Face à la proposition jugée «délirant» par certains, «explosive» par d’autres du président américain Donald Trump autour de l’avenir de Ghaza, l’Egypte a annoncé la tenue d’un sommet d’urgence le 27 février au Caire.
Il sera précédé par un sommet de préparation le 20 février à Riyadh. Ces rassemblements, qui réuniront les chefs d’Etat et ministres des Affaires étrangères de plusieurs pays arabes, visent à débattre de la situation et l’avenir de l’enclave palestinienne. Le plan de Trump, qui prévoit de placer la bande de Ghaza sous contrôle américain tout en réinstallant ses deux millions d'habitants dans des pays voisins, suscite l’indignation dans la région et bien au-delà.
Le sommet a été convoqué après des consultations de haut niveau entre l’Egypte, la Jordanie, l’Arabie Saoudite, le Qatar et les Emirats arabes unis. Le chef de la diplomatie égyptienne, Badr Abdelatty, a mené ces discussions afin de dégager une position unifiée rejetant tout transfert forcé de population et insistant sur la nécessité d’une solution à deux Etats.
Aujourd’hui, il est important que les pays de la Ligue arabe trouvent une solution convaincante pour pour contrer un projet perçu comme une menace existentielle pour la cause palestinienne.
L’Arabie Saoudite, bien que proche alliée de Washington, a également exprimé son indignation face à ce qu’elle considère comme une tentative de «nettoyage ethnique» à Ghaza. Le royaume wahhabite a immédiatement pris l’initiative de réunir un sommet préliminaire à Riyadh le 20 février, en présence des dirigeants égyptiens, jordaniens, qataris et émiratis, ainsi que du président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas.
Le Caire, de son côté, a formulé une contre-proposition pour éviter tout déplacement massif des Palestiniens. Selon des sources égyptiennes citées par l’agence Reuters, ce plan inclut la mise en place d’un comité national palestinien chargé de l'administration de Ghaza, excluant le Hamas de toute gouvernance. Cette initiative prévoit également un financement international dirigé par les pays du Golfe pour assurer la reconstruction des infrastructures détruites par les bombardements successifs.
Un élément essentiel de cette alternative est le rôle de l’Arabie Saoudite. Le prince héritier Mohammed ben Salmane, figure centrale des relations entre Washington et le monde arabe, prend les devants.
«Nous avons un plan qui fonctionne. MBS joue un rôle crucial pour convaincre les Américains», confie un haut responsable jordanien sous couvert d’anonymat à l’agence Reuters. Alors que l’idée d’une zone tampon à la frontière entre Ghaza et l’Egypte émerge, plusieurs scénariis sont étudiés pour répondre à la crise humanitaire.
L’un d’eux prévoit la création de 20 zones d'habitation temporaire dès que les décombres auront été dégagés. Une cinquantaine d'entreprises égyptiennes et internationales pourraient être mobilisées pour mener à bien ces travaux, financés par un fonds international, possiblement baptisé «Trump Fund for Reconstruction».
Mais la question de la gouvernance et de la sécurité post-guerre constitue une pierre d’achoppement. Israël refuse catégoriquement tout rôle du Hamas ou de l’Autorité palestinienne dans l’administration de Ghaza. Washington, pour sa part, adopte une posture inflexible. Le président Trump considère son plan comme une véritable feuille de route et ne semble pas prêt à revenir en arrière. «Le seul plan sur la table, c’est le nôtre», a déclaré le secrétaire d’Etat Marco Rubio.
Le projet de Donald Trump ravive les souvenirs douloureux de la Nakba de 1948, qui avait conduit à l’exode de 700 000 Palestiniens. Pour les populations concernées, il s’agit d’un bégaiement de l’histoire après 75 ans de souffrances,
Israël prépare une offensive
La situation reste explosive à Ghaza. Même après les libérations des otages (3 du côté israélien, 333 du côté palestinien), l'armée d’occupation israélienne ne cesse de multiplier les provications et les signaux inquiétants, annonçant de nouveaux plans d’attaque. Cette déclaration, faite par le chef d’état-major israélien, Herzi Halevi, laisse entendre que l’accalmie actuelle pourrait n’être que temporaire, renforçant les craintes d’une reprise de la guerre. Le Hamas a appelé hier Washington à «contraindre» Israël à respecter l'accord de trêve, si les Etats-Unis tiennent vraiment à la vie des otages retenus à Ghaza depuis plus de 16 mois.
Alors que les négociations pour une deuxième phase de cessez-le-feu étaient censées débuter autour du 16e jour de la première phase, la situation semble s’envenimer. Sultan Barakat, professeur en études de conflit et humanitaires à la Fondation Qatar, a indiqué que ces discussions ont été retardées par la visite du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu à Washington ainsi que par les dernières propositions de Donald Trump.
