En moins d’une demi-heure, la réunion du nouveau ministre de la Justice et garde des Sceaux, Lotfi Boudjemaa, avec les membres de l’Union nationale des ordres des avocats (UNOA), a été pliée.
Tenue samedi dernier au siège du département de la justice à Alger, à la demande des avocats, la rencontre «avait plus le caractère de visite de courtoisie que celui d’une réunion de travail», ont déclaré de nombreux avocats qui y ont assisté. «Nous avons plus parlé des problèmes auxquels nous étions confrontés au barreau d’Alger, alors qu’il était procureur général.
Son passage n’était pas long, mais il a été réceptif et a réglé certaines situations de blocage. Alger reste néanmoins la vitrine de la justice algérienne, et ses problèmes sont les mêmes que nous trouvons dans d’autres régions du pays, à des exceptions près. Il a été question de se préparer à une autre rencontre pour évoquer tous les problèmes du secteur», a indiqué à El Watan Me Baghdadi, président du barreau d’Alger.
C’est d’ailleurs ce qu’a précisé le communiqué rendu public, samedi dernier, par le ministère de la Justice : «Le ministre a passé en revue avec ses invités certaines questions liées à la coordination avec le barreau dans l’intérêt général pour une justice de qualité, affirmant l’importance d’organiser une prochaine rencontre pour discuter de toutes les questions pertinentes.»
En fait, «ces questions pertinentes» que le département de Lotfi Boudjemaa a évoquées et dont se plaint la corporation des avocats sont liées particulièrement aux «lenteurs» de l’examen des affaires au niveau de la Cour suprême, à la «surcharge» des dossiers au niveau des juridictions et au «manque flagrant» des moyens des tribunaux et cours. «La Cour suprême est submergée de dossiers.
Cela veut dire que les justiciables sont insatisfaits des autres juridictions d’appel. La majorité des dossiers sont donc rejetés systématiquement, en la forme, et parfois pour des arguments insignifiants. C’est un flagrant déni de justice et un sérieux problème à prendre en charge rapidement. Il y va de la crédibilité de la justice», a affirmé Me Baghdadi.
Poursuite des efforts
D’autres avocats ont évoqué «la surcharge des dossiers au niveau des juridictions et le manque de moyens dont elles disposent. L’exemple de la cour d’Alger, qui a à peine deux décennies d’existence, est révélateur. Elle a six salles d’audience, alors que le tribunal d’Alger, construit il y a plus d’un siècle, en possède neuf», poursuit l’avocat. Avis partagés par de nombreux autres de ses confrères avec lesquels nous nous sommes entretenus et qui se plaignent des conditions de travail.
Lors de son investiture, le ministre de la Justice avait parlé de sa feuille de route, basée sur «l’investissement dans la ressource humaine, la formation, la numérisation, la lutte contre la bureaucratie et le bon accueil des citoyens», en insistant sur «la poursuite des efforts en matière de lutte contre la criminalité sous toutes ses formes, notamment la corruption, avec rigueur et la protection des personnes et des biens», des objectifs qu’il s’était assignés durant son court mandat d’une année en tant que procureur général près de la cour d’Alger.
Il a aussi appelé ses cadres à «poursuivre le travail et l’amélioration des prestations dans l’intérêt général» et insisté sur «la conjugaison des efforts, la cohésion, l’entente face aux grands défis du secteur de la justice, afin d’atteindre les aspirations des justiciables par des réalisations et des comportements soumis aux règles juridiques et à l’éthique professionnelle».
En bref, les mêmes défis, qui mettent à mal la justice et rendent l’exercice des professionnels du droit dans des situations extrêmes difficile, créent, chez les justiciables, un sentiment de méfiance à l’égard des décisions rendues par les juridictions.