Restrictions à l’entrée de l’aide humanitaire : L’ONU évoque un «crime de guerre» à Ghaza

20/03/2024 mis à jour: 17:18
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Plus de 1,1 million de Ghazaouis sont confrontés à une situation de famine imminente - Photo : D. R.

Les agences spécialisées de l’ONU ont averti que la situation alimentaire catastrophique affecte la moitié de la population de la bande de Ghaza et que la famine pourrait sévir dans le Nord dès le mois de mai si des mesures d’urgence ne sont pas prises.

Les crimes d’Israël perpétrés dans la bande assiégée de Ghaza s’accumulent, dévoilant au monde le visage hideux et sinistre de l’entité sioniste. Les sévères restrictions imposées par Israël à l’entrée de l’aide humanitaire à Ghaza suscitent des préoccupations profondes au sein de la communauté internationale.

Les Nations unies, par le biais du Haut-Commissariat des droits de l’homme, estime que l’utilisation de la faim par Israël pourrait constituer «un crime de guerre». A cela s’ajoutent les bombardements incessants, les snipers qui visent sciemment – selon les témoignages de médecins revenus de l’enfer de Ghaza – des enfants, les déplacements forcés et la ferme volonté du Premier ministre israélien de bombarder la région surpeuplée de Rafah.

Jeremy Laurence, porte-parole du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, a exprimé son inquiétude lors d’un briefing à Genève.

Il a souligné que les restrictions massives imposées par Israël à l’aide humanitaire, combinées à «la manière dont il continue de mener les hostilités», pourraient être assimilées à l’utilisation délibérée de la famine comme arme de guerre, une violation grave du droit international humanitaire.

Volker Türk, haut commissaire aux droits de l’homme, a également pointé du doigt Israël, le désignant comme responsable de la situation alimentaire désastreuse dans la bande de Ghaza, en particulier dans sa partie nord.

Türk a souligné que la faim et la famine résultent des restrictions étendues imposées par Israël à l’entrée et à la distribution de l’aide humanitaire, ainsi que des déplacements massifs de population et de la destruction d’infrastructures civiles essentielles.

Les agences spécialisées de l’ONU ont averti que la situation alimentaire catastrophique affecte la moitié de la population de la bande de Ghaza et que la famine pourra sévir dans le nord dès le mois de mai si des mesures d’urgence ne sont pas prises.

Plus de 1,1 million de Ghazaouis sont confrontés à une situation de famine imminente, selon le rapport du Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC) publié récemment, marquant ainsi le nombre le plus élevé jamais enregistré par l’ONU. «Israël, en tant que puissance occupante, a l’obligation d’assurer la fourniture de nourriture et de soins médicaux à la population en fonction de ses besoins et de faciliter le travail des organisations humanitaires pour fournir cette assistance», souligne encore le haut commissaire.

Ces préoccupations ont été renforcées par les déclarations d’Antony Blinken, secrétaire d’État américain, qui a souligné que la totalité de la population de Ghaza fait face à une insécurité alimentaire grave. Blinken a exprimé la nécessité d’augmenter l’aide humanitaire dans la région, décrivant la situation comme «épouvantable» et appelant à une action urgente pour répondre aux besoins critiques de la population.

Les appels à l’action pour résoudre la crise humanitaire à Ghaza se multiplient, et la pression sur Israël pour lever les restrictions et permettre un accès sans entrave à l’aide humanitaire continue de croître. Beth Bechdol, directrice générale adjointe de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), a confirmé à l’AFP que «sans changements dans l’accès à l’aide humanitaire, la famine arrive» dans le nord de Ghaza.

Elle a ajouté qu’il était possible que la famine sévisse déjà dans cette région, bien que cela n’ait pas encore pu être vérifié, en raison de l’absence d’accès aux territoires concernés.

Des négociations cahin-caha

Pendant que les Palestiniens de Ghaza sont confrontés à des souffrances indicibles, les efforts diplomatiques pour parvenir à une trêve entre Israël et le Hamas se poursuivent, avec des pourparlers en cours à Doha, au Qatar. Ces discussions – qui tardent à porter leurs fruits – visent à mettre fin aux bombardements incessants, en contrepartie d’une libération des otages israéliens.

Hier, le départ du chef des services de renseignement israéliens, David Barnea, de Doha a été confirmé par le porte-parole du ministère des Affaires étrangères qatari, Majed El Ansari. Cependant, les équipes techniques continuent de se réunir pour examiner les détails d’un éventuel accord.

Ansari reste prudent quant à l’imminence d’une résolution, estimant qu’il est encore trop tôt de déclarer un succès dans les pourparlers. «Nous en sommes au point où nous espérons qu’une contre-proposition sera présentée au Hamas, mais ce n’est pas la dernière étape du processus», a-t-il affirmé dans une déclaration reprise par l’agence AFP. «Je ne pense pas que nous puissions dire que nous sommes proches d’un accord.

Nous sommes prudemment optimistes car les négociations ont repris, mais il est trop tôt d’annoncer un succès», a-t-il ajouté. Lundi, des signes positifs sont apparus, avec des discussions jugées «positives» par le site américain Axios.

