L’espoir d’aboutir à un accord pour une trêve à Ghaza semble avoir été anéanti, après le rejet, hier, par les Etats-Unis, de la proposition faite vendredi dernier par le Hamas de libérer un otage israélo-américain.
L’administration Trump a accusé le mouvement de résistance palestinien de présenter des demandes «totalement irréalisables» et de «retarder» la conclusion d’un accord pour libérer un otage américano-israélien en contre-partie de la prolongation de la trêve.
C’est ce qu’ont déclaré, dans un communiqué commun publié hier, Steve Witkoff, l’envoyé du président américain pour le Moyen-Orient, et le Conseil de sécurité national américain. «Le Hamas fait un très mauvais pari : le temps joue en sa faveur. Ce n’est pas le cas», lit-on dans le communiqué, qui a mis en garde le mouvement de résistance palestinien : «Le Hamas est parfaitement conscient de l’échéance et devrait savoir que nous réagirons en conséquence si elle est dépassée», tout en rappelant la promesse du président américain de faire payer au Hamas «un lourd tribut» dans le cas où il ne libérerait pas les otages. Le communiqué ne précise cependant pas de quelle échéance il s’agit, d’autant que c’est la première fois qu’elle est évoquée officiellement.
Le Hamas avait, faut-il le rappeler, proposé, vendredi dernier, la libération de l’otage israélo-américain, soldat de l’armée israélienne, Edan Alexander et les corps de quatre autres Israélo-Américains décédés. Pour les Etats-Unis, «le Hamas a choisi de répondre en revendiquant publiquement sa flexibilité, tout en formulant en privé des demandes qui sont totalement irréalisables sans un cessez-le-feu permanent», lit-on dans le communiqué.
Depuis janvier dernier, Israël a tout fait pour ne pas aller vers la 2e phase de l’accord de cessez-le-feu qui prévoit la fin de la guerre et le retrait de ses forces de Ghaza et réclamé une prolongation de la 1re étape qui s’est achevée en début mars, sans la garantie de la fin de la guerre ni de celle de l’évacuation de ses troupes. Le Hamas a défendu, quant à lui, le respect des engagements de l’Etat hébreu, contenus dans l’accord de cessez-le-feu qu’il a signé sous la supervision des Etats-Unis.
Il s’est déclaré prêt à accepter une prolongation de la 1re étape de l’accord, mais avec la garantie de la fin de la guerre contre Ghaza et du retrait des forces d’occupation de l’enclave. Une offre rejetée par Israël, qui a mis sur la table des négociations une nouvelle offre, appelée «Plan de Witkoff», lequel n’a jamais reconnu sa paternité. Ce plan prévoit une prolongation du cessez-le-feu jusqu’à la fin du Ramadan et des fêtes juives, vers la deuxième quinzaine du mois d’avril prochain, en contre-partie de la libération d’otages en vie en échange de celle des détenus palestiniens.
Mercredi dernier, Steve Witkoff et le directeur principal du Conseil de sécurité national pour le Moyen-Orient, Eric Trager, ont présenté au Hamas, par l’intermédiaire des médiateurs qataris et égyptiens, une nouvelle proposition, dite Plan Witkoff, «dans de réduire les divergences», avait déclaré la Maison-Blanche. Pour de nombreux responsables israéliens, les Etats-Unis veulent à tout prix «libérer cinq otages vivants et restituer les corps de neuf otages morts en échange de la prolongation du cessez-le-feu jusqu’après le Ramadhan et la Pâque, qui se termine le 20 avril».
Boehler et son plan de libération des otages américains
Une proposition validée par Israël, d’autant qu’elle n’impose pas la fin de la guerre ni le retrait des troupes israéliennes de Ghaza. Mais le mouvement palestinien a persisté à vouloir aller vers une prolongation qui garantisse la fin de la guerre.
Dans sa réponse, il l’a clairement signifié, tout en annonçant la libération des otages américains vivants et morts. Dans on communiqué, la Maison-Blanche a affirmé que les médiateurs qataris et égyptiens avaient dit au Hamas, «en termes clairs» lors des négociations, que la nouvelle proposition américaine «devrait être mise en œuvre bientôt» et que le double citoyen américano-israélien Edan Alexander «devrait être libéré immédiatement».
Selon l’agence de presse britannique Reuters, deux responsables du Hamas ont déclaré que leur accord pour libérer Alexander et remettre les quatre corps était conditionné au début des négociations sur la deuxième phase du cessez-le-feu, à l’ouverture des points de passage et à la levée du blocus israélien.
«Nous travaillons avec des médiateurs pour que l’accord réussisse et pour contraindre l’occupation à conclure toutes les phases de l’accord», a déclaré à Reuters Abdel-Latif Al Qanoua, porte-parole du Hamas. «L’approbation par le Hamas de la libération d’Edan Alexander vise à pousser vers la conclusion des phases de l’accord», a précisé Al Qanoua à Reuters.
La réponse du Hamas a également fait réagir le Premier ministre israélien qui l’a qualifiée de «manipulation et de guerre psychologique», avant d’ajouter : «Alors qu’Israël a accepté la proposition de Witkoff, le Hamas maintient son refus et n’a pas bougé d’un millimètre (…).» Selon le Premier ministre, «les informations sur la volonté du Hamas de libérer les otages américains visent à saboter les négociations».