La libération hier de 333 prisonniers palestiniens, moment tant attendu pour leurs familles, avait un goût amer. Parmi les prisonniers relâchés en Cisjordanie, près de la moitié ont été immédiatement transférés à l'hôpital. Les images qui nous sont parvenues, montrant des corps amaigris et dégradés par des mois de privations ne laissent aucun doute sur les souffrances endurées dans les geôles israéliennes.
Le sixième échange de prisonniers depuis le début de la trêve, et menacé à plusieurs reprises, s’est finalement déroulé hier, non sans difficultés. Cet échange, qui aurait pu être compromis à tout moment, s’inscrit dans un climat de défiance.
Dans leurs témoignages, les Palestiniens libérés font état de malnutrition, absence totale de soins, manque cruel d'hygiène. Beaucoup racontent avoir été affamés, interdits de produits de première nécessité pendant quinze mois, et ne pouvant se doucher qu'une fois tous les dix jours, pendant une minute seulement.
Une réglementation instaurée sous les ordres de l'ancien ministre israélien de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir. Parmi ces prisonniers, Hazem Rajab, arrêté en décembre 2023, deux mois après le début de la guerre contre Ghaza, livre un témoignage glaçant : «Les Israéliens nous ont dit : Bienvenue en enfer. Et c'était un enfer», raconte-t-il. Il poursuit : «Dès le premier jour, les coups ont été d'une brutalité insoutenable».
Comme lui, d'autres prisonniers évoquent des sévices, une terreur psychologique omniprésente et des conditions déplorables. L'organisation médiatique des prisonniers palestiniens dénonce ces actes comme des «violations flagrantes des droits humains», appelant la communauté internationale à prendre position.
«Deux poids, deux mesures»
célébrer leur retour. Beaucoup refusent de s'exprimer devant les médias. Certains ont reçu des menaces : interdiction de parler, interdiction de reprendre toute activité politique ou sociale. Certains ont été prévenus qu'ils seraient «exécutés» s'ils osaient s'exprimers. «Il est temps que la communauté internationale cesse d'appliquer une politique de deux poids, deux mesures». «Nos prisonniers ont droit à la liberté et à la dignité, tout comme les leurs», rappellent un représentant du Bureau médiatique des prisonniers palestiniens. Ahmed El Qudra, directeur du Bureau médiatique des prisonniers palestiniens, a exhorté la communauté internationale à ne pas fermer les yeux sur la réalité des conditions carcérales imposées aux Palestiniens. «Tout comme l'occupation exige le retour de ses prisonniers, nos prisonniers ont droit à la liberté et à la dignité. Nier cela, c'est être complice du bourreau», a-t-il déclaré sur Telegram.
Ultime provocation : Dans les images diffusées hier par le service pénitentiaire israélien, les prisonniers palestiniens étaient contraints de porter des t-shirts ornés de l'inscription : «Nous n'oublions pas, nous ne pardonnons pas», accompagnée d'une étoile de David. Cette initiative a été qualifiée de «raciste» par le Hamas, qui a fustigé un acte constituant une violation flagrante des lois humanitaires et des normes morales.
Mohamad Elmasry, professeur en études des médias à l'Institut de Doha, a jugé ces images «stupéfiantes», soulignant qu'elles témoignent d'une stratégie visant à déshumaniser les détenus palestiniens. «Cela s'ajoute à la liste des pratiques israéliennes documentées contre les prisonniers palestiniens», a-t-il souligné à la chaine El Jazira. Parmi les 333 prisonniers libérés hier, nombreux sont ceux qui n'ont jamais été accusés d'un quelconque crime.
Arrêtés sous le régime de la «détention administrative», ces Palestiniens ont passé des mois, voire des années, en prison sans procès ni inculpation officielle. Elmasry rappelle que cette pratique est largement condamnée par les organisations internationales de défense des droits de l'homme. Il est à souligner que malgré l'accord de cessez-le-feu en vigueur, des images satellite analysées par l'agence Sanad d'El Jazira montrent qu'Israël a détruit des dizaines de maisons à Rafah, dans le sud de Ghaza. De plus, le point de passage de Rafah, reliant l’Egypte à Ghaza, demeure fermé depuis mai 2024.
Le ministère de la Santé de la bande de Ghaza a annoncé hier que 25 corps ont été retrouvés au cours des deux derniers jours, et ajoute avoir enregistré 12 nouveaux blessés.
Le Hamas a appelé samedi Washington à contraindre Israël à respecter l'accord de trêve, si les Etats-Unis tiennent vraiment à la vie des otages retenus à Ghaza depuis plus de 16 mois.
«Les Etats-Unis doivent contraindre l'Occupation à honorer l'accord s'ils se soucient vraiment de la vie des prisonniers», a affirmé Hazem Qassem, porte-parole du Hamas, dans un communiqué. Le Hamas a reçu des «garanties sur l'entrée de maisons préfabriquées et d'équipement lourd dans la bande de Ghaza» et «nous avons les moyens de répondre à l'occupation si elle n'honore pas les termes de l'accord de cessez-le-feu».