Les capitales occidentales découvrent, avec stupeur, que les Palestiniens restent encore capables de réactions guerrières en portant l’action militaire sur des terroirs censément pacifiés par la toute puissance israélienne. L’offensive spectaculaire, conduite à l’aube de ce 7 octobre par les troupes d’élite du mouvement Hamas et baptisée le «Déluge d’Al Aqsa», a ébranlé, en profondeur, énormément de certitudes et de faits accomplis.
Sur le plan militaire, le mode opératoire est pour le moins inédit et audacieux : des ULM survolant les clôtures isolant la bande de Ghaza, des engins de travaux publics au sol forçant le passage et des pick-up chargés d’hommes armés se portant à l’assaut des colonies israéliennes et des sections blindées qui les protègent, au moment où des villes, à l’image de la lointaine capitale Tel-Aviv, sont réveillées par un déluge de roquettes.
Les images filmées par les combattants du Hamas en action font le tour du monde et participent, depuis avant-hier, à abattre le mythe de l’invincibilité de l’armée israélienne. Les centaines de prisonniers faits par les assaillants et conduits dans des lieux secrets à Ghaza est un autre «affront» inédit qui remet en question la supériorité de l’occupant, notamment cette capacité présumée à anticiper les événements et pister au plus près les mouvements des résistants palestiniens, grâce à un service de renseignement que l’on dit le plus performant au monde.
Plus qu’une opération ciblant des objectifs militaires au sens tactique, l’attaque, que continuent à exécuter les éléments du Hamas depuis 36 heures, arrive pour l’heure à démystifier les arguments de puissance de l’ennemie : ce 7 octobre 2023, «un jour noir pour Israël», selon l’aveu même de Benyamin Netanyahu.
Pris lui et son gouvernement au dépourvu, le Premier ministre n’as pas trouvé de mots assez menaçants et assez forts pour à la fois promettre l’enfer aux Palestiniens de Ghaza et rassurer l’opinion publique israélienne qui doit revivre aujourd’hui un syndrome similaire à celui enduré, il y a un demi-siècle exactement, lors de la guerre d’octobre 1973.
Comme il y a 50 ans, c’est l’allié américain qui met le plus de diligence et de conviction à afficher le soutien «inébranlable» à Israël. «J’ai fait savoir au Premier ministre Netanyahu que nous étions prêts à offrir tous les moyens de soutien appropriés au gouvernement et au peuple israéliens», a déclaré Joe Biden quelques heures après le début de l’offensive. Un soutien qui peut aller jusqu’à l’assistance militaire directe pour Tsahal, selon ce qui se dit à Washington. Exit donc les formules diplomatiques, l’heure étant trop grave pour l’allié israélien, et son hégémonie indiscutée dans la région. L’Europe, par la voix de la présidente de la commission européenne, a pour sa part tenu rapidement à assurer que l’UE «se tient au côté d’Israël», auquel elle reconnaît le «droit de se défendre».
Le concert des réactions dans la sphère occidentale, relayé par une puissante machine médiatique, fait allègrement l’impasse sur les conditions qui ont, pendant des décennies de statu quo politique, de blocus inhumain sur Ghaza, de répression et de colonies ont fini par pousser les Palestiniens dans leur derniers retranchements. Une situation qui s’est aggravée depuis l’arrivée du gouvernement Netanyahu au pouvoir à Tel-Aviv, il y a deux ans, et le regain d’extrémisme sioniste qui en a résulté. L’Autorité palestinienne, restée la seule à croire encore à une solution négociée, sous l’égide des instances de l’ONU ou sous parrainage occidentale, a vu ses maigres pouvoirs sapés et son isolement se resserrer.
Enfin, le forcing fait par les puissances occidentales, pour amener la communauté des Etats arabes à formaliser une normalisation des relations avec Tel-Aviv, a achevé à convaincre les Palestiniens, à Ghaza en Cisjordanie, que l’histoire risquait de s’écrire non seulement sans eux, mais surtout à leur détriment.