Repère / Des linceuls pour Ghaza

21/11/2024 mis à jour: 11:08
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Il n’y a pas d’échappatoire, il n’y a pas d’issue, laissons Beyrouth derrière nous, la mer nous fait face, nous renaissons», déclamait le grand poète palestinien Mahmoud Darwiche en février 1983 devant le Conseil national palestinien réuni à Alger. 

Six mois auparavant, la résistance regroupée au sein de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), assiégée dans Beyrouth, pendant des semaines par des bataillons de l’armée israélienne avec l’appui des milices chrétiennes libanaises, quittait la capitale du Liban, dans la chaleur et la torpeur de l’été 1982 pour s’embarquer vers l’Egypte, Tunis, Alger…


Alger, quelques mois plus tard, l’instance suprême, le Parlement en exil palestinien, tient sa session au grand complet. Tous les leaders de la résistance étaient présents : Yasser Arafat, le chef de l’OLP bien sûr, mais aussi le Dr Georges Habbache, Nayef Hawatmeh, Abou Jihad et bien d’autres pour une réunion qui allait être déterminante pour la résistance palestinienne. Tous les présents avaient compris l’enjeu vital qui se profilait. Tous, y compris le chantre palestinien qui, à travers son long poème épique, écrit pour la circonstance, allait exhorter les participants, les chefs et les militants à reprendre la lutte après avoir quitté Beyrouth «la bien et mal-aimée à la fois», comme il se plaisait à le répéter.

Quarante et un ans plus tard, aujourd’hui et après plus de 400 jours d’une agression génocidaire contre Ghaza, ordonnée par Netanyahu et ses ministres racistes, et qui ajoute de l’horreur au quotidien insoutenable de deux millions de Ghazaouis, le farouche attachement des Palestiniens à leur terre ne semble pas pour autant avoir été entamé. Forcés de se déplacer du nord au sud de l’enclave et inversement, ne sachant où aller pour se mettre en sécurité, la plupart d’entre eux se résignent à rejoindre des abris de fortune en attendant la mort, enfermés qu’ils sont dans cette prison à ciel ouvert de 360 km2, à la merci des drones, des bombes, des tirs de l’artillerie, des chars et de l’aviation israélienne. 

Nul endroit n’est véritablement sûr, ni école, ni hôpital, ni même lieu de culte. Après plus de 400 jours de massacres au quotidien, de crimes de guerre perpétrés par les racistes sionistes de Tel-Aviv, Ghaza dévastée n’est plus qu’un champ de ruines. Les images retransmises par les réseaux sociaux ou par la chaîne Al Jazeera sont insoutenables et témoignent du degré d’inhumanité dont fait preuve Israël à l’égard des Palestiniens, dans l’indifférence totale des capitales occidentales face à ce qui se précise, de jour en jour, comme étant un véritable nettoyage ethnique. Une indifférence qui, avec la persistance de ce drame, prend de plus en plus les contours d’une complicité face à l’impunité dont jouit l’entité sioniste, notamment de la part de son puissant allié américain. Et ce, en dépit des condamnations de la Cour internationale de justice ou de la Cour pénale internationale et de la reconnaissance de l’Etat de Palestine à l’ONU. 

Images insoutenables que celles des survivants des quartiers de Jabaliya, de Nusseïrat ou d’ailleurs, retirant à mains nues de dessous les décombres les restes des victimes de l’horreur, amassés faute de sacs mortuaires ou de linceuls dans des couvertures, des ballots de fortune pour être inhumés dans des fosses communes, en attendant une improbable identification ultérieure.

 Un même rituel mortuaire qui se répète et qui atteste l’ampleur des massacres et du dénuement le plus total d’une population contre l’agresseur génocidaire qui n’hésite pas à recourir à l’arme de la faim, pressé qu’il est dans sa folie exterminatrice de mener à son terme le nettoyage ethnique planifié de longue date. Ghaza n’est plus que ruines et dévastation, ravagée par plus de 75 000 tonnes de bombes déversées par l’armée sioniste, au point qu’il faudra une quinzaine d’années au moins, selon les experts,  pour tout déblayer.

 Mais la détermination des Ghazaouis dont la majorité n’a plus où aller, est intacte. Il n’y a pas d’échappatoire, comme disait Darwiche. 

Par Réda Bekkat 

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