Surenchère de l’extrême droite et crise diplomatique française : Les critiques de Ségolène Royal et Benjamin Stora

02/02/2025 mis à jour: 16:21
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Ségolène Royal - Benjamin Stora / Photos : D. R.

Ségolène Royal et l’historien Benjamin Stora n’ont pas hésité, dans des interviews accordées à des chaînes françaises, à exprimer leur désapprobation face aux attaques des acteurs de l’extrême droite contre l’Algérie.

La détérioration des relations entre l’Algérie et la France, aggravée par le forcing des acteurs politiques de la droite et de l’extrême droite, fait réagir à nouveau des voix de la sagesse. Deux personnalités françaises montent, en effet, au créneau pour appeler, notamment le gouvernement français, à la raison.

Il s’agit de l’ancienne ministre et carde du Parti socialiste, Ségolène Royal, et de l’historien spécialiste de l’Algérie, Benjamin Stora. Ils n’ont pas hésité, dans des interviews accordées à deux chaînes françaises d’information, à exprimer leur désapprobation face aux attaques des acteurs de l’extrême droite contre l’Algérie et la gestion de la crise actuelle par le gouvernement d’Emmanuel Macron.

Invitée par BFMTV, Ségolène Royal a battu en brèche tous les arguments des acteurs des nostalgiques de l’Algérie française qui reposent, selon elle, «sur des stéréotypes et des préjugés mal informés». Elle affirme que la guerre d’Algérie ne doit pas être oubliée, mais surtout ne doit pas être réécrite par les partisans de la haine. «La guerre d’Algérie a été une atrocité qui a détruit tout ce que ce pays avait de bon avant que les Français ne l’occupent», déclare-t-elle.

Aux promoteurs du discours selon lequel la «France a civilisé l’Algérie à travers sa colonisation», elle répond par des faits : «L’Algérie, c’était une grande civilisation, il ne faut pas oublier ça, quand on les entend (les acteurs de l’extrême droite, ndlr), on a l’impression que la France est arrivée et a trouvé des sauvages ! Pas du tout, il y avait une grande civilisation algérienne, il y avait une culture, un développement économique, des structures familiales et villageoises. Tout cela a été brisé, broyé par cette effroyable guerre d’Algérie.»

«Il faut arrêter tous les discours méprisants»

Rappelant la nécessité de se souvenir de l’histoire commune, aussi douloureuse soit-elle, l’intervenante plaide pour le respect de l’Algérie et de son passé pour «bâtir une relation apaisée entre les deux nations». «Il faut arrêter tous les discours méprisants à l’égard de l’Algérie», lance-t-elle, soulignant que «de tels propos ne font que raviver les blessures du passé, et ce, non seulement en France, mais dans tout le continent africain».

Ce faisant, elle rappelle que son père était un ancien combattant de la guerre d’Algérie qui n’a jamais exprimé de ressentiment envers les combattants algériens. «J’en parle en connaissance de cause, mon père a fait la guerre d’Algérie, je n’ai jamais entendu mon père dire du mal des combattants algériens qui combattaient courageusement pour libérer leur pays», témoigne-t-elle.

Mme Royal n’a pas hésité également à clouer au pilori le ministre français de l’Intérieur, Bruno Retailleau, en dénonçant son discours «irresponsable» qui ne fait qu’envenimer les relations déjà fragiles entre la France et l’Algérie.

Elle déplore, dans ce sens, une «démarche électoraliste» qui cherche à capter l’électorat d’extrême droite, en stigmatisant un pays avec lequel la France a pourtant des liens stratégiques importants. Insistant sur «le respect mutuel entre les peuples» et la «nécessité d’une réconciliation historique», l’ancienne ministre plaide pour «une politique étrangère française qui ne se nourrit pas des divisions internes, mais qui cherche à renforcer les ponts, notamment avec les pays africains».

«Conséquence de la crise politique en France»

Pour sa part, l’historien Benjamin Stora qualifie la crise actuelle entre Alger et Paris d’inédite. «C’est la crise la plus grave, la plus importante depuis l’indépendance de l’Algérie. Il y avait eu une crise très grave aussi en 1971, lorsque le président Houari Boumediène avait nationalisé les hydrocarbures. Mais cette fois-ci, la crise est beaucoup plus importante», fait-il remarquer dans un entretien accordé à France 24.

Selon lui, l’élément déclencheur de cette crise est «les déclarations d’Emmanuel Macron concernant la marocanité du Sahara occidental en juillet dernier», ce qui, dit-il, «représente une rupture majeure par rapport à la position traditionnelle de Paris sur ce dossier». «Les autorités algériennes estiment qu’elles n’ont pas été prévenues de ce tournant brusque sur la marocanité du Sahara occidental, même si Emmanuel Macron affirme qu’il avait prévenu auparavant le président Tebboune.

Ces mots ont mis le feu aux poudres», indique-t-il. Déplorant la «surenchère et l’escalade verbale», Benjamin Stora estime que cette «crise diplomatique s’ajoute à une crise politique en France, suite à la dissolution de l’Assemblée nationale». 

Selon lui, Emmanuel Macron «s’est appuyé sur la droite et l’extrême droite pour gouverner et qui sont historiquement proches de la monarchie marocaine et, souvent, hostiles à l’Algérie». «De même, les islamo-conservateurs ont pris l’ascendant en Algérie s’appuyant sur un très fort courant nationaliste», estime-t-il, précisant que cela «fait des relations avec la France un sujet sensible». 

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