Lamrissa dans la ville de Salé en soutien aux peuples palestinien et libanais qui subissent les attaques de l’armée israélienne.
Les manifestants ont exprimé leur refus et leur indignation face à la «visite actuelle d’un groupe de journalistes marocains en Israël», et appelé à mettre fin à la «normalisation officielle avec l’entité usurpatrice et occupante». Cette visite, entourée de discrétion, soulève de multiples interrogations quant au timing et aux objectifs poursuivis. Avichay Adraee n’a pas réagi sur Facebook à cette rencontre. Il en est de même pour la page arabe du ministère des Affaires étrangères, sur le même réseau social. Le bureau de liaison israélien à Rabat observe aussi le silence sur cette visite.
Stratégie d’influence et réactions en chaîne
Certains analystes soulignent que cette visite pourrait être perçue comme un moyen pour Israël de polir son image dans la région, à travers une communication plus nuancée et des témoignages directs de journalistes arabes. Cependant, cette stratégie reste controversée, surtout dans un contexte de conflit où chaque geste est minutieusement scruté par le public et les instances politiques. L’opinion publique marocaine demeure largement solidaire de la cause palestinienne, et la question des relations avec Israël continue d’être «une ligne de fracture dans le débat politique et social».
La visite des journalistes marocains en Israël cristallise ainsi les tensions et les débats autour de la question palestinienne au Maroc, qui se retrouve à la croisée des chemins. Sa diplomatie doit tenir compte de l’attachement populaire fort à cette cause. Alors que les images et les récits de souffrances civiles à Ghaza et en Cisjordanie envahissent les médias, ce voyage est perçu par certains analystes comme un soutien implicite à Israël, et il risque d’intensifier les tensions entre ceux qui militent pour les droits des Palestiniens et les partisans d’une coopération avec l’entité sioniste.
Ce déplacement est également perçu comme un test pour l’image de la presse marocaine, dans un contexte où les questions de solidarité avec la Palestine restent délicates. Cette visite a suscité la colère des Marocains et le mécontentement s’est propagé sur les réseaux sociaux à travers des messages critiquant la voie de «normalisation médiatique» empruntée par certains «professionnels» locaux.
«Les professionnels des médias marocains pour la Palestine et contre la normalisation» ont réaffirmé leur position ferme et de principe, en condamnant cette visite «rejetant la normalisation avec cette entité criminelle», et affirment «leur ferme soutien à la question palestinienne, considérée comme une cause nationale». Ils considèrent cette visite comme «une tentative désespérée de faire progresser la position du peuple marocain, et la position de la presse en particulier sur la question palestinienne, qui est une position constante exprimée à travers des marches de solidarité dans tous les villes marocaines».