Dernière trouvaille en date pour attiser le sentiment anti-algérien via certains médias français. Une prétendue affaire d’espionnage, qui remonte à quelques mois, a atterri le mercredi 12 mars sur les colonnes du quotidien Le Parisien.
L’info, insérée dans la rubrique «Faits divers», est reprise par des agences de presse et certains médias et est qualifiée de «sensible» dans un contexte marqué par un climat d’hostilité en France à l’égard de l’Algérie. Sous le titre «Un fonctionnaire de Bercy mis en examen pour espionnage au profit de l’Algérie», le média français rapporte que l’employé, suspecté d’espionnage, a été mis en examen, puis placé sous contrôle judiciaire.
Il est ainsi soupçonné d’«intelligence avec une puissance étrangère», «livraison à une puissance étrangère d’informations sur intérêt fondamental à la nation», «exercice d’activités pour s’informer sur les intérêts fondamentaux de la nation pour une puissance étrangère», rapporte le parquet de Paris auprès de l’AFP.
Sollicité par France 2, le ministre français de l’Economie et des Finances, Eric Lombard, ne s’est pas trop étalé sur cette affaire. «Nous coopérons avec la justice. L’agent a été suspendu. Je rappelle qu’il y a présomption d’innocence», a-t-il dit succinctement.
L’employé de 56 ans, un Franco-Algérien officiant comme chef de secteur à la sous-direction du numérique de l’Administration centrale (SDNAC) du ministère français de l’Economie et des Finances, est soupçonné d’«avoir livré des informations confidentielles sur des ressortissants algériens en France à un service de renseignement extérieur algérien», d’après des médias français.
On lui reproche, notamment, «d’avoir été en contact régulier avec une personne de nationalité algérienne travaillant au consulat d’Algérie de Créteil» et de «lui avoir transmis des informations personnelles sur des demandeurs d’asile algérien».
D’après des éléments de l’enquête, révélés par Le Parisien, le présumé espion aurait noué une relation avec une assistante sociale de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), qu’il aurait sollicitée pour obtenir ces informations. Selon le parquet de Paris, l’assistance sociale a été mise en examen le 7 février pour «violation du secret professionnel».
On apprend également que l’information judiciaire, qui a été ouverte le 20 novembre 2024 dans le cadre de cette «affaire», a été confiée à deux juges d’instruction. D’après la presse française, l’algérien qui exerçait au consulat d’Algérie à Créteil serait «le commanditaire des renseignements et il bénéficierait d’une couverture», mais, à ce stade de l’enquête, il n’a pas été mis en examen, a-t-on fait remarquer.
Dans le compte-rendu du Parisien, un détail fait cependant planer le doute sur la véracité des faits rapportés et l’authenticité du récit proposé à son lectorat.
Dans l’article publié dans la rubrique «Faits divers», on cite parmi les individus ciblés par cette «affaire» d’espionnage un certain Mohamed Larbi Zitout. Cofondateur du mouvement Rachad, émanation du Front islamique du salut (FIS), parti dissous, Larbi Zitout, ancien secrétaire diplomatique, s’est exilé en 1995 à Londres où il aurait acquis la nationalité britannique.
De Créteil à Londres
Depuis plusieurs années, ceux qui le suivent sur les réseaux sociaux peuvent aisément constater qu’il n’a pas arrêté d’effectuer ses «lives» à partir de son appartement douillet de Londres. Alors comment peut-on espionner à Paris une personne vivant à Londres depuis 30 ans ?
Pourquoi chercher les coordonnées et l’adresse de cette personne sur la base de données de l’OFII alors qu’elle apparaît à l’écran, chaque soir, de l’autre côté de la Manche ? Sauf dans le cas où les demandes d’asile en Angleterre transiteraient par Créteil…
Rappelons que Rachad, tout comme le Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie (MAK) sont classés, depuis 2021, comme organisations terroristes par les autorités algériennes. Très présent sur les réseaux sociaux, Zitout a été condamné, à maintes reprises et par contumace, à de lourdes peines de prison pour, entre autres, «mise en place d’une organisation terroriste», «intelligence avec une puissance étrangère, atteinte à l’autorité de l’armée, insulte et diffamation».
Notons que cette prétendue affaire d’espionnage a été «découverte» – par coïncidence pourrait-on supposer – par les policiers de la Direction générale de la Sécurité intérieure (DGSI), dépendant du département de Bruno Retailleau, à la veille de l’inculpation par la justice algérienne de l’écrivain algéro-français Boualem Sansal pour… «espionnage».
Il est utile de préciser que la DGSI est l’unique service spécialisé de renseignement français relevant du ministère de l’Intérieur, au sein de la communauté nationale du renseignement. Elle est, avec la Direction générale de la Sécurité extérieure (DGSE), l’un des deux seuls services de renseignement à compétence générale. La DGSI est dirigée depuis le 9 janvier 2024 par Céline Berthon, nommée à ce poste le 20 décembre 2023.
C'est la première fois de son histoire que ce service de lutte antiterroriste et de contre-espionnage est placé sous la direction d’une femme. Céline Berthon a succédé à Nicolas Lerner, qui a pris la tête de la DGSE.