Quand l’Irak et l’Iran se réconcilient à Alger

06/03/2025 mis à jour: 23:51
1568

Lorsque le défunt président Houari Boumediène l’annonça, c’est la surprise totale. «J’ai le plaisir de vous annoncer qu’un accord global a été conclu hier soir, en vue de mettre fin aux divergences existant entre deux pays frères, l’Iran et l’Irak», déclare-t-il, lors de la séance de clôture du premier Sommet de l’OPEP à Alger, sous une longue ovation de l’assistance. 

Les accords d’Alger du 6 mars 1975 sont un traité signé entre l’Irak et l’Iran à propos de la dispute sur la démarcation de la rivière frontalière de Chatt-al-Arab. L’autre point-clé des accords, supervisés par le président Boumediène, est l’arrêt du soutien iranien aux Kurdes luttant contre le régime irakien. Ils ont été conclus entre le Shah d’Iran et le vice-président irakien de l’époque, Saddam Hussein. 

Aux termes de ces accords, le Chatt-al-Arab, voie d’eau formée par la réunion du Tigre et de l’Euphrate sur le Golfe, a été divisé, selon une ligne médiane, en deux parties égales attribuées à chacun des pays, l’Iran contrôlant la rive est, où se trouvent l’énorme complexe pétrolier d’Abadan et le port commercial de Khorramchahr. Les frontières fluviales sont ainsi délimitées selon la ligne du thalweg. 

De même, des dispositions ont été prévues pour délimiter définitivement la longue frontière terrestre entre l’Irak et l’Iran. Les deux parties avaient ainsi convenu de procéder à la démarcation définitive de leurs frontières terrestres sur la base du Protocole de Constantinople de 1913 et des procès-verbaux de la Commission de délimitation des frontières de 1914. 

Concours fraternel de l’Algérie

Enfin, Téhéran s’était engagé à cesser de soutenir la rébellion kurde en Irak.  Baghdad avait également renoncé à sa demande concernant l’évacuation par les Iraniens des trois îlots (Petite et Grande-Tumb et Abou-Moussa) du détroit d’Ormuz, occupés par la marine impériale du Shah. 

Aussi, les deux parties ont convenu de considérer les dispositions précitées comme les éléments indivisibles d’un règlement global, et, par voie de conséquence, toute atteinte à l’une de ses composantes est, de toute évidence, incompatible avec l’esprit de l’accord d’Alger, comme l’explique Mohamed Reza Djalili, professeur de droit à Téhéran, dans un livre consacré à ces accords et consultable sur la revue Persée. 

Par ailleurs, l’accord a précisé que les gouvernements iranien et irakien resteront en contact permanent avec le président Boumediène qui apportera, en cas de besoin, le concours fraternel de l’Algérie à la mise en œuvre des décisions arrêtées. 

Une semaine, jour pour jour, après la réconciliation irano-irakienne d’Alger, le gouvernement irakien a annoncé qu’à la demande de l’Iran, il suspendait provisoirement, à partir du 13 mars les opérations militaires dans le nord du pays contre les forces kurdes et que ces dernières étaient invitées à déposer les armes. La première conséquence des accords d’Alger est de portée générale : la normalisation des relations irano-irakiennes va contribuer à améliorer la situation politique dans la région du golfe Per-sique. 

A la «Pax Britannica» que les Anglais ont imposée pendant cent cinquante ans, succède alors une paix, certes de courte durée,  établie par la collaboration de pays arabes et, en premier lieu, l’Algérie. 

 

 

 

Chatt-al-Arab, plus qu’un fleuve

Le Chatt-al-Arab fut à la fois le prétexte immédiat de la guerre de huit ans entre l’Irak et l’Iran et l’un de ses enjeux.  Long de 255 km et large de 500 m en moyenne, coulant dans un vaste delta marécageux, le Chatt-al-Arab est beaucoup plus qu’un fleuve. «C’est depuis toujours une frontière politique et culturelle entre deux empires, l’ottoman et le perse ; deux mondes, l’arabe et l’aryen ; deux légitimités musulmanes, l’une sunnite, l’autre chiite», selon Le Monde. C’est en 1847 que Perses et Ottomans délimitent pour la première fois leur frontière fluviale, la souveraineté sur le Chatt-al-Arab revenant aux seconds. Après la découverte des premiers champs pétroliers au début du siècle, le tracé est modifié aux termes du Protocole de Constantinople. Après la chute des Ottomans, l’Iran exige un nouveau tracé puis conclut en 1937 un compromis avec l’Irak. Mais en avril 1969, le Shah dénonce ce traité. En novembre 1971, l’Iran et l’Irak rompent leurs relations diplomatiques après l’occupation par l’armée du Shah de trois îlots stratégiques dans le détroit d’Ormuz. M. A
 

Copyright 2025 . All Rights Reserved.