Les négociateurs israéliens ont même choisi de prolonger leur séjour à Doha pour poursuivre les pourparlers. Le Hamas, quant à lui, a exprimé sa volonté d’accepter une trêve de six semaines, une position qui marque un changement par rapport à sa demande précédente d’un cessez-le-feu définitif.

Parallèlement aux pourparlers de Doha, le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, prévoit de se rendre cette semaine en Arabie saoudite puis en Égypte pour discuter de la situation et poursuivre les efforts de médiation.

Les États-Unis exercent une pression sur Israël pour éviter une offensive d’envergure dans la ville de Rafah, dans le sud de Ghaza, qui risquerait d’aggraver la situation humanitaire déjà critique et y renforcerait l’anarchie, arguant que cela isolerait leur allié israélien sur la scène internationale.

Le président Biden a sollicité l’envoi d’une délégation israélienne à Washington pour, selon ses mots, «discuter de stratégies visant à cibler le Hamas sans recourir à une offensive terrestre généralisée à Rafah».

Faisant fi des mises en garde internationales, l’armée d’occupation israélienne a intensifié ses opérations, hier matin, poursuivant une offensive lancée la veille contre le complexe hospitalier Al Shifa, situé dans la ville de Ghaza. Lundi, elle a annoncé avoir arrêté «plus de 200 terroristes présumés».

Les combats, accompagnés de bombardements aériens, ont fait rage lundi autour et à l’intérieur du complexe, déjà pris d’assaut par l’armée le 15 novembre, avant qu’elle ne se retire. Le ministère de la Santé à Ghaza a fait état, hier, de dizaines de martyrs et de blessés près de l’hôpital ainsi que dans les quartiers El Rimal et El Nasr (dans les alentours de l’hôpîtal Al Shifa).

Les images qui nous parviennent montrent une véritable boucherie dans cette partie de l’enclave déjà exsangue. Le ministère palestinien de la Santé a également signalé 78 décès lors des opérations israéliennes en soirée et durant la nuit à travers toute la bande de Ghaza, dont 15 personnes, parmi lesquelles des femmes et des enfants, à Rafah.

Depuis le début des opérations militaires israéliennes, le ministère de la Santé à Ghaza estime à 31 819 le nombre de morts, majoritairement des civils.

«C’était clair qu’on tirait sur des enfants»

Les témoignages des rares personnes qui ont pu entrer dans le territoire palestinien sous le feu des bombes israéliens font froid dans le dos.

De retour après plusieurs semaines passées à l’hôpital européen de Ghaza, deux médecins français décrivent des chirurgies réalisées dans des conditions «terribles» dans l’enclave palestinienne ravagée par la guerre. Ils témoignent du chaos régnant à Ghaza, avec de nombreuses personnes déplacées par les combats trouvant refuge dans les couloirs et les salles d’attente des hôpitaux.

Le docteur Khaled Benboutrif, urgentiste toulousain, qui s’est rendu dans le sud de la bande de Gahza entre le 22 janvier et le 6 février avec l’association médicale Palmed, spécialisée dans l’aide aux Palestiniens, a souligné, dans un témoignage publié par l’AFP, le manque de moyens pour assurer l’asepsie, essentielle pour prévenir les infections, dans les services hospitaliers. Il a décrit la difficulté de trouver des espaces de soins adéquats, avec un manque criant de brancards, contraignant le personnel médical à traiter des blessés graves à même le sol.

Son collègue, Pascal André, infectiologue, a observé entre le 8 et le 22 février que «de nombreux patients développaient des infections graves post-opératoires, attribuables à un bloc opératoire insuffisamment propre, en raison du manque d’antiseptique.

On est dans une situation qui est innommable, injustifiable», a estimé le médecin français. «La chirurgie se pratique dans des conditions qui sont terribles parce que les gens ne peuvent pas se nettoyer avant correctement», a détaillé Pascal André.

Il a mentionné le cas tragique d’une jeune mère décédée, faute d’accès à son traitement contre le diabète, déplorant des décès évitables qui ne sont pas comptabilisés dans le bilan quotidien des victimes à Ghaza.

«J’ai vu, en réanimation, des patients qui avaient des tuyaux dans la bouche, qui étaient ventilés et qui avaient les yeux ouverts parce qu’il n’y avait pas assez d’hypnotique», a raconté avec émotion le docteur André, expliquant que de nombreux camions d’aide humanitaire restent bloqués à la frontière avec l’Egypte.

Le médecin, installé à Rodez, dans l’Aveyron, a assuré que certains patients «hurlaient parce qu’il n’y avait pas d’anesthésique» et a expliqué que le manque de médicaments affectait ceux atteints maladies chroniques.

Outre les victimes de bombardements, le docteur Benboutrif a expliqué avoir reçu aux urgences «plusieurs victimes de snipers». «C’était clair qu’on tirait sur des enfants.

C’était bien cadré, c’était bien calculé», a estimé le médecin évoquant le cas d’une petite fille de 11 ans, devenue tétraplégique, après avoir été touchée par une balle dans les cervicales.

Les deux médecins ont regretté le manque d’attention accordé à leur témoignage depuis leur retour en Europe. «Je suis en souffrance de ce silence», a conclu le docteur André.
 

 

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