Pour faire fléchir le Hamas, Israël a pris la décision de punir la population de Ghaza en la privant de nourriture et d’électricité depuis deux semaines (pour l’interdiction de l’entrée de l’aide humanitaire et une semaine pour la coupure d’électricité). Lors des négociations qui avaient repris mercredi dernier à Doha, par l’intermédiaire des médiateurs qataris et égyptiens et sous la supervision américaine, le Hamas n’a pas changé de position, mais a exprimé sa bonne foi pour aller vers la 2e phase de l’accord, en libérant hier un otage israélo-américain et en restituant les corps de quatre autres décédés.
Dans son communiqué de vendredi dernier, le Hamas a déclaré : «Nous avons traité cette proposition (NDLR : Plan Witkoff) avec responsabilité et une approche positive et avons répondu vendredi. Nous sommes prêts à entamer des négociations sur la deuxième phase de l’accord de cessez-le-feu à Ghaza et nous appelons à faire pression sur Israël pour qu’il respecte ses engagements.»
Ce communiqué du Hamas n’a fait aucune référence directe au «Plan Witkoff», mais affirme entre les lignes qu’il acceptait l’offre de Boehler de libérer l’otage américain et la restitution des corps de quatre autres afin d’aller vers des négociations plus larges pour la libération de tous les otages et la conclusion d’une trêve durable qui aboutirait à la fin de la guerre. Dans le communiqué conjoint de Steve Witkoff et du Conseil national de sécurité, il est écrit : «Le Hamas a été informé sans équivoque que ce plan devrait être mis en place prochainement, et que le citoyen américano-israélien Edan Alexander devrait être libéré immédiatement.»
Une offre qui a ravivé les craintes israéliennes de voir l’administration Trump contrôler le dossier des otages, surtout après les négociations directes à Doha entre un dirigeant du Hamas et Adam Boehler, conseiller de Trump pour les otages.
La colère d’Israël contre le conseiller américain pour les otages
L’accord qu’aurait obtenu Boehler est que le Hamas libère les otages israélo-américains, tous des soldats de l’armée israélienne, dont quatre décédés, en contre-partie de la libération d’une longue liste de détenus palestiniens, le maintien de la trêve, l’entrée de l’aide humanitaire et l’entame des négociations pour la suite de l’accord. Fuités dans les médias américains et israéliens, ces pourparlers ont provoqué la colère des dirigeants israéliens, dont Netanyahu, qui ne pouvaient les dénoncer publiquement de peur de perdre le soutien inespéré de l’administration Trump.
Cependant, dans les coulisses, des campagnes de lobbying israéliennes ont été menées auprès des membres républicains du Congrès et des personnalités américaines influentes pour faire avorter le plan Boehler et surtout écarter ce dernier du dossier palestinien.
Les médias israéliens ont critiqué sévèrement l’offre du Hamas et dénoncé la ségrégation entre les otages américains et les autres. Les critiques ont visé spécialement Boehler, notamment après que les déclarations du secrétaire d’Etat, Marco Rubio, et de Steve Witkoff ont vraisemblablement laissé croire qu’il y a divergences entre l’administration Trump et la Maison-Blanche sur ces pourparlers, même après le démenti apporté par certains médias américains sur la «confiance totale» dont bénéficie Boehler auprès de Trump. Steve Witkoff avait lui-même déclaré à des journalistes rencontré à la Maison-Blanche que la libération de l’otage américain encore vie était une «priorité absolue».
Dans une déclaration à l’agence de presse française AFP, le porte-parole du Hamas a réaffirmé, hier, sa volonté à aller vers des négociations autour de la 2e phase de l’accord de cessez-le-feu. «Nous voulons consolider l’accord de cessez-le-feu et forcer (Israël) à en appliquer les termes», a déclaré Abdel-Latif Al Qanoua, tout en accusant Israël de «retarder» son application et dénonçant le blocage persistant de l’aide humanitaire entrant à Ghaza depuis le 2 mars. La même source a repris un membre du bureau politique du Hamas sous le couvert de l’anonymat qui a expliqué que «la proposition de libérer le soldat Edan Alexander, 21 ans, et de restituer les corps de quatre autres otages israélo-américains faisait partie d’un ‘‘accord unique’’ (…).
En échange, Israël libérerait des prisonniers palestiniens, dont le nombre est encore en cours de négociation». Le responsable, ajoute l’agence, a affirmé que «l’échange proposé était conditionné au démarrage simultané des négociations pour la mise en œuvre de la deuxième phase de la trêve, les pourparlers devant se terminer dans un délai de 50 jours (…). La proposition appelle également à l’ouverture immédiate de tous les postes-frontières pour permettre l’entrée de l’aide humanitaire à Ghaza et au retrait de l’armée israélienne du couloir de Philadelphie».
De son coté, Netanyahu, qui a toujours exprimé sa volonté de revenir à la guerre à n’importe quel moment, devait réunir, hier soir, son cabinet pour recevoir «un rapport détaillé» de son équipe de négociation rentrée vendredi soir de Doha, et «décider des prochaines étapes pour la libération des otages». Un ministre israélien a déclaré aux médias de son pays que la «prétendue offre» du Hamas de libérer les otages américains «avait pour but de saboter les négociations».
Selon lui, le mouvement de résistance palestinien «n’a pas changé d’un iota sa position, malgré les efforts de l’administration Trump et des médiateurs qataris et égyptiens, et malgré la volonté d’Israël de faire preuve de souplesse». Mais, le Hamas, par la voix de Husam Badran, a averti hier que «tout écart israélien par rapport» aux termes de l’accord de cessez-le-feu «entraînerait un retour à la case départ des négociations».
Force est de constater que la trêve tant espérée à Ghaza reste encore lointaine et que la population ghazaouie est sommée de subir encore la sanction collective de privation de nourriture, d’eau potable, de soins, etc. Salima Tlemçani